
Des partisans du Hezbollah brandissent des drapeaux du parti et du Liban ainsi que des portraits du chef actuel du parti, Naïm Kassem, lors d’une manifestation de soutien à l’Iran le 20 juin 2025, dans la banlieue sud de Beyrouth. Anwar Amaro/AFP
Le 3 novembre 2023, un mois après le lancement du Déluge d’al-Aqsa, Hassan Nasrallah tient son premier discours post-opération pour tracer les limites de l’implication de sa formation au secours de la cause palestinienne. Le rôle du Hezbollah est « de soutenir et de réduire la pression sur la résistance à Gaza », dit-il, promettant que les « règles d’engagement » avec Israël ne vont pas changer. Dans un deuxième discours, une semaine plus tard, il rappelle que le Liban est uniquement un « front de pression et de soutien ». Il affirme aussi prendre en compte « la réalité libanaise et l’intérêt national ». Dans l’espoir que son message résonne assez fort pour que ses combattants et sa base populaire soient épargnés. Nasrallah n’oublie même pas de lancer une bouée de sauvetage à la Syrie de Bachar el-Assad qui « subit une guerre planétaire depuis 12 ans » et à qui « nous ne pouvons pas demander davantage ».
La suite relève presque de la science-fiction. Les Israéliens avaient d’autres plans et l’index levé du leader chiite ne pouvait rien y changer. Le Liban-Sud est détruit, la banlieue sud aussi. Les cadres et combattants du Hezbollah éliminés l’un après autre. Hassan Nasrallah aussi. Comble de l’ironie : Bachar el-Assad ne tire aucune balle mais finit en exil après le renversement de son régime. Quant à Gaza, tous les fronts de soutien n’ont pas pu la sauver.
Pendant (tout) ce temps, l’Iran ne bouge pas le petit doigt. Le « père de la cause palestinienne et arabe » n’en ressent aucun besoin. Tant pis si la « résistance » est désaxée et si aucun « cher ami » ne survit à la machine de guerre impitoyable du « Petit Satan ». Quelques drones qui ne s’abattent nulle part en territoire israélien suffiront pour venger la mort de Hassan Nasrallah et Ismaïl Haniyé, « patience stratégique » et « principe de non-ingérence » obligent.
Mais on dirait que Naïm Kassem n’a toujours rien appris. « Nous ne sommes pas neutres » dans la guerre qui oppose, cette fois-ci sans bras régionaux interposés, la République islamique et l’État hébreu. « Nous sommes au côté de l’Iran face à cette injustice mondiale (…) et nous ferons ce que nous jugerons approprié. » Tout comme Hassan Nasrallah a ignoré les mises en garde internationales, surtout américaines, contre une implication dans le conflit en soutien au Hamas, son successeur s’(éver)tue à marcher dans ses pas. Au risque de faire payer à tous les Libanais le prix d’une telle mésaventure.
Sauf qu’entre Nasrallah et Kassem, il y a un monde. Dans tous les sens du terme. Le premier dirigeait une milice militairement puissante, forte de centaines de missiles balistiques iraniens prêts à être lancés – du moins c’est ce qu’on voulait lui faire croire. Il tirait surtout sa légitimité d’une base populaire prête à mourir pour lui. Le second règne sur des décombres et s’adresse à une rue meurtrie, fatiguée, désillusionnée. Son seul « avantage » ? Son parrain iranien pourrait cette fois-ci lui accorder la permission d’utiliser les quelques missiles balistiques toujours opérationnels en territoire libanais. Et pour cause : le régime de Ali Khamenei joue aujourd’hui sa survie, tous les coups sont donc permis.
Si quelqu’un pouvait toutefois rappeler au cheikh Kassem qu’au bout du compte, Téhéran retournera à la table des négociations sur laquelle il ne serait, avec son parti, qu’une carte à marchander. Si quelqu’un pouvait lui dire qu’un « front de soutien » ne sauvera pas l’Iran, mais détruira sûrement le Liban. Que s’il y a quelque chose à apprendre des Iraniens, c’est comment privilégier l’intérêt de son pays, comment « soutenir » sans mettre la main sur la gâchette. Que la neutralité (positive) s’impose aujourd’hui plus que jamais et que se tenir véritablement derrière l’État est notre seule planche de salut. Que tous les masques sont tombés et que le temps est venu d’être avant tout libanais. Si quelqu’un pouvait dire à Naïm Kassem qu’après un tel coup de poker, même Hassan Nasrallah se retournerait dans sa tombe...
Nous connaissons déjà tout ce est dit dans cet article et par conséquent rien de nouveau pour les lecteurs.
13 h 39, le 25 juin 2025