
Un commerce à louer à Beyrouth. Magaly Abboud/L'Orient-Le Jour
La loi sur les loyers non résidentiels est désormais en vigueur, ayant été publiée jeudi au Journal officiel (JO). Le Premier ministre, Nawaf Salam, avait ordonné sa publication, la semaine dernière, après sa promulgation par le président de la République, Joseph Aoun. Le texte avait déjà été publié une première fois le 3 avril, avant d’être jugé « inapplicable » par le Conseil constitutionnel, le 20 mai, à la suite d’un recours porté, le 17 avril, par le président Aoun, qui contestait la non-conformité de sa promulgation aux règles de la Constitution.
Adoptée par le Parlement en décembre 2023, alors que le pays se trouvait en vacance présidentielle (octobre 2022-janvier 2025), cette loi a, en effet, suivi un parcours complexe : elle avait été approuvée par le Conseil des ministres de l’époque, présidé par l’ancien chef du gouvernement Nagib Mikati, avant que ce dernier refuse, quelques jours plus tard, de la signer et de la publier au JO, la renvoyant au Parlement pour réexamen. Il avait justifié sa décision par son souci de ménager des centaines d’établissements scolaires incapables d’assumer les nouveaux loyers. Pour faire annuler la décision de M. Mikati, le syndicat des propriétaires des biens-fonds et des immeubles au Liban avait alors saisi le Conseil d’État (CE), qui, en avril 2024, a suspendu le décret de renvoi au Parlement, en attendant de rendre un verdict final. Celui-ci n’a toujours pas été rendu. Malgré cette procédure en cours, le chef du gouvernement, Nawaf Salam, a publié la loi au JO, le 3 avril 2025, revenant ainsi sur la décision de son prédécesseur.
Cette méthode de publication a donc été contestée, le 17 avril, par Joseph Aoun devant le Conseil constitutionnel. L’instance lui ayant donné gain de cause, le chef de l’État a, dès lors, procédé lui-même à la promulgation, cette fois conformément à la Constitution.
Un recours des locataires ?
La loi sur les baux non résidentiels concerne les loyers de magazines, bureaux, usines… conclus avant 1992. Elle prévoit leur libéralisation progressive sur une période maximale de quatre ans à compter de son entrée en vigueur. Après un gel prolongé de loyers devenus insignifiants en raison de l’inflation et de la dévaluation monétaire, les propriétaires concernés s’en félicitent, alors que leurs locataires la critiquent vivement, estimant que la hausse des loyers menace leur survie économique.
Contacté par L’Orient-Le Jour, Charbel Cherfane, avocat du syndicat des propriétaires des biens-fonds et des immeubles au Liban, estime que la promulgation par le président Aoun atteste de la conformité de la loi à la Constitution. « Le recours porté auparavant devant le CC par le chef de l’État, concernait la violation de son droit à la promulgation », fait-il observer. L’avocat ajoute qu’après la décision du Conseil constitutionnel, trois options s’offraient au chef de l’État : renvoyer la loi au Parlement pour réexamen, s’abstenir d’agir (ce qui aurait rendu la loi exécutoire d’office au bout d’un mois), ou la promulguer. « Il a choisi la promulgation, consacrant ainsi la constitutionnalité de la loi », note-t-il.
À l’opposé, les associations des locataires regrettent l’initiative du président de la République de publier la loi au JO. Après cette décision, une manifestation avait été organisée mardi matin devant le Sérail de Beyrouth. Jointe par L’OLJ, Me Maya Geara, représentant la commission civile des locataires, indique que son collectif compte mobiliser dix députés pour présenter un recours devant le CC, dans le délai légal de 15 jours. « Nous avions espéré que le chef de l’État userait de son droit de renvoi au Parlement, pour mettre un terme aux nombreuses violations commises depuis l’adoption de la loi en décembre 2023 », confie-t-elle, citant notamment « son vote pendant la vacance présidentielle ». Or la libéralisation des loyers « n’est pas considérée comme une législation de nécessité », seule autorisée à un gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes. « D’autant que le pays vit des circonstances socio-économiques exceptionnelles », poursuit-elle.
L’avocate déplore également que la loi renvoyée au Parlement par M. Mikati a été ensuite retournée au gouvernement, alors que le Conseil d’État ne s’est pas encore prononcé sur la validité de ce renvoi. De plus ajoute-t-elle, le retour au gouvernement a été effectué par le secrétariat général du Parlement, alors que cette prérogative est du ressort de la Chambre des députés.
« En tout état de cause, considérer une loi effective alors que la question de son renvoi au Parlement est toujours examinée par la justice, constitue une violation du principe de séparation des pouvoirs », estime Me Geara.
Les loyers non résidentiels, pas les baux commerciaux plutôt?
22 h 25, le 12 juin 2025