Le président syrien par intérim, Ahmad el-Chareh, alors qu'il recevait le ministre saoudien des Affaires étrangères à Damas, le 31 mai 2025. Syrian Arab News Agency (SANA)/AFP
La presse arabe a souligné que c’était son premier entretien avec un média juif. The Jewish Journal of Greater Los Angeles, connu plus simplement comme le Jewish Journal, a publié mercredi dernier le résumé de sa rencontre avec le président syrien par intérim, Ahmad el-Chareh, à Damas, le mois dernier. Jonathan Bass raconte s’être entretenu avec le chef d’État dans le palais présidentiel, décrit comme contrastant avec les immeubles modestes aux alentours. « Nous ne partons pas de zéro, mais de très profond », pointe Ahmad el-Chareh à son interlocuteur. Le journaliste américain le décrit comme ayant une « conviction tranquille », parlant doucement mais avec des mots choisis. « Il n’y a pas de triomphe dans sa voix, seulement de l’urgence. »
« Nous avons hérité de bien plus que des ruines. De traumatismes, de méfiance et de fatigue. Mais nous avons aussi hérité de l'espoir. Fragile, certes, mais réel », lui a déclaré le président syrien. « Il serait malhonnête de parler de table rase. Le passé est présent, dans les yeux de chaque personne, de chaque rue, de chaque famille. Mais notre devoir désormais est de ne pas le répéter. » Parlant de son désir de créer quelque chose de « complètement nouveau », Ahmad el-Chareh a présenté sa vision d’une société vibrante, multiculturelle, pluraliste, soutenant le droit au retour pour tous les Syriens, juifs, druzes, chrétiens et autres, écrit le journaliste. « L’État doit maintenant écouter plus qu’il ne commande », a affirmé le président. « Je ne demande pas la confiance, mais la patience – et une surveillance. Tenez-moi pour responsable, tenez ce processus pour responsable. C’est ainsi que viendra la confiance. » Interrogé sur les besoins les plus urgents des Syriens à l’heure actuelle, Ahmad el-Chareh a répondu : « La dignité à travers le travail. La paix à travers une raison d’être. (...) Il s’agit de donner aux gens une raison de rester, de vivre et de croire. » Tentant d’attirer les investissements étrangers, notamment régionaux, l’homme dit croire en l’éducation. « Chaque jeune homme travaillant est une âme en moins à risque de se radicaliser. Chaque enfant à l’école est un vote pour le futur. »
« Aucune nation ne peut prospérer lorsque les cieux sont remplis de peur »
Concernant les relations de la Syrie avec Israël, le président syrien a souligné son intention de revenir à l’accord de désengagement de 1974, alors que l’armée israélienne occupe depuis la chute de Bachar el-Assad des positions dans la zone censée être démilitarisée du Golan. Le texte représente pour lui le fondement d’une restreinte mutuelle et de la protection de civils, notamment des communautés druzes – qu’Israël a tenté de séduire en instrumentalisant leur crainte du nouveau pouvoir de Damas, issu de l’islam politique –, qu’Ahmad el-Chareh ne veut pas voir comme des « pions ». « L’ère des bombardements œil pour œil dent pour dent doit cesser. Aucune nation ne peut prospérer lorsque ses cieux sont remplis de peur. La réalité est que nous avons des ennemis communs et que nous pouvons jouer un rôle majeur dans la sécurité régionale. » Une référence à peine voilée à l’« axe de la résistance » mené par l’Iran et que dominait jusqu’à il y a peu le Hezbollah, lequel avait aidé le régime Assad à se maintenir au pouvoir lors de la révolution syrienne de 2011 réprimée dans le sang.
Les frappes israéliennes, intenses et régulières après l’arrivée au pouvoir des rebelles menés par Ahmad el-Chareh, avaient cessé peu avant l’annonce américaine de la levée des sanctions contre la Syrie, à la suite de laquelle le président syrien avait rencontré son homologue américain Donald Trump à Riyad. Des discussions directes entre Damas et Tel-Aviv ont notamment permis de contenir les tensions, bien que l’État hébreu ait récemment lancé des frappes sur Tartous et Lattaquié après près d’un mois de répit. Si l’idée d’une normalisation a été évoquée par le locataire de la Maison-Blanche, Ahmad el-Chareh a balayé son caractère imminent, se disant néanmoins ouvert à des discussions futures basées sur le droit international et la souveraineté. « La paix doit être gagnée à travers le respect mutuel, pas la peur. Nous nous engagerons lorsqu’il y aura de l’honnêteté et une voix claire vers la coexistence. »
Le président syrien s’est néanmoins montré plus pressé de construire une relation privilégiée avec Donald Trump, qu’il voit en « homme de paix », « le seul homme capable de réparer cette région, nous rassembler, un pas après l’autre ». « Nous voulons créer des partenariats avec les États-Unis, sur la gouvernance, la lutte contre la corruption, la construction d’institutions fondée sur l’honnêteté et l’intégrité. » Reprenant le slogan du milliardaire républicain, il a lancé : « Nous devons redonner sa grandeur à la Syrie. » À l’heure de quitter le palais présidentiel, Jonathan Bass note qu’aucun portrait du président ne pend au mur, aucun slogan, aucun drapeau. « Juste un homme qui essaie d’unir la carte de la Syrie dans un pays d’hommes égaux », écrit-il, visiblement séduit. « Je n’ai pas cherché ce poste pour gouverner, affirme Ahmad el-Chareh. Je l’ai accepté parce que la Syrie doit tourner la page. Je préfère aider à écrire cette histoire avec d’autres que de la regarder être détruite à nouveau. »
j'ai tout à fait la même impression qu'Habibi Français et ce depuis le 8 décembre : Al Charra touché par la grâce et qui aurait peu à peu converti son Djihad initial en Djihad du coeur. Bon, s'ajoute à cela une redoutable intelligence tactique et relationnelle induisant chez TOUS ses interlocuteurs, orientaux et occidentaux le fait d'être séduits et convaincus, ce qui lui permet d'obtenir ce qu'il veut. Si ce qu'il veut est vraiment de relever la Syrie, l'espoir est permis.
16 h 38, le 03 juin 2025