
Le ministre libanais des Affaires étrangères, Joe Raggi, arrive à la conférence de Bruxelles IX « Aux côtés de la Syrie : répondre aux besoins d'une transition réussie », au bâtiment Europa à Bruxelles, le 17 mars 2025. Photo Nicolas Tucat/AFP
Le monopole d'Etat sur les armes « est une revendication du peuple libanais et elle sert ses intérêts », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Joe Raggi dans une interview accordée au journal saoudien Okaz, publiée vendredi. « Le Liban œuvre à étendre sa souveraineté sur l’ensemble du territoire, et à éliminer toute organisation armée hors du contrôle de l’Etat », a-t-il assuré.
Et le ministre de poursuivre : « Il n'est plus possible de tolérer l'existence d'une partie hors du cadre de l'État légitime, qui s'engage dans des actions militaires ou sécuritaires (de son propre chef). Cela s'applique à toutes les organisations, groupes, cellules, etc. libanaises ou autres. La présence d'armes dans les camps (palestiniens, ndlr) ne peut se justifier par la résistance à Israël ou la libération de Jérusalem. »
Le chef de la diplomatie libanaise fait référence à l’épineuse question du désarmement du Hezbollah et du monopole des armes par l’Etat, qui se pose avec acuité depuis la dernière guerre avec Israël (2023-2024), et son cortège de destruction et l’affaiblissement du parti chiite. Le désarmement ne concerne pas que le Hezbollah, mais s’étend à la question encore plus ancienne des armes dans les camps palestiniens, elles aussi hors du contrôle de l’Etat libanais depuis des décennies.
Pour autant, dans ses propos, M. Raggi a reconnu qu’il y a des différences entre les armes palestiniennes dans les camps et celles du Hezbollah. « Le Liban soutient toutes les causes arabes, notamment le droit des Palestiniens à rentrer chez eux, mais ceux-ci sont des réfugiés sur le territoire libanais et cela ne leur donne pas le droit de porter les armes et de s’ingérer dans les affaires libanaises », a-t-il martelé, soulignant que « nous ne permettrons pas que les événements de 1975 se reproduisent », en référence au début de la guerre libanaise. Ce long conflit de 15 ans avait commencé suite à des incidents entre des factions palestiniennes et des partis libanais.
Toujours sur la question palestinienne, M. Raggi a confirmé qu’il existe une entente avec l’Autorité palestinienne (Fateh) sur le monopole des armes, mais que le problème demeure avec le Hamas. « On découvre chaque quelques temps des réseaux en lien avec ce parti, dont des éléments ont été récemment arrêtés pour avoir lancé des roquettes sur Israël à partir du Liban », a-t-il dit. Il a toutefois placé le retrait « inconditionnel » des Israéliens des positions que leur armée occupe encore sur le territoire, ainsi que la délimitation des frontières avec les deux voisins et le retour des réfugiés syriens dans leur pays, comme des priorités libanaises absolues.
« Paix et sérénité » dans le palais présidentiel syrien
Le ministre a été interrogé à propos de la relation entre le gouvernement de Beyrouth et le nouveau régime de Damas. Il a insisté sur le respect de la souveraineté des deux pays et de la non-ingérence dans les affaires intérieures de l’un et de l’autre, insistant sur l’importance de la stabilité interne syrienne.
Sur un plan plus personnel, il a affirmé avoir ressenti « de la paix et de la sérénité » à son entrée au palais présidentiel syrien, estimant « que le Liban a été délivré d’un grand fardeau », en référence au régime déchu de Bachar el-Assad (tombé en décembre 2024), tout en prônant « des relations basées sur le pragmatisme avec le voisin syrien ». Le ministre des AE avait accompagné le Premier ministre Nawaf Salam lors de sa visite à Damas le 15 avril dernier.
Concernant la relation avec les pays du Golfe, très perturbées au cours du précédent mandat, M. Raggi a souligné que « certaines erreurs » ont été commises, mais qu’une « nouvelle étape s’ouvre avec le nouveau mandat, ce qui a été ressenti par les autorités saoudiennes ». Le président Joseph Aoun s’est déjà rendu en Arabie saoudite en mars, au Qatar en avril, et vient de clôturer une visite aux Emirats arabes unis (EAU). Il a abordé la question de la restauration des relations entre le Liban et les monarchies du Golfe dans toutes ces visites. Des relations mises à mal ces dernières années en raison, entre autres, de déclarations hostiles contre ces pays par des personnalités de l’axe du 8 Mars au Liban.
Au cours de l’interview, M. Raggi a rendu hommage à l’Arabie saoudite « qui a toujours été aux côtés du Liban » et dont le rôle « est essentiel dans la stabilité du Liban et de la région ».
Boulos : Un principe consacré par l’accord de cessez-le-feu
Le monopole des armes par l’Etat, et par conséquent le désarmement des milices libanaises et palestiniennes, a également été consacré par l’accord de cessez-le-feu entré en vigueur en novembre 2024, qui a mis fin au conflit entre Israël et le Hezbollah. C’est ce qu’a déclaré vendredi Massaad Boulos, conseiller du président américain Donald Trump pour les affaires du Moyen-Orient, dans une interview accordée à la chaîne qatarie panarabe al-Jazeera.
« L’importance de cet accord de cessez-le-feu entre le Liban et Israël réside dans le fait qu’il a consacré le principe du monopole d’Etat sur les armes, et ouvert la voie à l’armée libanaise pour qu’elle mène son action sur tout le territoire, et pas seulement au sud du Litani », a-t-il assuré.
L’accord de cessez-le-feu est principalement fondé sur le contenu de la résolution 1701 des Nations unies, qui avait mis fin à un précédent conflit, celui de 2006. La question de savoir si le désarmement du Hezbollah et le démantèlement de son infrastructure militaire devrait se limiter au sud du Litani ou s’étendre à tout le territoire divise les autorités libanaises et la communauté internationale d’une part, qui penchent pour la seconde explication, et le Hezbollah de l’autre, qui défend la première. Pour la communauté internationale, le texte est clair et stipule un désarmement pur et simple de l’aile armée du parti.
Il faudrait demander au Comité chargé de la surveillance du cessez-le-feu entre le Liban et Israel d'élaborer au plus tôt une feuille de route qui mènerait pas à pas au retrait d'Israel des cinq positions occupées dans notre Sud et parallèlement à la temise des armes à l'État libanais . Et cessons de nous accuser les uns les autres du non-respect de l'accord du cessez-le-feu !
15 h 20, le 02 mai 2025