En attendant de se farcir les prochaines législatives, c’est dans les tendres prairies des querelles tribales que les municipales de mai se proposeront d’emmener brouter les Libanais. Pour la population qui attend, la question est pourtant toute simple à ce stade : paître ou ne pas paître. Il faut dire que l’approche du scrutin provoque déjà de la surchauffe dans les neurones des huiles de la politique. Bientôt les milliers de torchons collés sur les torchis, les portraits de gros nez et de hures boursouflées et moustachues, derniers guignols du fameux concours « Ma binette partout ».
Mais il n’y a pas que la langue de bois usuelle pour amuser le cobaye de base qui s’en ira porter ses burnes devant les urnes. On a beau raconter que les municipales sont des élections locales qui ne concernent que la gestion quotidienne des villes et villages, la gangrène politique finit toujours par reprendre le dessus. Notamment la vieille ratatouille réchauffée des formules passe-partout, empaquetées et prêtes à l’emploi. Avec en filigrane idiot, le nombre de chrétiens qui doit être absolument égal à la racine carrée de l’hypoténuse des musulmans.
C’est d’ailleurs le premier cliché : « Priorité à la coexistence. Le Liban, tel l’oiseau, ne peut prendre son envol qu’avec le concours de ses deux ailes chrétienne et musulmane. » Une belle image pour des gnoufs qui se sont massacrés pendant des dizaines d’années, au gré des crises d’ado successives de leurs communautés respectives. Entre-temps les ailes se sont tellement démultipliées que l’oiseau a pris des allures de ptérodactyle monstrueusement modifié.
Deuxième stéréotype : « Les empoignades sont un signe de bonne santé démocratique. » Une pensée profonde, régulièrement servie par ceux-là mêmes qui, à longueur de plateaux télé et réseaux, s’envoient des gamelles dans les grandes largeurs. En somme, plus ça vocifère, mieux la démocratie se porte... Anglais et Scandinaves ont beaucoup à apprendre.
Troisième poncif : « Il faut assurer la parité communautaire, surtout à la municipalité de Beyrouth. » Et là, c’est le Centenaire haut-perché-sur-son-perchoir qui bave de trouille. Tant que le Parti barbu tenait le haut du pavé et le tenait à lui bien en laisse, Istiz Nabeuh n’avait rien à secouer de l’équilibre islamo-chrétien. Mais les temps changent, les bas morceaux locaux des ayatollahs ont viré breloques, et l’Ancêtre législatif risque de se retrouver en string au futur conseil municipal de la capitale.
Enfin, rançon du sous-développement, l’incroyable pléthore de bidasses, poulets et autres pieds nickelés qui vont grenouiller un peu partout chaque week-end du mois prochain. Ce qui les change, les pauvres, de leur vocation traditionnelle qui consiste à jouer les plantons au pied des bâtiments publics ou à tapiner sur les barrages devant les résidences des chefs politiques. Avec des listes électorales surchargées de milliers d’affamés, dont le programme électoral se résume pour l’essentiel à leur pedigree communautaire, le spectacle de cette curée s’apparente à une ruée de miséreux à la soupe populaire.
Si seulement ces candidats pouvaient écouter nos voix au lieu de passer leur temps à les compter.
gabynasr@lorientlejour.com
Je vous adore ! Merci Monsieur.
10 h 09, le 09 mai 2025