Ces jeunes partis seront-ils de retour ? Ces bouquets de fleurs qui débordent des magasins, ces colliers qui scintillent dans les vitrines des orfèvres, ces senteurs de parfum qui éveillent en nous ce besoin d’être embrassé… Qui va les offrir ?
Les mamans guettent les passants de leur balcon, non par curiosité mais, par vacuité spatiale et géographique car, l’être, le seul être qui leur manque, a quitté ce pays. Il leur arrive de s’agripper à un pull ou un oreiller après leur départ, les mouillant de larmes sans consolation.
Toute lueur d’espoir a été éclipsée après les guerres en série, toutefois, l’aube redevient plus tendre, plus inspirant et un optimisme flotte au-dessus des maisons quasi vides. En sirotant le café, une mère s’interroge « seront-ils de retour ? »
après avoir écouté les nouvelles « seront-ils de retour ? » après la prière du soir, après un repas de fête « seront-ils de retour ? »
Ils seront de retour vers la terre qui a été leur premier berceau, vers les bras qui leur sont ouverts, vers les espaces qui n’ont jamais été clos, vers les âmes qui se nourrissent des fontaines. Ils seront de retour parce qu’ici le soleil est plus chaud, plus doré et si haut, si haut sans jamais brûler les ailes des oiseaux. Ici, les racines sont plus profondes, ici, les arbres sempiternels se nomment cèdres et défient le temps. Les ruelles de leurs villages les reconnaissent, les clôtures des jardins ont tatoué leurs pieds et mains d’égratignures, leurs visages portent le teint estival de leurs vacances à la montagne et leur jeunesse n’a pas quitté leur mémoire d’adulte.
Ils seront de retour pour échanger dans leur dialecte avec un ami d’enfance qui comprend leur jargon, pour commencer ensemble leur journée avec du thym et la terminer avec du labné. Ici, ils ne sont plus anonymes, ils ne portent pas seulement un prénom et un nom, ici, ils sont « fils de » et « fille de », ils ont une généalogie, une existence, une identité qui dépasse le registre civil. Ici, ils sont une histoire qui se raconte.
À ces mamans qui guettent de leur balcon, n’arrêtez-jamais d’attendre ! Cuisinez des plats en plus, préparez leurs lits, et laissez une tasse de café vide sur le plateau. Elle se remplira aussitôt, car ils seront de retour.
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