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Culture - Patrimoine en danger

Ghassan Salamé espère relancer le tourisme culturel dès que la situation sécuritaire se stabilisera

Les villages du Liban-Sud, l’inscription des forteresses de Jabal Amel, la « data » de Nabatiyé et le rapport des experts de l’Unesco, au menu de la Journée du patrimoine mondial.

Ghassan Salamé espère relancer le tourisme culturel dès que la situation sécuritaire se stabilisera

Le ministre de la Culture Ghassan Salamé lors d'une visite au musée national entouré de jeunes étudiants. Photo ANI

« La pierre – vestige du passé – demeure l’outil incontournable pour écrire l’histoire d’une région », a souligné le ministre de la Culture, Ghassan Salamé, à l’occasion de la Journée internationale des monuments et des sites, également appelée Journée du patrimoine mondial. La cérémonie s’est tenue le 17 avril à l’auditorium de la Bibliothèque nationale, à Sanayeh. « Le patrimoine revêt une dimension nationale ; il est difficile de forger une identité sans s’y référer », a poursuivi le ministre, avant d’évoquer la dimension esthétique de sites emblématiques comme Baalbeck, Tyr, Jbeil ou Tripoli : « Sans eux, nous vivrions dans un désert culturel. » Il a également insisté sur la valeur économique du patrimoine : « Nos sites, classés de valeur universelle exceptionnelle, constituent une véritable richesse touristique. J’espère que la situation sécuritaire se stabilisera dans les semaines ou les mois à venir, afin que nous puissions relancer le tourisme culturel. » Ghassan Salamé a aussi salué la « prise de conscience accrue de la société civile et son rôle essentiel dans la sauvegarde de l’héritage culturel ».

Patrimoine en péril : entre mémoire et dévastation

Mais le patrimoine ne se résume pas aux monuments ou aux collections d’objets. « Quand on pense au Liban, ce sont aussi les maisons traditionnelles, les villages – bien plus que de simples lieux – ce sont notre terre, notre ancrage », a souligné Sarkis Khoury, directeur général des Antiquités (DGA). « Raser quarante localités dans le Sud, c’est détruire tout un pan de notre paysage identitaire », déplore-t-il. Et d’ajouter : « En s’attaquant aux églises et aux mosquées, en brûlant au phosphore des milliers d’hectares de terres cultivées et de forêts, Israël a mené une guerre culturelle délibérée, visant à effacer la mémoire des traditions, reflets d’un mode de vie. En rasant au bulldozer des cimetières, son objectif était clair : effacer toute trace d’une existence passée. » Et Khoury de dénoncer l’« armée de l’ombre » – archéologues, ingénieurs, botanistes – qui accompagne systématiquement les incursions israéliennes.

Évoquant la mort de l’archéologue israélien Zeev Erlich à Chamaa – village abritant un site de pèlerinage chiite édifié sur une tombe attribuée, selon les traditions, soit à Simon le Zélote, l’un des apôtres, soit à Simon, fils du patriarche Jacob – Sarkis Khoury évoque une tentative d’appropriation symbolique : « Peut-être voulait-il prouver que ce territoire avait été habité par des Hébreux, dans une logique de légitimation territoriale. » Quelques heures après sa mort, la citadelle de Chamaa a été dynamitée en représailles. Le directeur de la DGA précise que ces villages reposent sur des tells archéologiques – des collines artificielles formées de strates successives d’occupation humaine : « Nous en comptons plus de deux cents entre le Sud et la Békaa. Peu ont fait l’objet de fouilles ; il est donc difficile de mesurer l’ampleur des dégâts infligés à notre archéologie. »

À propos des frappes israéliennes à proximité de la citadelle de Baalbeck ou des vestiges de Tyr, Sarkis Khoury avertit : « Ces structures, parfois fragiles, n’ont pas pu résister aux ondes de choc. La pierre a sans doute été marquée par des microfissures, qui, après plusieurs saisons de pluie, peuvent se transformer en brèches majeures. » À Baalbeck, un bâtiment patrimonial connu sous le nom de Menchiyé a été entièrement détruit. Sa propriétaire, Souad el-Khalil, a décidé de le reconstruire à l’identique avec l’aide de l’architecte Samir Rubeiz, en coordination étroite avec Khaled Rifaï, chef du département de conservation à la Direction générale des antiquités. Les pierres récupérées seront réemployées.

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Par ailleurs, pour protéger les objets du musée national, des mesures d’urgence ont été prises en collaboration avec le colonel Youssef Haïdar, du régiment des travaux de Beyrouth, et l’ONG Biladi. Depuis 2021, leur coopération s’inscrit dans le cadre du programme Jouhouzia pour la protection du patrimoine en cas de risque. Ce programme a d’ailleurs été sélectionné en 2022 comme l’une des meilleures initiatives de paix au Paris Peace Forum.

Sarkis Khoury a également annoncé que les forteresses de Jabal Amel – Beaufort, Toron (Tebnine), Deir Kifa et Doubayh – feront prochainement l’objet d’un dossier pour leur inscription sur la liste indicative de l’Unesco.

Jad Tabet, conseiller du ministre de la Culture (pour une livre symbolique, NDLR), président honoraire de l’Icomos Liban et ancien président de l’ordre des ingénieurs de Beyrouth, a détaillé les autres sites candidats à l’inscription : le site naturel de Menjez et ses monuments mégalithiques, l’ancienne ville de Tripoli avec ses 160 édifices historiques, les marais salants d’Enfeh, le temple d’Eshmoun près de Saïda, et enfin, le centre historique de Saïda lui-même. « Tous ces lieux, qu’ils soient naturels, culturels ou mixtes, répondent aux critères de la triade du patrimoine mondial : valeur universelle exceptionnelle, authenticité et intégrité », a-t-il rappelé. Il a également évoqué les conventions-clés de l’Unesco : celle de La Haye (1954), pour la protection des biens culturels en période de conflit ; celle de 1970, contre le trafic illicite de biens culturels ; et celle de 2001, dédiée au patrimoine subaquatique.

Pour mémoire

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L’Unesco valorise aussi le patrimoine immatériel. Le zajal (poésie populaire), la calligraphie arabe et la man’ouché (pain traditionnel libanais) ont ainsi été inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, respectivement en 2014 et 2021.

En marge de la conférence, Jad Tabet a confié à L’Orient-Le Jour que des experts de l’Unesco mènent actuellement des enquêtes de terrain pour évaluer les dommages subis par les 34 sites culturels placés sous protection renforcée en novembre dernier. « Leur rapport sera prêt d’ici à un mois. » Si les frappes israéliennes s’avèrent être la cause des dommages, une action en justice pourrait être engagée en vertu de la deuxième Convention de La Haye. « Ce sera un processus long, mais capital. »

Concernant le bâti urbain, Yasmine Dagher, architecte au sein de Beirut Heritage Initiative, a rappelé qu’un projet de loi sur le patrimoine a été élaboré en 2017, après une série d’études et de cartographies menées entre 1992 et 2014. Ce texte, fondé sur le principe du transfert des droits de développement, n’a jamais été voté. C’est la double explosion au port en août 2020 qui a mené à la promulgation de la loi 194, interdisant les démolitions et transferts de propriété dans les quartiers sinistrés. « Une avancée juridique majeure pour préserver l’architecture traditionnelle et moderne », a-t-elle souligné.

Enfin, Joanne Farchakh, présidente de l’ONG Biladi, a présenté les premiers résultats d’un vaste projet qu’elle pilote à Nabatiyé avec les étudiants de l’Université libanaise. Objectif : établir une base de données (data) des bâtiments pilonnés. Huit sont totalement détruits, 39 gravement endommagés – certains déjà avant le conflit – et 120 menacés à moyen terme. Elle y documente également les savoir-faire en taille de pierre et les techniques de construction traditionnelles. « Une base de données précieuse pour la reconstruction », conclut-elle.

« La pierre – vestige du passé – demeure l’outil incontournable pour écrire l’histoire d’une région », a souligné le ministre de la Culture, Ghassan Salamé, à l’occasion de la Journée internationale des monuments et des sites, également appelée Journée du patrimoine mondial. La cérémonie s’est tenue le 17 avril à l’auditorium de la Bibliothèque nationale, à Sanayeh. « Le patrimoine revêt une dimension nationale ; il est difficile de forger une identité sans s’y référer », a poursuivi le ministre, avant d’évoquer la dimension esthétique de sites emblématiques comme Baalbeck, Tyr, Jbeil ou Tripoli : « Sans eux, nous vivrions dans un désert culturel. » Il a également insisté sur la valeur économique du patrimoine : « Nos sites, classés de valeur universelle exceptionnelle, constituent...
commentaires (2)

Très chouette la photo de Salamé entouré de jeunes et propos très émouvants de Sarkis Khoury. Ils auraient mérité au moins un sous-titre. Enfin, agréablement surprise de voir que le Liban s’occupe de protéger son patrimoine par des initiatives concrètes et des équipes dédiées. Les destructions systématiques et parfois gratuites de notre pays par les Israéliens doivent être dénoncées à l’ONU.

Marionet

21 h 05, le 24 avril 2025

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Commentaires (2)

  • Très chouette la photo de Salamé entouré de jeunes et propos très émouvants de Sarkis Khoury. Ils auraient mérité au moins un sous-titre. Enfin, agréablement surprise de voir que le Liban s’occupe de protéger son patrimoine par des initiatives concrètes et des équipes dédiées. Les destructions systématiques et parfois gratuites de notre pays par les Israéliens doivent être dénoncées à l’ONU.

    Marionet

    21 h 05, le 24 avril 2025

  • Le rôle de l’état était d’agir en amont afin de protéger le patrimoine de notre pays en assurant une garde pour empêcher toute invasion des vendus qui les utilisaient comme rempart pour se protéger. L’armée syrienne avait élu domicile à Anjar, le HB, les sites séculaires qui font notre histoire, sans que cela n’ébranle le moins du monde la conscience de nos dirigeants qui se contentaient de compter les dégâts et les destructions voulues et programmées par les vendus, ennemis de leur propre pays. Après la destruction du Sud, HB a choisi de détruire le reste, et se vante de protéger le Liban.

    Sissi zayyat

    11 h 13, le 24 avril 2025

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