Alors que le monde pleure la disparition du pape François, de nombreux jeunes Libanais se remémorent les instants passés en sa présence. Des moments où ils se sont sentis « vus, aimés et remplis de courage ».

De la cité du Vatican aux messes nocturnes sur les plages du Portugal, L’Orient-Le Jour a recueilli les témoignages de jeunes Libanais ayant rencontré le souverain pontife.

Yara Dargham, journaliste au sein de la chaîne libanaise LBCI, se souvient de l’avoir aperçu à six reprises lors des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), à Lisbonne en 2023. « Ce fut une expérience brève, mais d’une richesse inouïe – une chance qui ne se présente qu’une seule fois dans une vie », confie-t-elle. Aux côtés de deux millions de jeunes venus du monde entier, elle a passé la nuit sur une plage, priant sous les étoiles pendant que le pape célébrait la messe.

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« C’était irréel, mais magnifique. On dormait à la belle étoile, en priant toute la nuit. À chaque passage du pape, nous criions 'Liban ! Liban !' en agitant notre drapeau. Il nous souriait, nous bénissait d’un geste de la main, posait la main sur nos têtes ou traçait le signe de la croix », raconte-t-elle, ajoutant avoir été marquée par sa manière d’incarner les valeurs chrétiennes. « Il vivait pleinement le message d’amour, de coexistence et d’harmonie – pas seulement avec ceux de son entourage, mais aussi avec les croyants d’autres religions. »

« Son profond attachement au Liban »

Sandra Chaoul a côtoyé de plus près encore le pape François dans le cadre de ses fonctions. Collaborant avec les jésuites depuis 2015, elle a participé à l’élaboration de programmes sur le discernement et le leadership dans l’Église. En tant que directrice d’un réseau international de coachs pour le programme Discerning Leadership à Rome, elle a rencontré à plusieurs reprises le pape François, notamment lors du synode des évêques sur la synodalité en 2023 et 2024.

« Lors de nos brèves rencontres individuelles, il exprimait toujours son profond attachement au Liban, ses inquiétudes et ses prières constantes pour notre peuple, témoigne-t-elle. Ceux qui l’ont approché ont senti cette présence unique : humble, ancrée, sûre de ses convictions, mais toujours ouverte, chaleureuse et accessible. » Elle garde en mémoire sa joie simple à chaque interaction – que ce soit en saluant les foules depuis la « papamobile » ou en acceptant, avec amusement, les selfies spontanés. « Par son exemple, il a donné de la force à beaucoup et ravivé la foi en une Église renouvelée », dit-elle.

Sandra Chaoul en pleine discussion avec le pape François. Photo fournie par Sandra Chaoul à L’OLJ

Le foulard des guides du Liban

 « J’ai eu l’immense honneur de rencontrer le pape François à deux reprises », raconte Tracy Chalfoun, membre de l’Association des guides du Liban. La première fois, en mai 2024, lors du Congrès des jeunes où elle représentait la Conférence internationale catholique du guidisme. « Je lui ai remis mon foulard en lui demandant de prier pour les scouts, les guides, et pour le Liban. Et puis… j’ai osé enfreindre le protocole en demandant un selfie. Il a souri et m’a dit : “Oui, bien sûr, avec joie !” Ce moment-là, sa poignée de main, son regard m’ont fait sentir vue. »

Sa seconde rencontre s’est déroulée dans le cadre de son rôle au sein de l’International Youth Advisory Body (IYAB), organe du dicastère pour les laïcs, la famille et la vie. Elle en a profité pour lui demander quel message il souhaitait transmettre aux jeunes Libanais qui peinent à s’investir dans l’Église faute de soutien.

« Il m’a répondu : “Faites toujours confiance à l’Esprit saint. C’est notre premier et véritable guide.” Puis il a pris le drapeau libanais, m’a regardée droit dans les yeux et a déclaré devant l’assemblée : “Le Liban est un message. Vous souffrez de l’intérieur, mais vous êtes aussi l’espérance”, se remémore-t-elle. On est rarement regardé de cette manière. Le pape François nous rappelait de vivre avec courage, de garder une âme jeune, de nous laisser guider par l’Esprit saint, et surtout d’aimer – car Dieu est amour. »

« Sa présence nous rassurait, même au cœur du chaos »

Jane Haswani, membre du comité directeur de l’Association des guides du Liban, a elle aussi eu son moment privilégié avec le successeur de Pierre. Lors d’un voyage au Vatican, elle a présenté au pape les initiatives de l’Église catholique au Liban. « Il s’est montré très encourageant, sincèrement intéressé. »

Jane Haswani, membre de l’Association des guides du Liban, avec le pape François. Photo fournie par Jane Haswani à L’OLJ

Pour Claire Saïd, ancienne directrice d’école et fidèle laïque de l’Église melkite, la rencontre s’est déroulée en octobre 2024, en pleine guerre entre le Hezbollah et Israël. « L’aéroport (de Beyrouth) était visé par des bombardements, mais j’ai quand même pu rejoindre Rome et le rencontrer. En tant que Libanaise, j’ai ressenti un profond réconfort dans sa présence. »

Claire Saïd avec le pape François. Photo fournie par Claire Saïd à L’OLJ

Elle se souvient de sa constance, de son engagement pour la paix, la non-violence et les droits humains. « Jusqu’à ses derniers jours, il est resté aux côtés de l’humanité. Il appelait chaque jour le chef d’une Église encore présent à Gaza, partageant rires et mots de soutien malgré les horreurs. » Claire Saïd peine à mettre en mots ce qu’il représentait vraiment. « Il est difficile de décrire qui il était. Mais sa seule présence nous donnait un sentiment de sécurité. »

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