L’ex-gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé. Photo ANI
Le premier juge d’instruction du Mont-Liban, Nicolas Mansour, a fixé au 3 avril le début de l’examen d’un dossier de poursuites engagées par l’ancienne chef du parquet d’appel Ghada Aoun, avant son départ à la retraite le 1er mars 2025, contre la société de courtage Optimum Invest et l’ex-gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, ainsi que contre plusieurs banques et leurs présidents. Le collectif « Le peuple veut la réforme du système », qui se veut défenseur des déposants et représenté notamment par les avocats Hassan Bazzi et Pierre Haddad, s’était constitué partie civile dans cette affaire en septembre 2023. Avec ce collectif, Élias Jaradé, député de la contestation, s’était joint à la procédure pour tenter d’obtenir réparation en tant que « citoyen, déposant et député responsable », affirme-t-il à L’Orient-Le Jour. L’enjeu est un montant de 8 milliards de dollars détournés dans le sillage des transactions entre la banque centrale et la société Optimum Invest, précise un des plaignants, alors que l’ex-gouverneur de la BDL et la société de courtage ont toujours démenti avoir commis des malversations.
C’est notamment un rapport juricomptable établi en 2023 par le cabinet international Alvarez et Marsall, concernant les comptes de la BDL, qui avait poussé la juge Aoun à mener des investigations. Selon ce rapport, de nombreuses irrégularités dans la gestion financière de la banque centrale auraient été commises entre 2015 et 2019. L’ancienne magistrate avait mentionné des transferts de fonds provenant du « compte de consultations » dans la BDL vers des comptes ouverts auprès de banques commerciales, et dont l’identité du ou des bénéficiaire(s) n’a pu être connue en raison du refus de la Banque du Liban de divulguer des noms. Ces fonds seraient le fruit de la vente de bons du Trésor par la BDL à la société de courtage, que celle-ci rachetait dans un court délai à des prix majorés.
L’ancienne magistrate avait également fait état d’un rapport comptable d’un autre cabinet international d’audit, Kroll. Elle avait, dans ce cadre, rapporté sur son compte X le 9 février dernier qu’« un montant représentant des commissions gagnées par la banque centrale dans ses transactions avec Optimum Invest était sorti du compte de consultations ». « Nous ne savons toujours pas où ce montant est allé », avait-elle ajouté. Le rapport de Kroll avait été établi à la demande d’une nouvelle direction de la société de courtage.
En engageant ses poursuites, l’ancienne chef du parquet d’appel s’était basée notamment sur des articles du Code pénal relatifs à la corruption et au détournement de fonds, ainsi que sur la loi sur l’enrichissement illicite.
Recel d’informations
En juin 2024, Ghada Aoun avait été mise à l’écart des dossiers financiers par le chef du parquet de cassation Jamal Hajjar, qui avait ainsi ordonné à la police judiciaire de ne plus se conformer à ses instructions. Elle avait cependant poursuivi ses investigations, considérant que la décision de son supérieur hiérarchique était « nulle et contraire à la loi ».
Le dossier de poursuites qui sera examiné le 3 avril par le juge Mansour cible également Wassim Manssouri, ancien gouverneur de la BDL par intérim, pour « refus de fournir des informations demandées par la justice ». Alors que Ghada Aoun lui avait demandé de lui communiquer, en tant que président de la Commission spéciale d’investigation à la banque centrale, des informations sur les montants qu’elle suspectait, M. Manssouri s’était abstenu de répondre. Il s’était en effet conformé à une demande écrite de ne pas coopérer avec Ghada Aoun que lui avait adressée Jamal Hajjar. Il avait remis les documents en question à Jamal Hajjar, après que ce dernier eut ouvert une enquête sur ce sujet fin juillet 2024.
Quel sac de noeuds à dessein... mais la vérité émergera, avec ou sans le retour des avoirs volés.
19 h 37, le 29 mars 2025