
Le Premier ministre libanais Nawaf Salam, lors d'une interview sur la chaîne al-Arabiya, le 21 mars 2025. Capture d'écran
Le Premier ministre libanais, Nawaf Salam, est au centre d’une polémique sur les réseaux sociaux depuis le week-end dernier, après qu’il se soit exprimé en dialecte égyptien lors d’une interview vendredi sur la chaîne saoudienne al-Arabiya. Interrogé par la journaliste égyptienne Rasha Nabil sur les relations avec le Hezbollah, M. Salam avait prononcé une partie de sa réponse dans un accent égyptien, suscitant des critiques en ligne.
Les locuteurs arabophones alternent généralement, dans des prises de parole publiques, entre l’arabe dialectal, qui est propre à chaque pays, voire même avec des variantes régionales au sein d’un même pays, et l’arabe littéraire ou standard, compris par la plupart des groupes distincts. La différence entre les dialectes libanais et égyptien est autant marquée par l’accent que par la conjugaison et la prononciation de certaines consonnes.
« La page est tournée en ce qui concerne les armes du Hezbollah après la déclaration ministérielle. L’expression « peuple, armée, résistance » (chère au parti et dont la quintessence figurait dans les déclarations ministérielles des gouvernements précédents, NDLR) fait désormais partie du passé », avait déclaré M. Salam vendredi, tout en alternant entre les dialectes libanais et égyptien.
La déclaration ministérielle du gouvernement Salam, qui s’inscrit dans le prolongement du discours d’investiture du président de la République, Joseph Aoun, est la première déclaration ministérielle, depuis Taëf, à ne faire aucune mention du « droit du peuple à résister par tous les moyens à l’occupation israélienne ». La nouvelle équipe ministérielle a plutôt insisté sur le fait que « l’État est entièrement responsable de la défense de son territoire » et doit « détenir le monopole des armes ».
« Il doit être fier de son identité »
Réagissant sur la plateforme X, des internautes ont dénoncé le « mauvais » accent égyptien de Nawaf Salam, sans pour autant réagir face au contenu de son discours, sachant que le sujet des armes du Hezbollah est un des dossiers les plus polémiques au Liban. « Il est supposé s’exprimer dans le dialecte libanais ou en arabe littéraire. Au final, il représente le Liban et il doit être fier de son identité et de son histoire », a écrit un internaute sur X.
Même son de cloche du côté d’un autre internaute qui lui demande d’utiliser le dialecte libanais. « Monsieur le Premier ministre Nawaf Salam, le Liban a un dialecte propre à lui (...) Vous n’êtes pas obligé de vous exprimer en égyptien, quel que soit le motif. Votre langue maternelle est le libanais. La langue est un symbole de souveraineté et d’appartenance, et vous représentez le gouvernement libanais », a écrit un autre. « Quel comportement ridicule », peut-on lire dans un autre commentaire en ligne.
« Nous avons toujours aimé les dialectes l’un de l’autre »
Réagissant au lendemain de l’interview, la journaliste Rasha Nabil est venue pour sa part à la rescousse du Premier ministre. « Nawaf Salam, le Premier ministre libanais, a prononcé quelques mots en égyptien et je lui ai moi-même dit quelques mots en libanais. Cela est toujours le cas entre les Égyptiens et les Libanais. Nous avons toujours aimé les dialectes l’un de l’autre (...) Que Dieu protège les peuples libanais et égyptien », a-t-elle écrit. Le principal intéressé n’a, lui, pas réagi dans l’immédiat, se contentant de partager la publication de Mme Nabil sur son propre compte sur X.
D’autres internautes ont pris la défense de Nawaf Salam et balayé les critiques sur cet incident. « La plupart des personnes qui critiquent le fait que Nawaf Salam ait dit quelques mots en égyptien dans son interview ont des esprits étroits (...) Quoi qu’il en soit, il est charismatique et sûr de lui. Il n’a pas de sang sur les mains et il est l’une des personnes les plus éduquées à avoir dirigé le pays », a réagi une internaute. « La personne qui parle le dialecte de celui qui l’interroge est ouverte et intelligente », a écrit un autre. « Les sujets discutés étaient importants. Parler dans des dialectes différents montre qu’on est à l’aise (...) ce qui ajoute à la clarté et la crédibilité », souligne pour sa part un internaute saoudien.
Dès la formation du gouvernement Salam en février, le Hezbollah a lié les discussions sur son arsenal au dialogue et à une stratégie de défense nationale. Lors d’un Conseil des ministres le 13 mars, le débat autour de l’arsenal du parti de Dieu s’était engagé sous l’impulsion des Forces libanaises et des Kataëb, qui avaient réclamé la mise en place d’un calendrier pour son désarmement.
Lors d’une visite au Liban-Sud, le 28 février, Nawaf Salam avait été pris à partie par certains habitants qui ont critiqué la gestion, par les autorités libanaises, du dossier de l’occupation israélienne de certains secteurs à la frontière.
Pourquoi une "polémique"? C'est plutôt amusant, non?
07 h 04, le 25 mars 2025