
De gauche à droite, les lauréates Mayyas Osman, Layan Helmi, le Dr Salem el-Naeemi, la Dr Nada el-Darra, et le Dr Rachid Benlamri, lors de la remise du prix. Photo Vision Makers Photography.
S’inscrivant dans le domaine du traitement des eaux usées industrielles, le projet primé vise l’élimination des métaux lourds, comme le plomb, et des colorants industriels, à l’aide des feuilles de tomate. Utilisées comme adsorbant naturel, celles-ci sont capables de purifier l’eau de ces contaminants chimiques qui menacent la santé humaine et animale. Encadrées par la Dr Nada el-Darra, directrice du département de nutrition et diététique de l’Université arabe de Beyrouth et professeure en sécurité alimentaire, Layan Helmi, doctorante en biotechnologie, et Mayyas Osman, étudiante en master d’analyse et sécurité alimentaire, se sont distinguées dans la catégorie des post-gradués de la Compétition de la jeunesse arabe, organisée par le Centre d’excellence pour la sécurité alimentaire et la durabilité de l’Université de Doha pour la science et la technologie (UDST), en partenariat avec le ministère de l’Environnement et du Changement climatique et le ministère des Municipalités, entre autres. Elles ont été primées dans le cadre de la Conférence internationale sur l’eau et la sécurité alimentaire face au changement climatique : Défis et opportunités pour la résilience (WFCC 2025). Venant d’Algérie, d’Arabie Saoudite, d’Égypte, des Émirats Arabes Unis, du Liban, d’Oman, de Palestine et du Qatar, les étudiants participant à la compétition devaient proposer des projets qui abordent les enjeux de la sécurité alimentaire et la gestion des ressources en eau, face aux défis du changement climatique. Remporter la 2e place, parmi les 106 candidats de la compétition, a constitué ainsi un accomplissement pour les deux jeunes femmes libanaises. « C’est une validation du travail acharné et du dévouement investis dans cette recherche », estime Layan Helmi, tenant surtout compte du fait que la majeure partie de la recherche a été menée dans un contexte de stress intense, en pleine guerre. Les deux lauréates considèrent également que la valorisation du projet lors de cette compétition implique que les solutions innovantes aux défis environnementaux et scientifiques sont reconnues et appréciées.
« Ce prix n’est pas seulement une réussite personnelle pour nous, mais aussi une avancée dans la sensibilisation aux méthodes durables et économiques de traitement des eaux usées. Il nous motive à continuer à repousser les limites de la recherche scientifique et à contribuer à la résolution de problèmes concrets », soulignent-elles. Par ailleurs, les deux lauréates ne cachent pas leur joie d’avoir été reconnues en tant que femmes scientifiques. « Nous espérons que cette reconnaissance inspirera davantage de femmes à se lancer dans la recherche, à innover et à apporter leurs idées. Cette victoire est un exemple parmi tant d’autres de l’impact que les femmes peuvent avoir dans les sciences et la recherche », assure Mayyas Osman.De même, pour la Dr Nada el-Darra, la récompense s’inscrit dans la stratégie de l’Université arabe de Beyrouth visant à favoriser l’innovation dans l’éducation et à promouvoir la diversité dans les disciplines STEM. « Cette distinction renforce notre mission consistant à autonomiser les femmes en sciences, un aspect essentiel pour bâtir un environnement académique plus inclusif », assure-t-elle, évoquant le rôle que peuvent jouer les femmes dans le développement de notre société. « Les femmes apportent des perspectives uniques et des solutions novatrices aux défis de la recherche. Au Liban, où l’égalité des sexes en sciences est encore un défi, il est crucial de soutenir leur participation dans les domaines STEM. Leurs contributions peuvent mener à des avancées majeures dans divers secteurs, bénéficiant ainsi à l’ensemble de la société et à l’évolution scientifique du pays », ajoute la directrice du département de nutrition et diététique de l’UAB.
Une approche économique et performante, facilement applicable
À l’origine du projet, les deux étudiantes ont souhaité répondre à deux défis environnementaux majeurs, en promouvant des pratiques écologiques : d’une part la gestion des déchets biologiques, et de l’autre la pollution de l’eau générée par l’activité industrielle, alors que les traitements classiques sont coûteux et peu durables. Elles ont ainsi fixé comme objectifs de développer une méthode de purification des eaux usées industrielles qui soit écologique, peu coûteuse et efficace, mais aussi de trouver une utilisation efficace des déchets agricoles, réduisant ainsi la pollution et contribuant « à l’avancement de la chimie verte et des solutions environnementales durables », affirme Mayyas Osman. Layan Helmi explique pour sa part que « les feuilles de tomate possèdent des propriétés naturelles qui leur permettent de piéger et d’éliminer les substances toxiques, rendant ainsi l’eau plus sûre à utiliser. Cette méthode est une alternative durable et abordable aux traitements conventionnels des eaux usées », note-t-elle. D’ailleurs, pour les étudiantes, les résultats obtenus sont plus que satisfaisants : « La recherche a prouvé que les feuilles de tomate éliminent efficacement les contaminants mentionnés, avec un pourcentage d’adsorption très élevé, même avec des concentrations de polluants supérieurs. En parallèle, la méthode est économique, écologique et applicable à grande échelle », ajoute Layan Helmi. En somme, cette dernière explique qu’en utilisant un sous-produit agricole abondant et bon marché, cette initiative présente plus d’un avantage : son coût réduit lui permet d’être appliquée à grande échelle, « notamment dans les pays en développement où les systèmes de filtration coûteux ne sont pas toujours accessibles ». Dans ce contexte, la Dr el-Darra évoque les possibilités de mise en place du projet, après avoir effectué des essais supplémentaires pour évaluer l’efficacité des feuilles de tomate sur divers types de contaminants, permettant de développer un filtre performant. « Les prochaines étapes consistent à collaborer avec les municipalités locales et les organisations environnementales pour tester le projet dans les zones touchées par la pollution industrielle. Nous prévoyons de collaborer avec les industries pour appliquer cette solution au traitement de leurs eaux usées et avec les agriculteurs pour collecter les feuilles », dit-elle. Cependant, la recherche ne s’arrêtera pas à ce stade, elle se poursuivra pour étudier la décontamination des feuilles après usage et assurer la durabilité du processus. « Bien qu’il reste encore un long chemin à parcourir, le potentiel de ce projet est très prometteur. Il pourrait servir de modèle pour d’autres recherches et innovations dans le domaine du traitement des eaux, renforçant ainsi le rôle de l’Université arabe de Beyrouth en tant que leader de l’engagement communautaire et des pratiques durables », affirme la Dr Nada el-Darra. Dans ce cadre, celle-ci rappelle que « transformer les déchets en ressources est un enjeu crucial au Liban, où la gestion des déchets pose de nombreux problèmes. Par conséquent, répondant aux objectifs de développement durable, mettre en œuvre des solutions pareilles peut améliorer la santé publique et soutenir les efforts du pays en matière de gestion durable des ressources », conclut la directrice du département de nutrition et diététique.