
La Première ministre italienne Giorgia Meloni a reçu le président émirati Mohammad ben Zayed al-Nahyane au Palazzo Chigi, à Rome, le 24 février 2025. Remo Casilli/Reuters
La visite de Mohammad ben Zayed à Rome aura été fructueuse pour Giorgia Meloni. La Première ministre italienne a reçu lundi le président émirati pour parler de coopération bilatérale et conclure une quarantaine d’accords. Les promesses d’investissements ont touché aux secteurs de la défense, de l’énergie, de l’espace ou encore de l’intelligence artificielle, les deux pays notant un intérêt pour les domaines de la connectivité, des infrastructures, de l’industrie high-tech, de la technologie hydraulique, de l’aviation civile, de l'éducation, de la culture ou encore de la santé. Au total, ce sont 40 milliards de dollars d’investissements qui ont été annoncés, peu après les 10 milliards avec lesquels la cheffe du gouvernement italien est revenue de Riyad suite à sa rencontre avec le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane fin janvier. De quoi renforcer les liens entre l’Italie et les pays du Golfe, qui pourraient y trouver une porte d’entrée pour accroître leur présence au sein de l’Union européenne (UE), avec laquelle certains comme Abou Dhabi aimeraient conclure des accords de libre-échange.
L'Union européenne dans le viseur
Dans cette veine, l’agence de presse émiratie a mentionné le souhait bilatéral d’avancer vers un partenariat global stratégique avec l’Italie, mentionnant la poursuite de négociations en vue de la signature d’un accord dit CEPA (Comprehensive Economic Partnership Agreement) avec Bruxelles. Signés depuis février 2022 avec l’Inde, Israël, l’Indonésie, la Turquie, le Cambodge et la Géorgie, ces types de deals abolissant les droits de douane mutuels pour près de la totalité des biens et services échangés bilatéralement ont joué un rôle important dans la croissance du volume commercial non pétrolier des Émirats arabes unis (EAU), contribuant l’année dernière à hauteur de près de 37 millions de dollars supplémentaires au total échangé. Fort de ses liens avec de nombreux pays africains, l'Italie pourrait également ouvrir des portes sur ce continent, Rome et Abou Dhabi s’étant engagés particulièrement à y explorer des opportunités de coopération avec d’autres partenaires.
Parmi les autres projets qui intéressent les deux pays, le développement du corridor IMEC, cette voie commerciale terrestre et maritime censée relier l’Inde à l’Europe, en passant notamment par l’Arabie saoudite, les EAU, mais potentiellement aussi Israël et la Jordanie. Mis à mal depuis le 7 octobre 2023 et la guerre à Gaza, le plan avait été annoncé au sommet du G20 de 2023 par les dirigeants concernés, dont l’Italie. Rome s’active néanmoins en vue de se poser comme un hub incontournable. Le pays a ainsi annoncé le mois dernier avec l’Albanie et les Émirats un partenariat de près de un milliard de dollars pour construire une interconnexion sous-marine afin d’importer de l’énergie renouvelable du pays des Balkans à travers la mer Adriatique, tandis qu’il a lancé fin 2023 une coopération européenne avec la Tunisie pour relier les deux pays par un câble électrique sous la Méditerranée.
Intérêts communs de défense et politiques
Si l’Italie représente un poids non négligeable au sein de l’Union européenne, ce sont surtout les politiques d’ouverture conduites par Giorgia Meloni depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2022 qui ont facilité son rapprochement avec les pays du Golfe. La cheffe du parti de droite radicale Fratelli d’Italia s’est ainsi rendue trois fois aux EAU et une fois en Arabie saoudite depuis le début de son mandat, ainsi qu’à Bahreïn, une première pour un dirigeant italien. Après avoir levé les restrictions sur les exportations d’armes qui pesaient sur Abou Dhabi puis Riyad, en raison de leur implication dans la coalition internationale contre les houthis au Yémen, la Première ministre italienne a notamment décrit le royaume saoudien comme « un acteur essentiel du Moyen-Orient ». Suite à sa visite à al-Ula, elle avait également annoncé sa volonté d’intégrer Riyad dans le programme Global Combat Air Programme, en discussion avec le Japon et la Grande-Bretagne pour concevoir un avion de chasse furtif de sixième génération. Avec Abou Dhabi, Rome a signé des contrats militaires avant la visite du président émirati, notamment un accord de 524 millions de dollars pour moderniser la flotte émiratie, tandis qu’un autre partenariat était annoncé le 20 février entre la compagnie TRUST, affiliée à la société émiratie de défense EDGE, et l’italien Leonardo DRS, spécialisé dans l’aérospatiale et la défense, pour le « développement, la production et le soutien à long terme de solutions de défense sur mesure pour les forces armées des EAU ».
Au-delà de ces coopérations, les pays du Golfe pourraient vouloir compter politiquement sur l’Italie pour pousser à lever les sanctions européennes contre la Syrie, alors qu’une première étape en ce sens a été franchie lundi avec la suspension des restrictions dans les domaines de l’énergie, du transport et des finances. Dans une moindre mesure, Rome pourrait soutenir en Europe la solution à deux États pour la Palestine, voire auprès du président américain avec lequel elle entretient d’excellentes relations. « Normaliser les relations entre l’Arabie saoudite et Israël pourrait faciliter le progrès vers une solution à deux États », avait cependant déclaré Giorgia Meloni depuis al-Ula. En attendant, l’Italie participe à l’opération de surveillance des activités houthies en mer Rouge auprès d’autres pays européens, qui vient d’être prolongée jusqu’à fin février 2026.