
L'armée libanaise tentant de disperser des manifestants lors d'un rassemblement organisé par le Hezbollah sur la route de l'aéroport international de Beyrouth, le 15 février 2025. IBRAHIM AMRO / AFP
« La précédente équation au Liban a changé (…) La présence de milices armées est maintenant du passé. » La vérité, dans sa forme la plus crue, est cette fois-ci sortie de la bouche de Walid Joumblatt, et il semblerait que seul le Hezbollah ne veut pas l’entendre. « La résistance est là pour rester », a encore lancé dimanche l’un de ses députés. « Ceux qui misent sur la lassitude de la résistance se bercent d’illusions », peut-on encore lire sur une banderole affichée sur la route de l’Aéroport international de Beyrouth – ou devrions-nous plutôt dire sur la « route de Jérusalem » ?
Car depuis trois jours, c’est ici que la « résistance » mène sa principale bataille. Non contre les frappes continues menées par Israël au Sud et dans la Békaa, malgré l’accord de cessez-le-feu, mais contre « les diktats israéliens et américains » et la… « violation de la souveraineté » du Liban. Oui, vous avez bien lu. Derrière ce sursaut « souverainiste » du bras libanais de velayet e-faqih, l’interdiction, par l’État libanais, à un avion iranien d’atterrir à Beyrouth après avoir été informé par Washington qu’Israël risquait de frapper l’aéroport. En réaction, le Hezbollah a lancé son premier défi au nouveau mandat de Joseph Aoun et au gouvernement de Nawaf Salam. Des « sionistes », des « vendus », des « employés d’Israël et des États-Unis »… Depuis jeudi soir, on ne tarit plus d’éloges à l’égard d’un président que le Hezbollah a pourtant élu et d’un cabinet au sein duquel il a dû imposer sa présence. On dénonce « une atteinte à l’État et aux forces de sécurité » que l’on a même pas daigné consulter avant de lancer sa guerre de soutien à Gaza. On crie à « l’humiliation » alors que les Israéliens ont tagué sur les murs la preuve de leur séjour dans les habitations du Sud.
Le plus hallucinant dans cette histoire, c’est que le Hezbollah semble occulter le fait que l’interdiction de l’avion iranien est une démarche conforme aux clauses de l’accord – qui interdit tout financement des opérations de la milice ou son réarmement – négocié par son « grand frère » et avalisé par le cabinet de son cadet. Et c’est là où le bât blesse. Oui, nous sommes face à une nouvelle forme de tutelle sur le Liban. Mais celle-ci est la conséquence directe de la défaite du Hezbollah dans cette guerre, traduite par une entente, elle humiliante, scellée par Nabih Berry et Nagib Mikati, avec la bénédiction de Naïm Kassem. Quant au nouveau mandat, il s’active aujourd’hui à ramasser les pots cassés et porte sur son dos le lourd fardeau d’une souveraineté vendue.
Malheureusement, le Hezbollah n’a pas l’air de reconnaître cette réalité. Surtout, il n’arrive pas à faire avaler la pilule amère à sa base meurtrie ni à lui dire la vérité sur la face cachée de l’accord qu’il a signé. Il ne semble d’ailleurs même pas capable d’assumer son recours à la rue – dont il tirait pourtant fierté dans le passé, comme en ce fameux 7 mai 2008 –, se lavant les mains des premières manifestations dans plusieurs quartiers de la capitale et faisant porter la responsabilité à des « éléments indisciplinés ». De trois choses l’une : soit le parti fait avaler des couleuvres à tout le monde ; soit il a eu recours à la rue dans une volonté d’envoyer un message aux autorités mais n’avait pas l’intention de laisser les choses déraper car il ne peut plus entrer en confrontation avec la communauté internationale ; soit les divergences internes qui le minent font qu’il existe aujourd’hui deux Hezbollah, deux leaderships et deux visions différentes.
Dans son dernier discours dimanche, Naïm Kassem s’est de nouveau caché dans les jupes de l’État libanais, estimant qu’il lui incombait de pousser Israël à retirer ses troupes d’ici au 18 février, nouveau délai imparti dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu. Mais il semble oublier que plus il plante des mines sur le chemin du nouveau mandat, plus celui-ci aura du mal à tirer le Liban – et le Hezbollah avec – d’affaire.
Le parti chiite ne doit plus se leurrer : face à la grande déception de sa base qui fait le deuil de longues années de suprématie ; face à l’assèchement de ses ressources pourtant vitales pour la reconstruction ; et après la perte de Hassan Nasrallah, son leader charismatique qui avait ce pouvoir de mobiliser foule et combattants en levant son index, l’heure de faire des concessions politiques a sonné. Il y va de sa survie et de celle du Liban aussi. Tant Joseph Aoun que Nawaf Salam ne cessent de lui tendre la main. Ne pas la prendre reviendrait à creuser sa propre tombe... sur la route de l’aéroport.
Article très bien écrit mais malheureusement la situation ne va pas aller en s'améliorant En asséchant les caisses du HB, des dizaines de milliers voire des centaines de milliers de libanais seront sans ressources et devinez ce qui arrivera... Ni les américains, ni d'autres pays ne pourront aider et remplacer la manne iranienne et thouara il y aura sauf à exporter des comprimés de... à gogo. Et la tombe est tellement large qu'elle engloutira tout les pauvres libanais
22 h 31, le 17 février 2025