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Culture - Reportage

Sur la scène libanaise, la démocratisation de la poésie comme moyen d’expression

Loin de l’imaginaire élitiste qu’on aime lui attribuer, la poésie a reçu ces dernières années une cure de jouvence au Liban, servant désormais de support pour une jeunesse en quête d’émancipation.

Sur la scène libanaise, la démocratisation de la poésie comme moyen d’expression

Plus d’une dizaine de lieux à Beyrouth programment des soirées exclusivement dédiées à la poésie. Photo Zeina Kovacs

Il est 21h et la soirée touche à sa fin. Hésitante, une jeune femme brune aux cheveux courts se lève, encouragée par la vingtaine de personnes assises dans le public de ce bar de Mar Mikhaël. Arrivée sur la petite scène, elle lit lentement des vers qu’elle a griffonnés sur un carnet. C’est une déclaration d’amour.

« Je pourrais rester devant toi, brute, pour toute une vie, pourrir, me transformer et fleurir. Et tu pourrais être ma maison, là où je n’aurai plus jamais à me cacher », conclut-elle, sous les applaudissements. Puis, elle rejoint sa compagne assise au fond de la salle et la serre dans ses bras.

Chaque mardi depuis quelques mois, ces jeunes se retrouvent autour de cette scène ouverte dédiée à la poésie. Dans la salle, la moyenne d’âge est de 23 ans tout au plus et de nouveaux visages apparaissent toutes les semaines dans le public ou sur la scène. « J’ai voulu créer un environnement intimiste, explique Serge, 24 ans, l’un des fondateurs de ces rencontres. Nous ne sommes pas écrivains et c’est intimidant d’imaginer ce que les gens pensent de ce qu’on a écrit. »

Ce soir-là, Chris, 21 ans, est lui aussi monté sur scène pour parler d’amour. À la fin de son poème, il en profite pour faire la promotion d’une soirée qu’il vient de créer, un nouvel open mic autour de la poésie, cette fois dans un bar de Badaro. « J’ai toujours été fan de ce format, nous souffle l’étudiant. On a souvent l’impression que la plupart de nos divertissements culturels viennent de l’Occident ou de l’étranger. C’est réjouissant de voir que de nombreux artistes locaux peuvent être vus et reconnus dans ces petits espaces. »

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Aujourd’hui, plus d’une dizaine de lieux à Beyrouth programment des soirées exclusivement dédiées à la poésie. De nouveaux collectifs se forment et les soirées, qui se multiplient depuis la fin de la guerre, ne désemplissent pas.

Les soirées « open mic » à Sidewalk Jbeil. Photo Sidewalk Jbeil


Un lieu sécurisant pour les minorités

À une trentaine de kilomètres de la capitale, niché dans un recoin du souk de Byblos, un bar accueille de jeunes locaux venus se retrouver autour d’une petite scène intimiste. Quelques promeneurs curieux s’arrêtent pour écouter les histoires racontées sur scène, puis font rapidement demi-tour, constatant que le bar est complet.

C’est la seconde soirée de ce collectif depuis la fin de la guerre. Pour l’occasion, les deux cofondatrices, Steph et Karen, 26 et 25 ans, sont présentes et animent la soirée. Créé en 2019, Sidewalk Jbeil ne cesse de recruter de nouveaux artistes venus des alentours. « On en avait marre de faire des allers et retours à Beyrouth pour participer à des scènes ouvertes. C’est comme ça qu’on a eu l’idée de fonder un collectif à Jbeil », explique Steph.

Après plusieurs années passées dans un club de poésie à l’université, les deux amies avaient aussi envie de créer un collectif à leur image, « plus libre et plus inclusif ».

« Le Liban est un pays où il y a beaucoup de tabous. Jbeil en particulier est une ville conservatrice, c’est difficile ici de parler de féminisme ou de relations queers par exemple, poursuit Karen. On voulait rencontrer des personnes d’ici qui nous ressemblent pour pouvoir exprimer nos idées sans peur d’être jugées »,

L’inclusivité est l’un des points communs de ces scènes ouvertes libanaises. C’est d’ailleurs ce qui a motivé Skye, 22 ans, à trouver le courage de monter sur scène pour partager ses poèmes d’amour dédiés à sa compagne. « Je n’aurais jamais pensé qu’un lieu comme ça existait au Liban. C’est une forme de sécurité que je ne pensais pas pouvoir expérimenter de sitôt », explique l’étudiante en sciences.

Si la scène de la poésie libanaise a trouvé un essor chez les jeunes Libanais entre 2017 et 2018, ce n’est que depuis récemment que la communauté queer y a trouvé une vitrine aussi libre, clarifie Dima Matta, poétesse libanaise depuis les années 2000. « Les jeunes générations n’ont plus peur d’être franches à ce sujet. »

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Parfois perçue comme désuète, ou du moins réservée à une élite intellectuelle, la poésie gagne aujourd’hui du terrain auprès des jeunes générations d’artistes libanais, portées par le désir d’y trouver une forme d’expression brute. « Il faut démystifier la poésie, explique Chris, on perd beaucoup de potentiel en croyant qu’elle ne peut être comprise que par une poignée de gens instruits. »

La poésie semble avoir trouvé une place de choix dans la scène underground libanaise et il n’est plus extravagant d’entendre quelques vers entre un sketch et un morceau de folk. « La poésie est un art aussi terre à terre que le rap ou le stand-up, ça touche le public », poursuit Jad, humoriste et fondateur de Maw2af (موقف), un open mic à Beyrouth qui met au même plan les poètes amateurs et la nouvelle scène musicale et humoristique.

La guerre récente n’a pas échappé à la lucidité de ceux qui font vivre la poésie au Liban. « Ces derniers mois, les artistes ont beaucoup parlé de Gaza et du sud du Liban », explique l’humoriste, se remémorant notamment le passage sur scène d’un jeune Libanais réfugié du Sud venu parler de sa région.

« Bien sûr que la guerre a fait émerger de nouveaux sujets sur scène. On est nombreux à parler de la résistance face à Israël. Le propre de la poésie c’est de parler de notre quotidien, et la guerre est notre réalité collective », explique Serge.

Ce mardi soir, à l’événement qu’il a fondé à Mar Mikhaël, une jeune Franco-Libanaise prend le micro pour réciter un poème en français dédié à la ville d’origine de sa famille :

« Tyr, ma ville dorée qui est si loin de moi,

On dit souvent que c’était mieux avant,

Mais moi avant je n’en sais rien,

Je ne connais que toi maintenant,

Et je n’aurais rien changé. »

Myriam a vu Tyr pour la dernière fois en 2019, elle est partie sans savoir qu’elle ne la reverrait plus en un seul morceau. En France en novembre, elle écrit pour faire passer son chagrin. « Ces poèmes m’ont pris tellement d’énergie, je ne les ai toujours pas relus. Mais un jour, j’ouvrirais mon recueil pour me souvenir. »

Dima Matta aime rappeler que le propre de l’art est d’être utilisé dans ces moments collectifs comme espace contre l’oppression. « L’art est une forme d’engagement politique, ce n’est pas nouveau, dit la poétesse, mais plus qu’un moyen de résistance, je dirais plutôt que la poésie à Beyrouth résiste malgré les événements. »

Il est 21h et la soirée touche à sa fin. Hésitante, une jeune femme brune aux cheveux courts se lève, encouragée par la vingtaine de personnes assises dans le public de ce bar de Mar Mikhaël. Arrivée sur la petite scène, elle lit lentement des vers qu’elle a griffonnés sur un carnet. C’est une déclaration d’amour.« Je pourrais rester devant toi, brute, pour toute une vie,...
commentaires (3)

QUAND ON PARLE DE L,AMOUR ON NE PEUT PAS SE REFERER A NOS JEUNES. LA JEUNESSE DE L,AMOUR EST LE *COEUR*. C,EST LA QU,IL GITE.=======*L,ADJURATION* *SONNET* =DANS MES REVES JE TE VOIS. -TU T,ECLIPSES A L,AURORE. -NOTRE IDYLLE D,AUTREFOIS, -DANS MON COEUR HABITE ENCORE =LES ANS N,ONT PAS EFFACE, -A MES YEUX TA DOUCE IMAGE. -JE REGRETTE LE PASSE, -ET JE T,AIME DAVANTAGE. =VIENS, MA BIEN-AIMEE, AINSI, -CHASTE ET BELLE, CHAQUE NUIT, -AVEC TES AILES D,ARCHANGE, =TE GLISSER DANS MON DOUX SONGE, -PUIS A L,AUBE, AVEC CANDEUR, -RETOURNE HABITER MON COEUR.

LA LIBRE EXPRESSION. LA PATRIE EST EN DANGER.

16 h 53, le 12 février 2025

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Commentaires (3)

  • QUAND ON PARLE DE L,AMOUR ON NE PEUT PAS SE REFERER A NOS JEUNES. LA JEUNESSE DE L,AMOUR EST LE *COEUR*. C,EST LA QU,IL GITE.=======*L,ADJURATION* *SONNET* =DANS MES REVES JE TE VOIS. -TU T,ECLIPSES A L,AURORE. -NOTRE IDYLLE D,AUTREFOIS, -DANS MON COEUR HABITE ENCORE =LES ANS N,ONT PAS EFFACE, -A MES YEUX TA DOUCE IMAGE. -JE REGRETTE LE PASSE, -ET JE T,AIME DAVANTAGE. =VIENS, MA BIEN-AIMEE, AINSI, -CHASTE ET BELLE, CHAQUE NUIT, -AVEC TES AILES D,ARCHANGE, =TE GLISSER DANS MON DOUX SONGE, -PUIS A L,AUBE, AVEC CANDEUR, -RETOURNE HABITER MON COEUR.

    LA LIBRE EXPRESSION. LA PATRIE EST EN DANGER.

    16 h 53, le 12 février 2025

  • Si certains aiment la poésie? Tant mieux.Il en faut pour tous les goûts après tout

    LE FRANCOPHONE

    09 h 52, le 12 février 2025

  • Bel article.

    Nicolas Nassar

    00 h 47, le 12 février 2025

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