
Laila Soueif, mère de Alaa Abdel Fattah, aux côtés de sa fille Sanaa, s’exprimant au cours d’une conférence de presse organisée par le Council for Arab-British Understanding, à Londres, le 27 novembre 2024. Photo AFP
Son état de santé ne tient plus qu’à un fil. Ces derniers jours, nombreux sont les rapports à alerter sur le sort de Laila Soueif, 68 ans, en grève de la faim depuis plus de 130 jours pour exiger la libération de son fils, le célèbre prisonnier politique égyptien Alaa Abdel Fattah. Professeure de mathématiques et militante de longue date pour les droits humains, elle se rend quotidiennement devant le 10 Downing Street, espérant pousser le gouvernement britannique à agir. Son fils, figure emblématique de la révolution égyptienne de 2011 qui dispose comme elle de la double citoyenneté britannique et égyptienne, devait être libéré en septembre 2024 après avoir purgé une peine de cinq ans, mais il reste derrière les barreaux sans justification. Malgré la dégradation de son état de santé, Laila Soueif reste déterminée dans sa protestation, affirmant que seule la pression diplomatique pourra garantir la liberté de son fils.
Et si le Premier ministre britannique, Keir Starmer, lui a écrit le 29 janvier afin de lui assurer que son gouvernement prenait très au sérieux le cas de son fils, Laila Soueif dénonce une pression insuffisante. Le chef de l’exécutif avait notamment indiqué à cette occasion avoir évoqué la question avec le président égyptien, Abdel Fattah el-Sissi. « Des progrès sont possibles », avait-il affirmé, « mais cela prendra du temps ». Le jour-même, cinquante députés britanniques avaient signé une déclaration alertant sur l’état de santé de Laila Soueif, qualifié de « critique », tandis que l’envoyé spécial du Royaume-Uni auprès des Nations unies Simon Manley, avait publiquement critiqué l’Égypte et déclaré que la détention prolongée de Alaa Abdel Fattah était « inacceptable ». Des remontrances intervenues à la suite d’une visite, le 23 janvier, du ministre britannique des Affaires étrangères David Lammy, auprès du président égyptien au Caire. Selon certaines sources diplomatiques, le secrétaire au Foreign Office, un défenseur de longue date de la libération de Alaa Abdel Fattah, aurait consacré une grande partie de son entretien avec Abdel Fatah el-Sissi à plaider pour la libération de l’activiste.
Laila Soueif : un combat au péril de sa vie
Depuis le début de sa grève de la faim, Laila Soueif, quant à elle, a perdu plus de 21 kilos. Le 4 janvier, après avoir ressenti une fatigue extrême, la militante avait été transportée d’urgence à l’hôpital St. Thomas de Londres. Les médecins avertissaient alors d’un risque imminent d’arrêt cardiaque en raison d’un taux de potassium dangereusement bas. Malgré des recommandations médicales répétées pour qu’elle mette fin à son jeûne, Laila Soueif refuse de s’alimenter, affirmant que la lutte pour la libération de son fils doit continuer.
« Lorsque j’ai décidé d’entamer une grève de la faim, je n’avais aucune illusion. J’étais pleinement consciente que je risquais ma vie », a-t-elle écrit sur Facebook le 8 janvier, quelques jours après son hospitalisation. « Alors pourquoi ai-je pris cette décision ? Parce que la vie de mes enfants est pratiquement en suspens depuis plus de dix ans », a-t-elle poursuivi.
Alaa Abdel Fattah : une répression sans fin
Alaa Abdel Fattah, aujourd’hui âgé de 43 ans, connaît bien les geôles égyptiennes. Blogueur influent et développeur informatique, sa critique sans concession de l’autoritarisme en a fait une cible récurrente du régime. En 2019, l’opposant a été une nouvelle fois arrêté puis condamné deux ans plus tard à cinq ans de prison pour avoir partagé sur Facebook une publication mentionnant la mort d’un détenu dans une prison égyptienne. L’accusation portée à son encontre de « diffusion de fausses nouvelles » a été largement dénoncée comme un prétexte pour réduire au silence les voix dissidentes. Si Alaa aurait dû retrouver la liberté à l’automne dernier, les autorités égyptiennes ont arbitrairement prolongé son incarcération en ignorant la période de détention préventive qu’il avait déjà purgée, ajoutant deux années supplémentaires à sa peine.
« Malheureusement, le gouvernement semble attendre que je sois hospitalisée avant d’agir de manière décisive pour garantir la liberté de mon fils », a déclaré Laila Soueif dans un autre communiqué au début du mois de janvier. Des propos tenus lors d’une brève visite en Égypte au cours de laquelle cette dernière a pu voir son fils pendant 20 minutes dans le centre de détention de Wadi Natroun. « Nous avons eu de la chance que mon corps ait résisté, mais le temps va bientôt nous manquer. »
De son côté, dans une lettre adressée à sa famille le 4 décembre, Alaa Abdel Fattah s’est interrogé sur la volonté du gouvernement britannique de s’occuper de son cas : « S’ils ne peuvent pas ou ne veulent pas plaider pour une visite consulaire, alors ils ne me reconnaissent pas comme un citoyen. Et ils cautionnent les autorités locales qui refusent de me reconnaître comme un être humain. »