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Campus - DISTINCTION

Ressuscitant Asfourié, une jeune Libanaise applaudie pour sa thèse d’architecture en France

Félicitée par le jury, Christina Balech s’est penchée sur la réhabilitation du premier hôpital psychiatrique au Liban, rappelant l’importance de la prise en charge de la santé mentale dans le pays.

Ressuscitant Asfourié, une jeune Libanaise applaudie pour sa thèse d’architecture en France

Christina Balech soutenant sa thèse à l’École spéciale d’architecture à Paris. Photo Julia Dubs

Adoubée d’un 19 sur 20 pour sa thèse avec les félicitations du jury, Christina Balech, 24 ans, y voit une reconnaissance académique, mais surtout une validation de son engagement envers le sujet de la santé mentale, souvent stigmatisé. Un sujet qui, au fil de son parcours de recherche et de réflexion, a fini par la transformer. La Libanaise avoue ainsi que ces félicitations l’encouragent surtout à continuer à porter cette cause. « Elles marquent un début, une responsabilité à approfondir mes recherches, à faire entendre les voix de celles et ceux qui vivent la souffrance psychique, et à œuvrer pour que l’architecture devienne un outil de dignité et d’apaisement. C’est comme un élan donné pour poursuivre cette mission qui n’est plus simplement un projet de diplôme, mais un chemin de vie », confie Christina Balech. Car pour elle, « la santé mentale n’est plus un luxe, mais une urgence ». Partant du constat qu’au Liban celle-ci reste un sujet tabou dont « on parle avec retenue, voire honte, comme si cette souffrance devait rester invisible », elle décide, en tant qu’architecte, de « non seulement sensibiliser à cette réalité, mais aussi de concevoir des espaces qui redonnent l’espoir ». Cela passe, entre autres, par la création d’un lieu propice à l’interaction entre patients, soignants et société civile. « L’objectif de mon projet était de réinventer la perception et le rôle d’un hôpital psychiatrique dans le contexte libanais. Il s’agissait d’offrir un espace de soins qui ne soit pas seulement fonctionnel, mais qui permette aussi de réduire la stigmatisation associée à la santé mentale », note-t-elle. D’autant plus que l’architecture joue un rôle non négligeable dans le rétablissement des patients. « Elle peut être un outil puissant pour atténuer les souffrances psychiques, en offrant des espaces qui rassurent et apaisent. La « folie » est souvent associée à un désordre intérieur, et l’architecture a le pouvoir d’organiser, d’encadrer et de structurer les espaces pour favoriser un sentiment de sécurité et de bien-être. En même temps, elle doit rester sensible, éviter tout enfermement et respecter la diversité des besoins humains », explique la jeune diplômée.

Un pont entre un passé riche et une conception humaniste

Pour sa thèse, son choix s’est porté sur le premier hôpital universitaire de psychiatrie au Moyen-Orient, qui a fonctionné de 1900 à 1973 : Asfourié, de son vrai nom Lebanon Hospital for Mental Diseases. « C’est un lieu porteur d’une charge historique importante, autrefois emblème des soins psychiatriques au Liban, aujourd’hui abandonné et oublié », rappelle-t-elle. À travers ses échanges avec le Pr Sami Richa, chef du département de psychiatrie à la faculté de médecine de l’USJ, sa décision de travailler sur cet hôpital se confirme. « Grâce à son ouvrage La Psychiatrie au Liban, j’ai découvert une profondeur historique et humaine liée à ce lieu, qui incarne à la fois le progrès et les défis de la psychiatrie dans le pays. Ce projet m’a permis de redonner vie à un site marqué par la stigmatisation, en le réimaginant comme un espace ouvert, apaisant et porteur d’un message d’espoir. Ainsi, Asfourié n’est pas seulement devenu un terrain d’étude architecturale, mais également un pont entre le passé et l’avenir de la santé mentale au Liban », assure Christina Balech.Celle-ci est persuadée, par ailleurs, que l’architecture de cet hôpital psychiatrique doit avant tout être humaniste. Les espaces qu’elle conçoit favorisent ainsi le bien-être et la guérison. « L’architecture doit agir comme un catalyseur pour la réhabilitation, une extension du soin lui-même. Ce projet cherche à déconstruire l’image de l’hôpital comme un lieu froid et clos, et à offrir à la psychiatrie un nouvel avenir où elle fait partie intégrante du tissu urbain, comme un espace de vie, d’échange et de soins », explique l’architecte. Plaçant les patients et leur interaction avec l’environnement naturel au centre de son approche, elle développe dans sa thèse différents aspects architecturaux, tels que les espaces tampons entre intérieur et extérieur, à l’instar des patios, des cours semi-ouvertes et des larges circulations donnant sur des baies vitrées. « Ces pauses architecturales établissent une transition douce entre l’intérieur et l’extérieur, permettant une respiration visuelle et émotionnelle grâce à un lien constant avec la nature environnante », souligne-t-elle. De même, elle articule son projet autour d’espaces verts thérapeutiques, jardins sensoriels et potager, « qui invitent à la détente et au ressourcement ». Constituant un axe principal de son travail, la nature contribue « au bien-être psychologique des patients », tout comme la lumière naturelle entrant par les baies vitrées et les patios. Pour les matériaux, elle a opté pour le naturel, tels que le bois et la pierre, aux teintes sobres, favorisant « une atmosphère apaisante qui diminue le stress et l’anxiété ». Quant aux formes des bâtiments, Christina Balech les a voulues enveloppantes, « avec des courbes et des volumes organiques, créant un sentiment de protection et d’intimité. Ces choix architecturaux offrent un cadre sécurisant pour les usagers, tout en suggérant une ouverture vers des espaces extérieurs », affirme-t-elle.En parallèle, cette architecte a conçu l’organisation des chambres de manière à procurer un sentiment de sécurité et d’intimité aux patients. « Grâce à une disposition en diagonale, les soignants peuvent assurer une surveillance discrète, tandis que les patients conservent leur espace personnel. Les espaces partagés à proximité renforcent le lien social, tout en offrant une continuité visuelle pour une supervision respectueuse et non intrusive », souligne-t-elle. Elle a aussi inclus, dans son travail, des zones ouvertes au public, « permettant de réduire la stigmatisation et de sensibiliser à la santé mentale ».

La santé mentale au cœur de sa mission d’architecte

Pour concevoir son projet, Christina Balech s’est basée sur des échanges qu’elle a effectués avec des patients, des familles et des soignants. « J’ai pris en considération leurs besoins spécifiques et leurs attentes, ce qui m’a permis de comprendre qu’un hôpital psychiatrique ne devrait pas être un simple lieu froid, avec de longs couloirs blancs où le temps semble s’arrêter. J’ai voulu rompre avec cette image. » Le soin et le bien-être constituant le pivot de sa conception, l’hôpital deviendrait « un environnement propice à la guérison », de même qu’un « véritable outil de soutien pour les professionnels de santé, les patients et leurs familles ».Ayant quitté le pays après l’explosion au port de Beyrouth en 2020 pour continuer ses études en France, après deux années d’études à l’Académie libanaise des beaux-arts, Christina Balech avoue avoir voulu que son projet soit « un geste d’amour » pour son pays, « un témoignage de résilience et d’espoir ». « En redonnant vie à Asfourié, je souhaite offrir aux Libanais un espace où les blessures invisibles peuvent être reconnues, soignées et entendues, dans la dignité et le respect », souligne l’architecte.Aujourd’hui, elle souhaite continuer sa mission, espérant pouvoir travailler au sein d’agences spécialisées dans la conception d’hôpitaux et d’espaces de soins, « où l’architecture joue un rôle central dans la guérison et le bien-être des patients ».

Adoubée d’un 19 sur 20 pour sa thèse avec les félicitations du jury, Christina Balech, 24 ans, y voit une reconnaissance académique, mais surtout une validation de son engagement envers le sujet de la santé mentale, souvent stigmatisé. Un sujet qui, au fil de son parcours de recherche et de réflexion, a fini par la transformer. La Libanaise avoue ainsi que ces félicitations...
commentaires (1)

Beaucoups de respect pour cette architecte, pour son projet novateur et salutaire; respect à tous les soignants et intervenants de cet hôpital pourtant si essentiel.

Christine KHALIL

14 h 39, le 30 janvier 2025

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Commentaires (1)

  • Beaucoups de respect pour cette architecte, pour son projet novateur et salutaire; respect à tous les soignants et intervenants de cet hôpital pourtant si essentiel.

    Christine KHALIL

    14 h 39, le 30 janvier 2025

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