Nous voici donc face au tableau d’une béatitude en pointillé : Baabda est une fois de plus occupé par d’illustres épaulettes étoilées, le Grand Sérail, lui, par une toge prestigieuse… et la grimace conjointe de la camarilla barbue et de son cache-sexe haut perché au Parlement déclenche chez leurs adversaires un orgasme avec force 7 sur l’échelle de Richter.
A priori, le nouveau pensionnaire du Château a des intentions louables, une bouille plutôt avenante, et surtout il ne s’est pas cru obligé de faire la gueule sur la photo pour en imposer à la piétaille. Celui qui a passé sa carrière à crapahuter du nord au sud à travers le Liban a dû néanmoins sacrifier aux éléments-clés de la coutume arabe de la gouvernance assise, à savoir les indispensables fauteuils, avec le vase à fleurs et la boîte de mouchoirs jetables bien en vue. Telle a été en tout cas l’image de ces consultations contraignantes, expédiées en deux coups de cuillère à pot.
Et maintenant, à la soupe ! La mise sur pied du prochain gouvernement a donné à voir au Parlement le traditionnel défilé des roitelets locaux ! La moyenne d’âge de certains va bien au-delà des 70 balais. Une espèce génétiquement momifiée, aux dentiers, rotules et bandages herniaires vibrant au rythme des vociférations publiques. Bref, une véritable maison de retraite. Pire, le musée de l’Homme ! Au vu de son expérience désastreuse dans la gestion des affaires publiques, la vieille garde politique rêve probablement non pas d’une équipe ministérielle resserrée, mais d’un équipage d’une cinquantaine d’affamés sagement alignés devant la mangeoire.
Aussi, le nouveau pouvoir devrait-il sans doute agir vite sans plus s’attarder sur les chicaneries et autres pinaillages sur des points débiles, au prétexte que le diable est tapi dans les détails. Tellement, d’ailleurs, qu’on pourrait se demander si ce n’est pas plutôt la profusion des diables qui enfante ces détails.
Agir vite, certes ! Sauf que la formule cliché, « la hâte sans précipitation », a été aussitôt reprise et colportée par les médias. En attendant sans doute « la vitesse sans rapidité », « la célérité sans vélocité », ou encore « la promptitude sans empressement ».
Pour le reste, on a eu l’occasion de savourer la hure de l’ancien porte-flingue du Sayyed vaporisé, le très jovial Mohammad Raad, dont le rictus dégoûté donne à penser que les journalistes qui l’entourent puent de la gueule. Celui qui n’a pas jugé utile de recueillir l’avis de ses électeurs, avant de s’embarquer dans la dernière raclée vient d’avoir soudain la révélation céleste du pacte national, du partenariat dans le pouvoir et tout le tintouin. Mais pour lui, il n’est toujours pas question de désarmer : « Quel culot ! Ça commence par les missiles, et ensuite on voudra nous imposer la Journée de la femme ! Non mais… »
Y a pas à dire, chez le Hezbollah on n’arrête pas le progrès. Il s’arrête tout seul…
gabynasr@lorientlejour.com
Hilarant merci
12 h 42, le 20 janvier 2025