L’accord de cessez-le-feu conclu le 27 novembre dernier – sous parrainage international et régional – a sorti le Liban du cercle des conflits régionaux et a placé les Libanais devant une nouvelle phase intitulée la construction d’un État de Constitution, de droit et d’institutions. L’élection du général Joseph Aoun à la présidence du pays après une vacance qui a duré plus de deux ans a constitué la première étape sur la voie de la restauration des institutions et de l’établissement du pouvoir.
Mais le calme des fronts et le retour progressif des citoyens à leur vie quotidienne ont rapidement mis en évidence leurs souffrances chroniques dues aux défauts de l’application de la loi, au manque de responsabilité, à la corruption généralisée et à l’absence de vision stratégique pour le développement durable. Les paragraphes du discours de serment prononcé par le président de la République devant le Parlement peu après son élection peuvent contenir des indications suffisantes de carences administratives et de laxisme dans tous les services de l’administration publique, ce qui nécessite de prendre des mesures décisives pour avancer vers la bonne gouvernance.
Il ne fait aucun doute que les obstacles les plus importants qui ont empêché le développement du concept d’État de droit et d’institutions, ainsi que d’État de citoyenneté et de sécurité sociale au Liban, ont été la violation flagrante des lois et règlements. Les institutions publiques, qui devraient être des bastions de transparence et d’efficacité, ont été minées par des pratiques abusives et clientélistes, et par une culture d’impunité bénéficiant de protections politiques.
L’effondrement des valeurs s’est aggravé au point d’atteindre les institutions de contrôle qui ont été incapables de mettre en œuvre les lois, non pas en raison du manque de mécanismes efficaces de mise en œuvre et de contrôle, mais parce qu’elles sont devenues partie intégrante d’un système de contrôle politique, administratif et financier. La corruption, qui a affaibli la confiance des citoyens dans l’État et les a contraints à succomber à un clientélisme politique meurtrier, a éliminé les opportunités d’investissement local et international.
Pour sortir de cette impasse, il est crucial de lancer un programme national ambitieux pour la mise en place de la bonne gouvernance. Ce programme doit reposer sur des piliers fondamentaux.
1. La transparence et la reddition des comptes : tous les acteurs publics doivent être tenus responsables de leurs actions, avec des mécanismes clairs de suivi et d’évaluation.
2. La digitalisation des services publics : moderniser les processus administratifs pour réduire les opportunités de corruption et améliorer l’efficacité.
3. L’indépendance du pouvoir judiciaire : garantir que la justice soit rendue sans interférences politiques ou autres pressions.
4. La participation citoyenne : impliquer la société civile et les citoyens dans les processus décisionnels pour renforcer la légitimité des institutions.
Pour orchestrer cette transformation, nous proposons la création d’un ministère des Réformes et de la Gouvernance. Ce ministère aurait pour mission de coordonner et de superviser les efforts de réforme dans l’ensemble des secteurs publics, en travaillant en étroite collaboration avec les ministères existants, les experts locaux et internationaux, ainsi que la société civile. Il agirait comme un catalyseur pour : élaborer des politiques publiques modernes et inclusives ; veiller à la mise en œuvre des lois et réformes adoptées ; promouvoir la formation des fonctionnaires et des cadres publics sur les principes de la bonne gouvernance.
Le Liban ne peut plus se permettre de rester dans l’immobilisme. Le chemin de la réforme est difficile, mais il est indispensable. Le renforcement de l’état de droit et l’adoption de principes de bonne gouvernance ne sont pas seulement des aspirations idéales ;
ce sont des prérequis pour le redressement économique, social et politique du pays.
Nous appelons les décideurs, les responsables politiques, la société civile et les citoyens à se mobiliser pour exiger un changement profond et durable. L’avenir du Liban dépend de notre capacité collective à passer d’un système de gestion archaïque et inefficace à un modèle de gouvernance moderne, transparent et inclusif.
Le temps est venu pour le Liban d’écrire un nouveau chapitre, celui d’un État qui fonctionne, qui inspire confiance et qui œuvre pour le bien de tous ses citoyens. Osons la réforme, osons la gouvernance.
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