
Christelle Bou Mitri, professeure associée à la NDU, et son équipe ont contribué à un projet de recherche international visant à faire progresser la science alimentaire. Photo NDU
Tout le monde est unanime : la recherche scientifique de qualité est au cœur de la mission d’une université. Et une recherche ne vaut rien si ses résultats ne sont publiés, exploités et partagés par tous. Deux postulats adoptés par la docteure Christelle Bou Mitri, professeure associée à la faculté des sciences infirmières et des sciences de la santé (FNHS) à l’Université Notre-Dame de Louaizé (NDU). Dirigeant une équipe de recherche composée de professeurs et d’étudiants de la NDU, cette dernière a récemment contribué avec son équipe à un projet de recherche international visant à faire progresser la science alimentaire. Couronné par la publication d’un ouvrage inédit en anglais intitulé Consumer Perceptions and Food, ce projet a été initié et mené par Global Harmonization Initiative (GHI), un réseau international à but non lucratif formé de savants chercheurs et d’organisations scientifiques qui œuvrent à la promotion de la réglementation mondiale en matière de sécurité alimentaire et à l’harmonisation de la législation, et auquel adhère l’enseignante-chercheuse.Réfléchi de manière à servir de guide, de « livre de référence » destiné aux producteurs et entreprises de fabrication de produits alimentaires désireuses de comprendre le comportement des consommateurs fortement influencé par les emballages et les informations nutritionnelles présentes sur les étiquettes, cet ouvrage « est le fruit des recherches menées en équipe durant presqu’un an par 84 contributeurs en provenance des quatre coins du monde », affirme-t-elle. « Sa particularité réside également dans le fait qu’il est le premier à aborder la complexité et les questions liées aux perceptions des consommateurs en matière d’alimentation », ajoute-t-elle. « Il vise à aider les lecteurs à comprendre pourquoi et comment ils font leurs choix alimentaires, en examinant notamment le rôle de leurs émotions, de leurs ressentis, de leurs sens, de leurs croyances, ainsi que leurs attitudes et leurs expériences, tout en les sensibilisant aux nouvelles technologies alimentaires, à l’alimentation durable et à la consommation responsable. Le livre explore également l’impact des perceptions sur l’avenir de l’alimentation et de l’environnement », a-t-elle encore indiqué. Le Dr Christelle Bou Mitri, qui estime qu’il est impossible d’être un bon enseignant dans le cycle supérieur sans être également chercheur, souligne que les échanges et les confrontations d’idées et de points de vue entre chercheurs et contributeurs issus de différents horizons ont permis « d’enrichir la recherche et de la rendre plus globale et plus pertinente ». Un autre avantage réside dans l’implication des étudiants dans le projet de recherche. « Le projet a constitué une opportunité inestimable pour élargir les horizons des étudiantes qui y ont contribué », avance-t-elle. « Non seulement elles ont été exposées à des réunions internationales, mais elles ont également dû se familiariser avec des chercheurs issus de contextes différents et discuter avec eux. Chemin faisant, elles ont développé une pensée analytique approfondie et affiné des compétences cruciales telles que l’esprit critique, la démarche expérimentale et la rédaction scientifique », a-t-elle encore précisé. Tonia
Chahine, 23 ans, étudiante en master en management de la qualité et de la salubrité des aliments à la NDU, a participé au projet. Elle confie avoir été agréablement surprise par cette expérience, qui lui a permis de s’exercer et de se familiariser avec l’écosystème de la recherche. Pour elle qui compte se lancer prochainement dans l’aventure du doctorat, cette contribution lui a permis d’améliorer ses compétences en matière de recherche, tout en développant des aptitudes, des savoirs et des savoir-faire. « La recherche est une compétence : plus vous vous appliquez, plus vous vous perfectionnez. Ce projet m’a aidée à progresser un peu plus sur ma voie de future chercheuse », souligne-t-elle. « Ce qui m’a été également bénéfique, c’est le fait d’avoir pu côtoyer en ligne, durant un an, des chercheurs issus de tous horizons, qui n’ont pas hésité à m’accueillir et à m’encourager », renchérit-elle. Toutefois, le plus gratifiant à ses yeux est d’avoir cosigné des articles désormais disponibles chez Springer Nature (un éditeur international de publications scientifiques, NDLR). « Mener des recherches puis les publier constitue un énorme travail. Cela nécessite des mois d’ajustements, de précisions, de débats et de discussions avec l’ensemble des auteurs, mais c’est hautement enrichissant », explique l’étudiante, qui n’a pas manqué de pointer du doigt les enjeux liés à la recherche, notamment au Liban. « Malheureusement, les résultats des recherches sont souvent négligés, bien que leur valorisation et leur partage dans la sphère publique soient bénéfiques pour la science et constituent également un levier pour l’économie fondée sur la connaissance », déplore-t-elle. Un point de vue partagé par Mirna Raad. Impliquée dans le projet dans le cadre de son master, celle-ci a révélé que, lors de ses travaux, elle a constaté que la plupart des Libanais ont une mauvaise perception de la salubrité alimentaire. « La plupart, par exemple, estiment que les aliments faits maison sont plus sains et mieux que les menus proposés dans les restaurants, sans se rendre compte des risques de contamination dans leurs propres cuisines », avance-t-elle. « De leur côté, les restaurants arguent qu’ils disposent de la certification ISO, alors que certains ignorent qu’ils doivent la renouveler régulièrement », ajoute-t-elle. « Ce qui est intéressant, ce serait de partager toutes ces données et connaissances avec les organismes de surveillance et les autorités concernées, d’exploiter et de transformer les résultats des recherches en des mesures concrètes, tout en sensibilisant le public sur toutes ces questions », poursuit-elle.
Patience, planification et coordination
Enseignante-chercheuse et ancienne étudiante de la NDU diplômée d’un master en sciences de la nutrition, Romy Chammas a, pour sa part, insisté sur l’importance du travail collaboratif à l’échelle internationale. Selon elle, ce type de collaboration permet d’acquérir de nouveaux points de vue, tout en exigeant patience, planification et coordination. Cette collaboration entre des chercheurs du milieu scientifique constitue un terreau extrêmement fertile pour la création d’idées, souligne-t-elle. « De nouvelles idées naissent des échanges avec des gens de divers horizons. Cette interaction nous pousse à établir des liens, mais aussi à voir les choses différemment, à élargir notre vision et à procéder à une autocritique », indique-t-elle.Menant une recherche sur les produits d’origine végétale, notamment auprès de la Génération Z, dans un domaine encore « peu exploré » au Liban, Ghenwa Sarieddine, 26 ans, en dernière année de master en nutrition, s’est déclarée profondément reconnaissante d’avoir pu prendre part à un projet d’une telle envergure. « C’était une expérience inestimable et fort instructive qui nous a permis de mettre en perspective beaucoup de choses », affirme-t-elle. Férue de recherche dès son plus jeune âge, la jeune femme, qui compte poursuivre un doctorat, a tenu à souligner l’importance de braquer les projecteurs sur les recherches effectuées. « De nombreuses recherches sont en train d’être menées au Liban, mais ni la recherche ni les chercheurs ne sont reconnus et valorisés comme il se doit », a-t-elle observé, soulignant la nécessité d’une communication et d’une transmission efficaces et judicieuses. Grâce à cette collaboration, les chercheuses ont cosigné cinq chapitres traitant des thématiques suivantes : la perception des consommateurs vis-à-vis du lait et des produits laitiers d’origine végétale, l’examen comparatif du point de vue des consommateurs sur la sécurité, la qualité et les attributs sensoriels des protéines alternatives, la sécurité alimentaire et la perception des risques par les consommateurs de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, l’étiquetage sur l’emballage avec un focus sur la perception par les consommateurs des allégations nutritionnelles et de santé, et enfin, la perception des substituts de viande d’origine végétale par les consommateurs.