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Nos Lecteurs ont la Parole

La littérature a-t-elle une utilité ? L’exemple de l’économie

Dans son poème Jadis et naguère (1885), Verlaine affirme dans son tout dernier vers ce qui suit : « Et tout le reste est littérature. » Il sous-entend ainsi que la littérature n’est qu’un discours superflu, dénué de grande utilité. Pourtant, rien n’est plus éloigné de la réalité. Si l’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que la littérature est à l’origine de toutes les sciences humaines et sociales. Prenons l’économie à titre d’exemple. Quelle différence existe-t-il entre un texte économique et un texte littéraire qui sonde les problèmes sociaux tels que la pauvreté, la précarité et l’avidité ?

Un document économique se limite souvent à une série d’observations méthodiques et systématiques ayant une portée strictement théorique et pragmatique. Le texte se referme sur des locutions figées, détachées et stéréotypées. On y trouve peu, voire aucune, esthétique linguistique ou résonance rythmique. En effet, un corpus économique doit préserver une objectivité rationnelle, mais ô combien impersonnelle ! Le lecteur se perd dans un flot d’informations dénuées de passion, d’affection et de compassion. Dans ce contexte, un traité économique réduit la condition humaine à des données statistiques et mathématiques. L’homme n’est qu’un simple numéro parmi des milliers. Aucune voix ni aucun visage n’émergent de cet océan de chiffres anonymes pour énoncer ou dénoncer véritablement et authentiquement la condition humaine dans toute sa splendeur et sa laideur.

En revanche, la littérature accorde une attention égale à la forme du texte ainsi que son contenu. Elle met en valeur la cohérence et l’élégance de son expression verbale pour aiguiser l’émotion et stimuler l’imagination. Lorsqu’un roman dépeint minutieusement les gloires et décadences de ses héros et antihéros, il nous pousse, consciemment ou inconsciemment, à ressentir intensément différents sentiments comme la sympathie, l’empathie, la peine ou la haine. Le lecteur d’un beau texte littéraire ne reste jamais indifférent aux personnages principaux de l’histoire.

Un ouvrage littéraire ne peut prospérer, ni même exister, sans une esthétique linguistique et lyrique à la fois magique et magnifique. La phraséologie doit être savoureuse, voluptueuse et somptueuse. Chaque mot, chaque locution, chaque dialogue est minutieusement recherché et raffiné pour sensibiliser le lecteur au plus profond de lui-même.

Au-delà de la beauté du verbe, les grands romans regorgent d’incroyables richesses qui expriment de manière touchante et percutante les sentiments humains dans toute leur simplicité et complexité, qu’il s’agisse de tristesse, d’allégresse, de bonheur ou de stupeur. Les écrivains utilisent la littérature pour nous inviter à la contemplation, à l’évasion, à la réflexion et à la persuasion. Ils nous incitent à remettre en question nos opinions et nos convictions.

Citons quelques exemples probants qui illustrent la manière intense par laquelle la littérature rencontre l’économie. Honoré de Balzac, à travers sa vaste fresque de la société française dans La Comédie humaine, nous offre une analyse brillante et palpitante des spéculations financières et des manipulations boursières, fruits d’une cupidité et d’une avidité illimitées et toujours d’actualité. Jean de La Fontaine, dans sa fable Le savetier et le financier, expose de façon flagrante et charmante le contraste entre un savetier heureux et un financier anxieux. Dans cette même perspective, Antoine de Saint-Exupéry, dans Le Petit Prince, met en scène un homme d’affaires qui compte les étoiles, une quête futile d’ambition et d’obsession dénuée de bonheur, de saveur et de valeur.

En somme, la littérature dévoile de manière puissante et évidente la densité et la diversité de l’expérience humaine à travers des œuvres monumentales qui transcendent les lieux et les cieux. Au fil des âges et des voyages, elle enrichit notre compréhension de l’homme et de son entourage d’une manière à la fois sublime et intime. Elle est non seulement magistralement gracieuse, mais aussi infiniment précieuse. Du moins, elle nous enseigne à ne pas négliger les aspects essentiels de la vie, tels que la bonté, la beauté et la virtuosité.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Dans son poème Jadis et naguère (1885), Verlaine affirme dans son tout dernier vers ce qui suit : « Et tout le reste est littérature. » Il sous-entend ainsi que la littérature n’est qu’un discours superflu, dénué de grande utilité. Pourtant, rien n’est plus éloigné de la réalité. Si l’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que la littérature est à...
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