Le blazer d'amiral revu par Prada. Photo DR
Il serait exagéré de parler de tendance, tant l’attirail marin est une constante plus ou moins marquée dans toutes les collections de toutes les saisons depuis au moins le midcentury. Le caban ou la vareuse, la marinière et la casquette à galons, c’est d’abord le prestige de l’uniforme. « En casquette à galons dorés/En capote à boutons dorés/Tout au long des jeudis sans fin/Voyez passer les orphelins », chante Barbara. Cette panoplie prestigieuse qui habille l’orphelin en son pensionnat est plus qu’un cache-misère. Elle ennoblit et confère un prestige de forme. On n’a pas besoin d’avoir un Corto Maltese inscrit à son panthéon pour fantasmer sur la fière allure que vous donne ce style qui n’en est pas un, puisqu’il est fonctionnel avant de devenir une coquetterie. Les rayures de la marinière ? Pour repérer un homme à l’eau. Les gros boutons du pantalon « à pont » ? Pure commodité pour ce que l’on peut imaginer, dans l’urgence, à bord d’un bateau. Les pattes d’eph ? Pour rouleauter les jambes quand il faut souquer. La casquette de capitaine ? Pour identifier « le seul maître à bord après Dieu ». La vareuse ? La veste carrée à double boutonnage en laine épaisse ? Pour tenir chaud, bien sûr, la lanoline, ce fameux gras contenu dans la laine de mouton agissant comme un imperméable. Les larges épaules permettent d’accrocher les galons.
Est-ce l’abus qu’en fait Brigitte Macron, l’épouse du président français, sous l’influence de Nicolas Ghesquière, le directeur artistique de Louis Vuitton ? Mis à part la maison-phare de LVMH, pas une griffe de mode qui n’en ait fait ses basiques en cet hiver 2025. À défaut de porter les grandes marques bretonnes telles que Hublot, Le Minor ou Armor-Lux qui, elles, habillent le marin dans les règles de l’art, tatillonnes sur la qualité et surtout l’efficacité des matières, les marins (et marines) d’eau douce ont cette saison le choix le plus vaste entre des milliers de réinterprétations du genre. La nouveauté est la démocratisation totale de la casquette de marin que peu osaient à cause de son côté racoleur, mi-déguisement mi-suivez-moi-jeune-homme, mais elle passe plus facilement quand tout le monde s’y met.
Le costume marin pour cet hiver 2025 revisité par Louis Vuitton. Photo DR
Il y a dans l’allure marine un mélange sulfureux de grande aventure et de discipline militaire, mais aussi une fluidité non genrée qui réconcilie il, elle et iel. Elle permet de s’afficher en voyageur au long cours alors qu’on n’a même pas fini de faire le tour de sa chambre. Elle est surtout garante de visibilité dans un monde où il n’est plus possible d’exister sans être vu. De plain-pied dans le futur, on n’a encore rien inventé de plus efficace, sur une fourchette qui va du chic au quelconque, pour affronter les intempéries d’une époque qui a perdu son Cousteau et n’a pas encore trouvé son Jules Verne. Allez, l’année prochaine on y ajoutera peut-être le béret à pompon, ou même le sifflet. Il faut avoir le courage de ses options vestimentaires autant que de ses opinions.
