De retournement en retournement, il y a de quoi en être tout retourné! Au fur et à mesure que se déroule le calendrier ayant suivi l’évaporation enflammée du Sayyed Barbu et de son successeur-éclair, puis le dégommage du Génie des Carpates syriennes et de sa bande de secoués hauts placés sur l’échelle de Richter, on voit éclore régulièrement des repentis qui dévorent leur pain noir sur le chemin de Canossa.
Ainsi en est-il du glutineux Nasser Kandil, qui aujourd’hui trouve normal que les Syriens vomissent un dirigeant qui les gouvernait à la schlague. « C’est la faute à la corruption », qu’il bêlait l’autre soir à la télé. Moment historique : celui dont la lanterne avait été soufflée par le dernier soldat syrien au moment où il claquait la porte en 2005 venait de virer sa cuti. Pendant les années bénies de la tutelle syrienne et de la « concomitance des dossiers », ce lauréat d’une université qui n’existait pas à la date affichée sur son diplôme bidon réussissait un brillant numéro de mimétisme : quand on l’écoutait ânonner, on entendait Bachar el-Assad. Si on fermait les yeux, on ne savait pas lequel des deux bavait dans le micro! Heureux temps où tous les soirs, il lisait des heures avant de se coucher. Il est vrai qu’à l’époque, les instructions de Damas étaient un peu trop longues… Pour l’heure, on ne sait pas si ce maillon manquant entre Iznogoud et Ahmad Saïd va payer la note, mais on a au moins la confirmation qu’il est impayable.
Le deuxième histrion a lui aussi retourné sa veste, mais avec une élégance non dépourvue de brio. Wi’am Wahhab, dont le CV – on n’ose pas dire le « casier » – attestait d’une propension incontrôlée aux coups de menton face à l’adversité, a carrément basculé du côté éclairé de la force en optant pour la normalisation avec les Hébreux. Cet ex-prosyrien de charme, dont l’essentiel du bilan au ministère de l’Environnement sous Émile 1er le Prolongé avait consisté à changer la moquette et les meubles de son bureau, sait s’adapter aux circonstances. Déjà, quand à l’époque on l’entendait parler des armes de la résistance, on croyait qu’elles lui avaient été envoyées de Téhéran à titre personnel, alors que dans le meilleur des cas il était chargé de les huiler. En bon politicien arabe concentrant en lui toutes les boursouflures de l’ego théâtral, il éructait fréquemment des flots d’amabilités littéraires à l’adresse des rivaux qui avaient l’outrecuidance de l’affronter. Ne voulant pas demeurer en reste de la géopolitique, il attendait de pied ferme l’ennemi du Sud, torse stratégiquement présenté face aux embruns de la Méditerranée. Et dire que Netanyahu lui-même n’y avait pas pensé !
Le glutineux et l’histrion ont ainsi fait amende honorable. Ils avaient tous deux misé sur le Tueur en Syrie, pensant toucher le jackpot. Sauf qu’à force de jouer à colin-massacre, la mayonnaise a tourné pour ce dernier et fini par produire une truellée d’agités du turban à la sourate qui se dilate. Situation cocasse dont ces deux guignols dégustent aujourd’hui le retour sur investissement.
gabynasr@lorientlejour.com
Si seulement on avait en France des éditorialistes de cette veine !
20 h 42, le 21 décembre 2024