« Il est très important aujourd’hui de bâtir des ponts solides avec un plan très clair, entre le monde professionnel, en l’occurrence les entreprises, et le monde académique représenté par les universités », souligne le professeur Fouad Zmokhol en présentant les trois axes du projet établis lors de son premier mandat en tant que président du Conseil économique et social de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF). Un projet qu’il va élargir davantage, même si cette ambitieuse initiative se heurte, une fois sur le terrain, à une résistance au changement. Cette résistance provient à la fois des universités et des entreprises, qui privilégient principalement l’expérience et le développement, fait-il remarquer. « Il est donc essentiel que les professeurs et les enseignants soient plus présents auprès de leurs étudiants lors de leurs stages dans ces entreprises, pour mieux les encadrer et les aider dans l’élaboration de leur rapport de stage ou de leur étude de cas. Ces professeurs devront, bien entendu, être rémunérés pour les heures qu’ils consacrent à leurs étudiants », précise-t-il. « À cet égard, nous avons mis en place une nouvelle loi “Étudiant entrepreneur” où les six mois obligatoires que l’étudiant passe dans une entreprise sont considérés comme des crédits. Cette loi a été votée en Tunisie, à Madagascar et à l’île Maurice. Au Liban, nous allons la mettre en œuvre bientôt dans toutes les universités francophones. » Abordant le secteur des entreprises, le professeur Zmokhol ajoute qu’il faudrait « également que les entreprises aillent vers les universités, en organisant davantage de conférences, de discours et de séminaires pour les étudiants. Un cours proposé dans les universités francophones, qui s’intitule Business Conference, va permettre à des intervenants et de patrons de huit industries différentes de donner des conférences et des cours qui seront validés comme crédits. Un avantage considérable pour les étudiants ».
Faire évoluer le stage d’entreprise en un projet d’entreprise
« Il est essentiel aujourd’hui de mettre en place des stages de qualité au sein de ces entreprises, où les étudiants participent activement au développement de l’entreprise en menant un projet, accompagné d’une étude de cas et de propositions de diversification précises qu’ils présenteront à cette entreprise, affirme le président du Conseil économique et social de l’AUF. En résumé, il est essentiel que ces étudiants deviennent des acteurs au sein de l’entreprise, et non de simples spectateurs, insiste-t-il. C’est pourquoi nous insistons sur l’importance de la présence des professeurs auprès des étudiants pendant leur stage, afin de les aider et de les encadrer dans la rédaction de leur rapport. Il ne suffira plus que les jurys des stages soient composés uniquement de professionnels académiques évaluant les étudiants, mais aussi, et surtout, de professionnels de l’entreprise, qui évalueraient les rapports de stage et les études de cas présentés par l’étudiant. »
L’employabilité des jeunes et le développement de l’intrapreneuriat
Abordant le dernier point, à savoir l’employabilité des jeunes, le professeur Zmokhol souligne que « le taux d’échec des jeunes entrepreneurs, aujourd’hui, qui ont lancé leur propre entreprise ou start-up, est très élevé. Plus de 90 % d’entre eux se sont heurtés à de grosses difficultés et n’ont plus pu poursuivre leurs projets. Ce taux d’échec est lié à la gouvernance, au financement, voire à des problèmes managériaux, car souvent les grands créateurs ou innovateurs peuvent être de bons leaders mais de mauvais managers. L’idée de notre Conseil économique et social est d’apprendre aux demandeurs d’emploi et surtout aux étudiants à creuser leur place au sein d’une société, au lieu de combler des places vacantes ». Autrement dit, ces jeunes doivent proposer, au sein même de l’entreprise où ils travaillent, de nouvelles idées innovatrices, un projet de développement ou de diversification en fonction de leurs compétences. « Et c’est précisément cela l’idée de l’intrapreneuriat. L’étudiant intrapreneur sera donc à la fois salarié et entrepreneur, développant un projet pertinent pour son organisation. Une procédure qui réduit considérablement les risques financiers et managériaux que l’entreprise assumera elle-même », souligne le professeur Zmokhol.
La paix au Liban, un élément-clé pour le développement
En tant que président du Conseil économique et social de l’AUF, qui regroupe plus de 118 pays et 1 007 universités, Fouad Zmokhol affirme que ces projets sont applicables à tous les pays francophones. « En ce qui concerne l’implication du Liban, il est impossible de prévoir quoi que ce soit en raison du contexte actuel dans le pays », souligne-t-il. « Aujourd’hui, le principal souci des entreprises libanaises, en crise, est de protéger les personnes et les équipes, d’assurer une bonne communication à tous les niveaux, de maintenir l’équilibre financier et de reconstruire. Il est donc normal qu’après ces mois de conflits, tous ces projets de diversification, de développement et d’entrepreneuriat soient gelés. La stratégie que j’ai conseillée à ces jeunes, afin qu’ils apportent de nouvelles idées en proposant des projets innovants au sein de leurs entreprises, est la stratégie des trois D : développer, diversifier et déléguer. Mais il est essentiel de rétablir la paix ici, au Liban. C’est là l’élément-clé », conclut-il.