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Moyen-Orient - Repères

Morts en exil, ces opposants syriens qui n’ont pas pu vivre la chute du régime Assad

« L’Orient-Le Jour » revient sur quelques-uns de ces femmes et hommes qui ont tout risqué pour une autre Syrie.

Morts en exil, ces opposants syriens qui n’ont pas pu vivre la chute du régime Assad

Des jeunes brandissent les drapeaux de l’opposition syrienne alors qu'ils manifestent pour la liberté, le 10 décembre 2024 devant la gare de Duisbourg, dans l'ouest de l’Allemagne, deux jours après la chute du président syrien. Sasha Schuermann/AFP

Ils étaient les figures de proue de l’opposition syrienne. Forcés à l’exil, ils sont décédés avant la chute du clan Assad, qu’ils ont combattu toute leur vie.

Treize ans après la révolution syrienne, qui a été matée dans le sang par le régime, le président syrien Bachar el-Assad a été renversé par l’opposition armée, dans la nuit de samedi à dimanche, après une offensive-éclair, qui a débuté le 27 novembre, du groupe jihadiste Hay’at Tahrir al-Cham (HTC) et des factions de l’opposition. 

Depuis l’arrivée au pouvoir de Hafez el-Assad en 1971, la répression mise en place par le père puis le fils Bachar a poussé nombre d’opposants à l’exil afin d’échapper à la mort. L’Orient-Le Jour revient sur quelques-uns de ces femmes et hommes qui ont tout risqué pour une autre Syrie.


Riyad el-Turk

Surnommé le « Mandela syrien », Riyad el-Turk est le premier à avoir fait du combat démocratique l’enjeu principal pour l’avenir de la Syrie. Il sera arrêté le 28 octobre 1980 et emprisonné sans jugement par le régime de Hafez el-Assad. Pendant près de 18 ans, il sera isolé dans une cellule de deux mètres carrés, au sous-sol du siège des renseignements militaires à Damas. Après sa sortie de prison en 1998, Riyad el-Turk tiendra toujours ses positions sans jamais flancher, en dépit des risques encourus. 

Né à Homs en 1930, élevé à l’orphelinat, l’ancien prisonnier est aussi l’un des premiers militants syriens à avoir pris en compte le Liban dans sa critique du régime, en combattant pour son indépendance et sa souveraineté. À partir de mars 2011, alors que la révolution syrienne n’en est qu’à ses balbutiements, Riyad el-Turk, âgé de 81 ans, entre dans la clandestinité. Finalement, à 88 ans, il se résout en 2018 à s’exiler à Paris, où il décède le 1er janvier dernier, à l’âge de 93 ans.

À lire l’article de Soulayma Mardam-Bey 

Pour mémoire

Riyad el-Turk, infatigable combattant syrien pour la liberté

Basma Kodmani

Depuis l’étranger, Basma Kodmani luttait pour une Syrie libre et démocratique avant son décès le 2 mars 2023 à Paris, à l’âge de 64 ans, des suites d’une longue maladie.  Née en 1958 à Damas, la jeune Basma est forcée de quitter à l’âge de 10 ans la Syrie.

Quelques années après que le parti Baas a pris le pouvoir, son père, Nazem Kodmani, qui travaillait alors comme ambassadeur de Syrie en France, puis en tant que diplomate au département des Affaires étrangères, est arrêté peu après la guerre des Six-Jours (1967). Il avait alors exprimé des opinions opposées au ministre. À sa sortie de prison après six mois de détention, il quitte son pays avec sa famille, d’abord au Liban pendant trois ans, puis à Londres et à Paris.

Sa fille Basma crée en 2005 parmi d’autres personnalités l’Arab Reform Initiative, un groupe de réflexion indépendant consacré à faire avancer le changement démocratique dans les pays arabes, et occupe le poste de directrice exécutive jusqu’en 2019. Près de six mois après le début du soulèvement populaire en Syrie, elle fonde avec d’autres personnalités le Conseil national syrien (CNS), une coalition de l’opposition en quête d’une transition démocratique en Syrie, et assume la mission de cheffe des relations extérieures et porte-parole de la principale représentation de l’opposition syrienne. Pour des raisons de divergences internes, elle démissionne en août 2012. Jusqu’à son dernier souffle, Basma Kodmani a continué de dénoncer les crimes du régime Assad et à porter la voix de ses opposants. 

À lire l’article de Noura Doukhi 

Pour mémoire

Bassma Kodmani, figure de l’opposition syrienne

Michel Kilo

L’écrivain Michel Kilo fait partie de ces figures historiques de l’opposition syrienne qui rêvaient d’une Syrie libre, démocratique et laïque. Né en 1940 à Lattaquié dans une famille chrétienne, il a étudié le journalisme en Égypte et en Allemagne, traduit des ouvrages de pensée politique de l’allemand vers l’arabe et régulièrement écrit dans la presse arabophone.

Il a été emprisonné à deux reprises. La première, par Assad père dans les années 80, pour son opposition à l’écrasement dans le sang de toute critique, qu’elle soit issue des rangs laïcs ou islamistes. Et la seconde, par le fils, Bachar el-Assad, en 2006, en raison de ses prises de position contre la mainmise de Damas sur le Liban.

En mars 2011, l’opposant prend part à la révolution syrienne, qui est très vite matée dans le sang par le régime. Les opposants sont traqués par les services de sécurité. Michel Kilo est forcé à l’exil. D’abord en Égypte, puis à Paris, où il décédera des suites du Covid-19 à l’âge de 81 ans, le 19 avril 2021. 

À lire l’article de Soulayma Mardam Bey

Pour mémoire

Michel Kilo, figure historique de l’opposition syrienne

May Skaf

La « fleur de la révolution » syrienne, May Skaf, était parmi les premières à descendre dans les rues du vieux Damas pour protester contre le pouvoir de Bachar el-Assad en 2011, lorsque le vent de contestation souffle en Syrie. Arrêtée par le régime syrien à plusieurs reprises, notamment à l’été 2012, après avoir participé à une manifestation d’intellectuels anti-Assad à Damas, elle est parvenue à quitter le pays, passant par la Jordanie pour gagner Paris.

L’actrice, née le 15 avril 1969, serait décédée des suites d’une crise cardiaque le 23 juillet 2018 en France, où elle s’est exilée. « Je ne perdrai pas espoir... Je ne perdrai pas espoir... C’est la glorieuse Syrie, pas la Syrie d’Assad », avait-elle écrit avant sa mort sur sa page Facebook. 

À lire, l’article de Claire Grandchamps 

Pour mémoire

Pluie d'hommages pour May Skaf, la "fleur de la révolution" syrienne


May Skaf s’exprimant pendant les funérailles de l’actrice et militante Fadwa Suleimane à Montreuil, en banlieue parisienne, en 2017. Zakaria Abdelkafi/AFP

Fadwa Suleimane

Actrice et militante, Fadwa Suleimane fait partie des rares dans son milieu à avoir pris d’assaut les rues de Damas lors du soulèvement en mars 2011  contre Bachar el-Assad. De confession alaouite, elle avait également tenté d’appeler les habitants de  Lattaquié et Tartous – ville alaouite – à rejoindre le mouvement. À Homs, c’est auprès de Abdel-Basset el-Sarout, ancien gardien de but, décédé en juin 2019 des suites de ses blessures après avoir combattu contre les forces du régime dans le nord de Hama, qu’elle partageait la scène. « Venez voir la réalité, voyez vos frères de sang réclamer pacifiquement la liberté », avait-elle déclaré à ses compatriotes alaouites dans une vidéo enregistrée à Homs.

Suite à des menaces, Fadwa Suleiman est forcée de fuir la Syrie clandestinement. Exilée en France depuis 2012, elle est décédée à Paris des suites d’un cancer le 17 août 2017, à l’âge de 46 ans. 

Pour mémoire

L'actrice et militante Fadwa Suleimane, icône de la révolution syrienne, est décédée


Fadwa Suleimane, icône de la révolution syrienne. Photo d’archives AFP

Ils étaient les figures de proue de l’opposition syrienne. Forcés à l’exil, ils sont décédés avant la chute du clan Assad, qu’ils ont combattu toute leur vie. Treize ans après la révolution syrienne, qui a été matée dans le sang par le régime, le président syrien Bachar el-Assad a été renversé par l’opposition armée, dans la nuit de samedi à dimanche, après une...
commentaires (1)

La nouvelle Syrie aurait eu besoin de ces gens-là. Je constate qu’il n’y a que les intellectuels qui font ce qui est juste. Hommage particulier à ceux d’entre eux qui viennent de minorités dont Assad a exploité la peur sans jamais rien leur donner.

Liban Libre

20 h 53, le 10 décembre 2024

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Commentaires (1)

  • La nouvelle Syrie aurait eu besoin de ces gens-là. Je constate qu’il n’y a que les intellectuels qui font ce qui est juste. Hommage particulier à ceux d’entre eux qui viennent de minorités dont Assad a exploité la peur sans jamais rien leur donner.

    Liban Libre

    20 h 53, le 10 décembre 2024

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