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Moyen-Orient - Disparition

Michel Kilo, figure historique de l’opposition syrienne

Celui qui a toute sa vie durant combattu le régime syrien est décédé hier, à Paris, des suites du coronavirus.

Michel Kilo, figure historique de l’opposition syrienne

Michel Kilo au cours d’une conférence de presse au siège du mensuel « Le Monde diplomatique », à Paris, le 11 octobre 2011. Lionel Bonaventure/AFP

C’est l’une des figures de proue de l’opposition au régime syrien qui s’en est allée hier ; l’un de ceux qui se sont élevés contre le parti Baas dès son arrivée au pouvoir en 1963 et qui n’ont jamais abandonné leurs aspirations à vivre un jour dans une Syrie libre, démocratique et laïque. Michel Kilo, 81 ans, est décédé des suites du coronavirus, à Paris, où il était exilé depuis quelques années, sans avoir pu réaliser ce rêve qu’il partageait avec des millions de ses compatriotes. Né en 1940 à Lattaquié dans une famille chrétienne, Michel Kilo a étudié le journalisme en Égypte et en Allemagne, traduit des ouvrages de pensée politique de l’allemand vers l’arabe et régulièrement écrit dans la presse arabophone. Son parcours est emblématique d’une double continuité, celle du pouvoir entre les Assad de père en fils, et celle des oppositions, d’une génération à l’autre. En témoigne l’expérience de la détention vécue par celui qui fut arrêté une première fois à l’orée des années 80 – alors que Hafez el-Assad règne en maître au royaume de la peur et du silence – pour son opposition à la suppression dans le sang de toute critique, qu’elle soit issue des rangs laïques ou islamistes. Et une seconde fois en 2006 – alors que Bachar est aux manettes depuis six ans –, en raison de ses prises de position sans détour contre la mainmise de Damas sur le pays du Cèdre.

Homme de conviction, avant-gardiste, Michel Kilo est à l’origine de nombreuses initiatives qui ont jalonné l’histoire du combat des Syriens pour la liberté. Peu de temps après la mort de Hafez el-Assad en 2000, il devient l’un des leaders de l’éphémère printemps de Damas. Avec quatre compagnons, il sera à l’origine du manifeste des 99 – signé par des intellectuels et demandant la levée de l’état d’urgence, les libertés publiques et la libération des prisonniers politiques –, donnant lieu à la multiplication des forums politiques dans le pays. Avec d’autres militants, Michel Kilo œuvrera également à la formation d’un groupe de la société civile connu sous le nom de Comités pour la renaissance de la société civile en Syrie. Vu du Liban, Michel Kilo est aussi l’un des visages les plus illustres de la déclaration Beyrouth-Damas de 2006. Celui d’une Syrie étouffée dont des centaines d’intellectuels et d’activistes n’ont pas hésité, malgré le musellement, à joindre leurs voix à celles d’homologues libanais pour appeler à la révision des relations syro-libanaises sur la base, entre autres, du respect et de la consolidation de la « souveraineté et de l’indépendance du Liban et de la Syrie dans le cadre de relations institutionnalisées et transparentes qui servent les intérêts des deux peuples et (les) renforcent (face) aux agressions israéliennes et à l’hégémonie américaine », de l’établissement de liens diplomatiques et de la fin des assassinats politiques au Liban. « Il avait des positions très claires contre l’hégémonie du régime syrien et a joué un rôle central dans la rédaction du texte », note Ziad Majed, politologue et professeur à l’Université américaine de Paris. Un engagement qui vaudra à Michel Kilo la prison : pour le pouvoir, il est responsable d’avoir affaibli le « sentiment national », d’avoir « porté atteinte à l’image de l’État » et d’avoir « provoqué des dissensions confessionnelles et raciales ».

La révolution

2011. Le combat d’une vie commence à porter ses fruits quand, par centaines de milliers, Syriens et Syriennes s’emparent des rues du pays pour demander des réformes politiques et revendiquer plus de justice sociale. Michel Kilo est, évidemment, au rendez-vous. « En 2011, il était encore en Syrie et a participé à la fameuse rencontre de l’hôtel Sémiramis où des dizaines de figures historiques de l’opposition ainsi que de la nouvelle génération se sont réunies. À l’époque, l’idée était de demander des réformes. La logique n’était pas encore celle du changement radical de régime », explique Ziad Majed.

Pour mémoire

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La suite est connue. Le régime réprime dans le sang les manifestations. Les opposants sont traqués par les services de sécurité. Michel Kilo prend la route de l’exil, direction l’Égypte d’abord où il établit, en 2012, avec un groupe d’opposants, le Forum démocratique syrien, avant de lancer l’Organisation des chrétiens syriens pour la justice et la liberté qui, selon lui, devait « combler le fossé entre les chrétiens et le reste de la population », en référence à l’instrumentalisation par le régime des minorités pour mieux justifier son joug. Michel Kilo rejoint ensuite, en 2013, la Coalition nationale syrienne, fondée à Doha, au Qatar, puis, la même année, fonde l’Union des démocrates syriens. L’homme décidera ensuite de se retirer de la scène politique officielle et de s’installer à Paris, ville à partir de laquelle il publiera régulièrement des chroniques pour le média al-Arabi al-Jadeed, apportant des clés de lecture sur les événements qui bouleversent la Syrie depuis 2011.

Vétéran de l’opposition syrienne, admiré et respecté pour cette opiniâtreté dans l’engagement, Michel Kilo a cependant pu essuyer des critiques de la part de ceux qui considèrent qu’il a participé au caractère « politicien de la politique » de l’opposition officielle. Certains lui ont reproché une forme de complaisance – ou plutôt de minimisation – de la dangerosité de groupes islamistes jihadistes tels que le Front al-Nosra. Enfin, dans certains milieux kurdes syriens, on lui tient rigueur de déclarations tenues en avril 2016 où il dénonçait l’idée fédérale du PYD, la qualifiant de « projet pour diviser la Syrie ». « Nous la refusons, même quand les États-Unis la soutiennent », avait-il dit, ajoutant : « Ce n’est pas un second Israël, ils ne peuvent pas arracher un Kurdistan à la Syrie. »Quelles qu’aient été les controverses qu’il a pu susciter, Michel Kilo reste aux yeux de beaucoup de Syriens le symbole d’un indéniable courage. Le Conseil national syrien a rendu hommage hier à une « figure intellectuelle et patriotique ayant consacré sa vie à la Syrie, qui a lutté contre la tyrannie pendant plus de cinquante ans (...) ». Quelques jours avant sa mort, Michel Kilo avait appelé les Syriens à garder leur détermination et le désir de « restaurer notre Syrie avec la fin de ce système qui a confisqué plus d’un demi-siècle d’histoire de notre pays », ajoutant : « Notre peuple mérite la paix, la liberté et la justice... La meilleure et la plus belle Syrie vous attend. »

C’est l’une des figures de proue de l’opposition au régime syrien qui s’en est allée hier ; l’un de ceux qui se sont élevés contre le parti Baas dès son arrivée au pouvoir en 1963 et qui n’ont jamais abandonné leurs aspirations à vivre un jour dans une Syrie libre, démocratique et laïque. Michel Kilo, 81 ans, est décédé des suites du coronavirus, à Paris, où il était...

commentaires (1)

Michel Kilo ou le visage de l opposition syrienne,tres loin des cliches islamistes decrits par le regime assassin de Damas et ses allies russes et iraniens.....

HABIBI FRANCAIS

08 h 31, le 20 avril 2021

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Commentaires (1)

  • Michel Kilo ou le visage de l opposition syrienne,tres loin des cliches islamistes decrits par le regime assassin de Damas et ses allies russes et iraniens.....

    HABIBI FRANCAIS

    08 h 31, le 20 avril 2021

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