Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Récit

La révolution syrienne dit adieu à son « oiseau chanteur »

Abdel-Basset el-Sarout, ancien gardien de but, est décédé samedi des suites de ses blessures, après avoir combattu contre les forces du régime dans le nord de Hama.

Abdel-Basset el-Sarout lors d’une manifestation à Maarat al-Noumane en 2018. Photo Abdelaziz Ketaz

Star du ballon rond, meneur de foule, héros romantique, chef rebelle aux cheveux longs et au regard de braise… Abdel-Basset el-Sarout aura vécu mille et une vies en huit ans de révolution syrienne, avant de tomber au combat face aux troupes de Bachar el-Assad.

C’est une marée humaine qui s’avançait hier dans les rues d’al-Dana, dans la région d’Idleb, pour lui rendre hommage. Celui qui s’était jeté tout entier dans la cause aura payé le prix fort. « C’était notre frère et notre ami. Je ne fais que chanter dans ma tête le slogan qu’il répétait sans cesse : “Mère, achète-moi des vêtements neufs ; et célèbre-moi, je reviens en martyr” », confie Adnan, présent lors des funérailles et contacté via WhatsApp.

Abdel-Basset el-Sarout est décédé samedi, à 27 ans, après avoir été blessé deux jours plus tôt dans des affrontements à Tel Maleh dans le nord de la province de Hama, contrôlée par des groupes jihadistes et rebelles et théâtre depuis fin avril d’un regain de violence. Originaire de Homs, el-Sarout était gardien de but international dans les équipes de jeunes de Syrie et désigné deuxième meilleur gardien de but d’Asie, avant de devenir l’interprète le plus populaire des chansons contestataires à la suite du soulèvement de mars 2011.

« Quand j’ai appris sa mort, j’ai été sonné. La première chose à laquelle j’ai pensé est que le jour où Dieu nous aidera à libérer Homs, Abdel-Basset et tous mes amis qui sont morts ailleurs ne seront pas là pour le voir », confie de son côté Mohammad, également originaire de Homs et aujourd’hui déplacé dans la province d’Alep.

Les vidéos du cortège funéraire et de la dépouille mortelle enveloppée dans un linceul blanc qui se dirigeaient vers la mosquée d’al-Dana pleuvaient hier sur la Toile. Des hommages lui ont été rendus à travers la province d’Alep, d’Idleb et même en Turquie où vivent plus de 3 millions et demi de réfugiés syriens. Les profiles WhatsApp ou Facebook d’opposants au régime ont délaissé pour un temps la photo du drapeau de la révolution pour celle de leur martyr Abdel-Basset el-Sarout.


Transporté en Turquie
Ce commandant d’une unité de Jaïch el-Ezza, un groupe islamiste en première ligne face aux forces progouvernementales, était apparu dans une vidéo jeudi soir dans laquelle il promettait la défaite de l’armée d’Assad et la reprise de toutes les régions du pays. Vendredi, des activistes avaient annoncé qu’il avait été blessé mais que son état était jugé stable. Le groupe rebelle a préféré ne pas alarmer les combattants engagés sur le front en minimisant l’état de santé de leur chef. Transporté en Turquie en urgence, el-Sarout serait décédé lors de sa prise en charge à l’hôpital.

« Quelques heures avant la bataille, il est passé chez moi à Khan Cheikhoun, on a discuté, puis il est retourné combattre. Sa mort a provoqué une onde de choc. Les gens l’aimaient de manière inimaginable, pour sa force, sa voix et son courage », témoigne Alaa, un journaliste.

L’enfant de Homs a, dès le début de la révolte, mis à profit sa notoriété et son charisme auprès de la jeunesse. « Il résume à lui seul toute la révolution, passée, comme lui, de pacifique à la lutte armée. C’était Mandela et Che Guevara réunis », décrit de son côté Walid Abou Rached, à Saraqeb, où une veillée à la bougie a été organisée samedi soir. El-Sarout a été l’une des figures centrales, aux côtés de l’actrice alaouite décédée Fadwa Souleiman, lors des grandes manifestations de 2011 et 2012 à Homs. Mohammad se souvient de l’une d’entre elles, en juin 2012, juste avant le siège d’al-Waer par l’armée de Bachar el-Assad. « Il nous encourageait et avait pris le risque de quitter Homs qui était alors déjà assiégée pour venir nous soutenir », se rappelle le jeune homme. Des mouvements protestataires extrêmement attendus où les appels à la chute du régime mais aussi à la liberté et au respect des droits sont légion.

Mince, pas très grand, c’est surtout par sa voix grave et triste, entendue dans ses chants révolutionnaires, qu’el-Sarout a conquis le cœur et l’esprit des opposants. L’intensification de la répression du régime mais aussi, et surtout, la mort de son père et de quatre de ses frères vont pousser le meneur de foules à prendre les armes. « Il a vu mourir des membres de sa famille les uns après les autres pour la révolution et pour la Syrie et, à chaque fois que nous lui avons parlé, il nous a donné la force et l’espoir de croire en la cause », se rappelle à son tour Samer*, exilé aux États-Unis. L’étudiant a rencontré à plusieurs reprises Abdel-Basset el-Sarout, ce « très charismatique grand frère » en Syrie et en Turquie, dont la tête aurait été mise à prix par Damas.

Pour se défendre face à cette escalade d’une violence inouïe, il dirigera la brigade des Martyrs d’al-Bayada (quartier sunnite de Homs où il est né). Dans Retour à Homs, sorti en 2013, le réalisateur Tala Derki filme le combat quotidien du jeune guérillero pour défendre la liberté. Le documentaire obtiendra le Grand Prix du jury au festival américain du cinéma indépendant de Sundance en 2014.


(Lire aussi : « Allez dégage, Bachar », le chant révolutionnaire des rebelles)


D’activiste à jihadiste ?
Le blocus s’accentue sur Homs et c’est à cette époque-là, pleine de désillusions et de souffrances, qu’el-Sarout et son petit groupe rebelle auraient succombé aux appels du groupe État islamique. Un passé trouble qui fait débat aujourd’hui à l’heure des hommages. Les chants révolutionnaires ont été remplacés un temps par des appels au jihad. Des vidéos ont resurgi durant le week-end montrant l’homme vouloir « couper la gorge des Noussayria (alaouites) » ou de « combattre les Nassara (chrétiens) ». Une autre le montre au milieu d’une assemblée assis en tailleur faire l’apologie des attentats du 11-Septembre.

« On l’a accusé d’avoir rejoint l’EI, mais il faut se remémorer le contexte terrible dans lequel il se trouvait. Tu perds espoir, tu vois les gens que tu aimes mourir, je peux comprendre qu’il ait été tenté de rejoindre de manière circonstancielle des groupes extrémistes. Nous avons tous un petit jihadiste de Daech qui sommeille en nous. El-Sarout a vite compris qu’il avait misé sur le mauvais cheval », estime Louay*, un activiste réfugié en Turquie. « Il n’a jamais cru en leur idéologie. L’EI l’a forcé à le rejoindre pour pouvoir profiter de sa popularité pour recruter des jeunes, mais à la première occasion il s’est enfui », raconte Samer. Les deux jeunes hommes avaient à l’époque un point commun. « Je le voyais en secret, car c’était l’une des rares personnes à qui on pouvait faire confiance. Comme lui, j’étais menacé par l’EI parce que j’avais refusé de travailler pour eux. Nous vivions donc la même pression et la même angoisse », raconte l’étudiant. Après la chute de la ville de Homs, l’« oiseau chanteur » de la révolution rejoint Idleb et se défend dans une interview en mai 2014 d’avoir appartenu au groupe jihadiste.

« Il a maintes fois eu la possibilité de fuir le pays pour de bon et de refaire sa vie, mais il a toujours refusé », poursuit Samer. « Dès qu’il a rejoint Idleb, il a tenté de réunir les groupes rebelles, les suppliant d’arrêter leurs querelles pour le bien de la révolution. Il combattait pieds nus sur le champ de bataille, c’était vraiment quelqu’un d’incroyable », confie Walid Abou Rached. « On le suppliait de créer un compte Facebook, mais il se fichait d’être connu. C’est de loin la personnalité la plus solide et la plus déterminée que j’ai vue durant notre révolution », résume Abdelaziz Ketaz, un photographe de Maarat al-Noumane.

Son charisme est tel que sa mort aurait même touché certains partisans du régime. Sur Facebook, une alaouite se dit ainsi en larmes suite au « martyre » du jeune homme. « Je l’aime à moitié. Il était présenté comme le gardien de vous savez quoi », confie sur WhatsApp un pro-régime originaire de Raqqa, en prenant soin de ne pas mentionner le mot « révolution ». L’idole d’une jeunesse flouée s’en est allée. « Sa mort nous a tous unis de nouveau », conclut Walid.

*Les prénoms ont été changés

Star du ballon rond, meneur de foule, héros romantique, chef rebelle aux cheveux longs et au regard de braise… Abdel-Basset el-Sarout aura vécu mille et une vies en huit ans de révolution syrienne, avant de tomber au combat face aux troupes de Bachar el-Assad. C’est une marée humaine qui s’avançait hier dans les rues d’al-Dana, dans la région d’Idleb, pour lui rendre hommage....

commentaires (1)

SI LES AMERICAINS LE VEULENT LA GUERRE DE SYRIE CHANGERA DE COURS. D,AILLEURS ELLE N,EST PAS FINIE ET PRESQUE LA MOITIE DU PAYS EST ENCORE HORS DU CONTROLE DU REGIME.

LA LIBRE EXPRESSION

06 h 17, le 10 juin 2019

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • SI LES AMERICAINS LE VEULENT LA GUERRE DE SYRIE CHANGERA DE COURS. D,AILLEURS ELLE N,EST PAS FINIE ET PRESQUE LA MOITIE DU PAYS EST ENCORE HORS DU CONTROLE DU REGIME.

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 17, le 10 juin 2019

Retour en haut