Longtemps harcelés par les barbus libanais qui avaient mis en coupe réglée une bonne portion de leur pays, les Syriens ont fini par apprendre que chez eux aussi le système pileux est très développé.
Certes pour l’instant, les patibulaires qui ont pris le contrôle d’Alep et de Hama essayent de faire bonne figure en reprenant un vieil oxymore inventé par les angelots d’Occident dans la foulée des printemps arabes : l’islamiste modéré. Une espèce d’intégriste ripoliné muni du même logiciel, mais avec des périphériques différents : le duvet de trois jours à la place de la barbe frisottée, les rangers et le battle-dress à la place des babouches et de la chemise de nuit, enfin le chapelet remplaçant la ceinture d’explosifs. Sans doute doit-il cogner sa femme avec des petits galets bien polis et égorger les mécréants avec des canifs d’occasion… Ne manquent plus à l’appel que les 70 vierges en chaleur qui attendent le martyr au paradis, pour le cas où il s’y pointerait tout nu piaffant de libido.
Il ne faut pas l’oublier, au Moyen-Orient, on est toujours le modéré de quelqu’un. Ainsi, un simple preneur d’otages est certainement plus fréquentable qu’un égorgeur de captifs, et ce dernier infiniment plus présentable qu’un adepte du détenu flambé dans un tunnel. Plus la monstruosité fait preuve de créativité dans l’horreur, plus l’atrocité qui l’a précédée finit par devenir comestible.
Aujourd’hui, il est de bon ton d’estimer que Hay’at Tahrir al-Cham est plus acceptable que Daech, lequel était plus convenable qu’un champignon nucléaire iranien… Aussi, l’objectif de ces islamistes new age, dit-on, n’est plus ce gentleman-farmer de Bachar el-Assad, mais Téhéran. Et ainsi de suite, jusqu’au jour où les livres d’histoire nous raconteront que Saddam Hussein, le gougnafier moustachu de Bagdad, et Yahya Sinouar, le disjoncté pète-sec du Hamas, étaient des sociaux-démocrates qui faisaient de la broderie en écoutant de la musique de chambre.
Trop facile aujourd’hui de pousser le Tyranneau de Damas honni à débarrasser le plancher. Encore faut-il trouver parmi les officiers qui l’entourent le dictateur bouche-trou qui viendra le dégoupiller. Une sorte de nouveau père fouettard façon Sissi Imperator d’Égypte, qui n’aura certainement pas le profil bal des petits lits blancs et gouvernera comme on a toujours appris dans cette riante région : une caserne, une police politique, un chef.
Entre-temps, médias et réseaux sociaux arabes se font des gorges chaudes de cette chienlit aux vapeurs syriennes, glanant leurs infos d’un peu partout. Bien évidemment, toujours selon le même concept créatif : « La source a dit à la source actuelle que l’autre source avait démenti les propos puisés à la source précédente… laquelle a démenti le démenti de la source préalable. » Le courage journalistique dans toute sa splendeur !
Ne reste plus qu’à attendre pour déguster le résultat de cette pantalonnade. Allez ! Finalement le Liban tel qu’il est, même sous les bombes de Nyanyahu Terminator, ce n’est pas plus mal que si c’était pire…
gabynasr@lorientlejour.com
"Sa-dame et Si-noir étaient des sociaux-démocrates qui faisaient de la broderie en écoutant de la musique de chambre" ... je ricane à les imaginer...
02 h 37, le 07 décembre 2024