Le premier juge d’instruction du Mont-Liban, Nicolas Mansour, a fixé, mardi, au 17 décembre une audience au Palais de justice de Baabda liée à une affaire d’acquisition et d’exploitation par l’ancien gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, de biens immobiliers en France, d’une valeur d’environ 11 millions de dollars.
Le juge Mansour avait lancé, le 31 octobre, un mandat d’arrêt contre M. Salamé, qui a réfuté les accusations à son encontre et interjeté appel devant la chambre d’accusation du Mont-Liban, présidée par Pierre Francis. La chambre d’accusation a toutefois confirmé cette mesure, permettant ainsi au juge Mansour de poursuivre son enquête.
Selon nos informations, le premier juge d’instruction du Mont-Liban avait tenu une séance mardi au cours de laquelle les avocats de la défense lui avaient présenté des documents censés démontrer que les fonds utilisés par M. Salamé pour l’acquisition des biens en question ont une origine licite. Ces documents seront incessamment examinés par M. Mansour, indique à L’Orient-Le Jour une source du Palais de justice de Baabda. Ces biens comprennent notamment des locaux que la BDL avait loués sur l’avenue des Champs-Élysées, à Paris, pour y installer des bureaux de la banque centrale libanaise. Le loyer avait été conclu en 2010 avec une société de gestion immobilière dirigée par l’ex-compagne de M. Salamé, Anna Kosakova, en contrepartie de plusieurs millions d’euros perçus pendant quelques années de location. La source précitée affirme que lors de l’audience de mardi, Nicolas Mansour a fait parvenir à la BDL une demande d’explications sur sa décision de louer les locaux en question, notamment pour savoir si, conformément à la règle, cette décision a été prise par le conseil central de la Banque du Liban, et ce après une étude d’une commission interne chargée d’examiner les contrats en amont.
Selon la procédure légale, la BDL devrait répondre à cette demande par l’intermédiaire du parquet de cassation.
En tant que représentante des intérêts de l’État, la chef du contentieux de l’État, Hélène Iskandar, a demandé récemment de se constituer partie civile dans cette affaire de 11 millions de dollars. Sa demande sera tranchée par M. Mansour, qui devra préalablement déterminer si les fonds litigieux ont un caractère public ou privé. Dans le premier cas, Mme Iskandar sera admise à se joindre au dossier. En revanche, si les biens s’avèrent acquis au moyen de fonds privés de Riad Salamé, comme ce dernier l’affirme, le contentieux de l’État n’aurait pas qualité à agir en justice.
L’affaire des « consultations »
Dans une autre enquête portant sur un transfert de quelque 44 millions de dollars depuis le compte de « consultations » de la BDL vers un compte privé, dont aurait notamment bénéficié Riad Salamé, le premier juge d’instruction de Beyrouth, Bilal Halaoui, a reporté sine die l’audience qu’il avait prévue jeudi pour interroger deux avocats également mis en cause dans cette affaire. Selon une source judiciaire interrogée par L’OLJ, il attend que la chambre d’accusation de Beyrouth présidée par Nassib Élia tranche deux appels présentés respectivement par les deux membres du barreau, dans lesquels ils contestent le rejet (le 19 novembre), par le juge Halaoui, d’exceptions de procédure, notamment celles liées aux levées de leur immunité, décidées en septembre dernier par le conseil de l’ordre des avocats.
La chambre d’accusation devrait également statuer sur un appel du parquet financier interjeté pour contester l’acceptation par le juge d’instruction d’une fin de non-recevoir invoquant la prescription du délit de falsification de documents privés, que le parquet suspecte d’avoir été commis. M. Halaoui avait admis que le délai légal de prescription (3 ans) de ce délit présumé est déjà expiré, les faits litigieux remontant à 2016.
Selon une source judiciaire qui s’intéresse au dossier, l’instance présidée par Nassib Élia devrait trancher les trois appels dès le début de la semaine prochaine.
Une audience de Forry Associates fixée au 3 décembre
Une autre source judiciaire affirme à L’OLJ qu’une audience liée à l’affaire Forry Associates a été fixée au 3 décembre par le juge Halaoui. Ce dossier porte sur un montant de 330 millions de dollars de commissions présumées obtenues, entre 2002 et 2015, par cette société de courtage enregistrée dans les îles Vierges britanniques, sur la vente de titres financiers de la banque centrale. Bilal Halaoui est en charge de ce dossier depuis que la chambre de la Cour de cassation présidée par Souheir Haraké a décidé, le 6 novembre, qu’il est compétent pour le faire. Et ce en confirmant un arrêt rendu en ce sens par la chambre d’accusation de Beyrouth présidée par Nassib Élia suite à une demande de la chef du contentieux de l’État, Hélène Iskandar. Celle-ci avait contesté devant d’autres chambres d’accusation de Beyrouth une décision implicite du prédécesseur de Bilal Halaoui, Charbel Abou Samra, de laisser libre M. Salamé après l’avoir interrogé en août 2023. Mais à chaque recours, l’ex-gouverneur de la BDL présentait des actions en responsabilité de l’État contre ces chambres d’accusation, de sorte qu’elles ne pouvaient plus se pencher sur la demande en annulation de la décision de M. Abou Samra, formulée par Mme Iskandar. Pour débloquer le processus, la magistrate s’était, au final, désistée de sa demande et avait réclamé que le dossier revienne au successeur du juge Abou Samra. C’est parce que l’instance présidée par le juge Élia n’a pas été ciblée par un recours de M. Salamé qu’elle a pu rendre son arrêt sur la requête de la chef du contentieux de l’État.
Je veux juste savoir qui va bénéficier de l'argent confisqué ? Est-ce nous les déposants ???
21 h 47, le 28 novembre 2024