Vous participez au Mois puccinien à Torre del Lago, en Italie. Racontez-nous cette belle opportunité...
C'est un intense et riche mois à Torre del Lago en Toscane, où se déroule la 26e édition du « Mois puccinien » annuel. Il se déroulera en cette année 2024 si significative pour la musique et la culture de l’Italie qui a vu le monde entier rendre hommage au compositeur à l’occasion du 100e anniversaire de sa disparition. Organisé par la Fondation Puccini et le Festival Puccini Torre del Lago, le Mois puccinien se développe tout au long des mois de novembre et décembre, pour se terminer par le traditionnel Concert du Nouvel An et offrira au public l'occasion de revivre les émotions des œuvres de Puccini et d'approfondir l'immense patrimoine culturel du compositeur.
Des concerts, des expositions, des rencontres avec des interprètes, des projections de films auront lieu entre Torre del Lago Puccini et Viareggio, mais ils toucheront également d'autres localités de Toscane telles que Sienne, Montecatini jusqu’au Terre di Giuseppe Verdi.
La date de l’anniversaire du compositeur le 29 novembre prévoit un véritable « Marathon puccinien » à Torre del Lago, au centre de cet hommage sincère au Maître la Messe à quatre voix de Giacomo Puccini, communément connue sous le nom de Messa di Gloria. Interprètes de cette partition spirituelle, les solistes Raffaele Abete (ténor) et Armando Likaj (baryton) avec l’Orchestre de l’Opéra et Ballet du Théâtre national de Tirana et le Chœur du Festival Puccini, que je vais diriger.
Le mois de Puccini se terminera par le Puccini Day le 22 décembre pour clôturer les célébrations mondiales de la mort du compositeur.
Quels sont vos sentiments aujourd’hui devant cette responsabilité qui vous incombe ?
Je suis honoré et profondément ému de faire mes débuts au prestigieux Festival de Torre del Lago. Ce moment est d'autant plus spécial pour moi, car je serai le premier chef d'orchestre libanais à participer à ce festival emblématique dédié à l’un des plus grands compositeurs de l'histoire.
L'Italie, qui est pour moi comme une seconde patrie, m'a énormément apporté sur le plan musical. C’est ici que j’ai approfondi mon amour pour la musique classique et lyrique, et que j’ai pu me forger comme artiste en découvrant un patrimoine culturel d’une richesse inestimable. Pouvoir aujourd'hui diriger l'œuvre de Puccini, un monument de la musique italienne, dans ce lieu chargé de son héritage, est un immense privilège.
Je suis incroyablement enthousiaste à l'idée de partager cette expérience musicale unique avec le public et les talentueux artistes du festival. J’ai hâte de vivre cette aventure extraordinaire et de représenter fièrement mon pays, tout en rendant hommage à ce que l'Italie m'a offert.
Comment décrivez vous l'héritage musical puccinien ? Et quelle résonance a son œuvre aujourd'hui ?
Giacomo Puccini, décédé en 1924, a laissé un héritage musical d’une richesse inégalée, qui continue de captiver les générations. Son œuvre est marquée par une profonde humanité, une finesse dans la caractérisation des personnages et une capacité unique à mélanger mélodie et drame. Puccini était un maître du verismo, un style opératique qui donne une voix aux émotions authentiques et aux réalités humaines, souvent à travers des histoires d’amour tragiques et universelles.
Concernant son héritage musical, Puccini a transformé l’opéra en un art plus accessible et émotionnellement puissant. Ses œuvres comme La Bohème, Tosca, Madama Butterfly et Turandot sont des piliers du répertoire lyrique mondial. Il a su intégrer des influences musicales variées, des harmonies audacieuses et des orchestrations subtiles, créant des œuvres qui marient tradition italienne et modernité.
Aujourd’hui, Puccini reste l’un des compositeurs d’opéra les plus joués au monde. Son art continue d’inspirer non seulement les musiciens et les metteurs en scène, mais aussi les cinéastes et les écrivains. Son attention aux détails émotionnels et son habileté à transcender les frontières culturelles font de ses œuvres des classiques intemporels. En outre, sa musique touche encore profondément les publics modernes, tant par ses thèmes universels que par son lyrisme inégalé.
En somme, Puccini représente l’union parfaite entre innovation musicale et exploration émotionnelle, un témoignage vivant de l’impact durable de l’opéra italien.
« La Messa di gloria » que vous allez diriger, qu'offre-t-elle musicalement ? Ses défis ? Votre rapport personnel avec cette composition sacrée ?
La Messa di Gloria de Puccini est une œuvre de jeunesse pleine de promesses. Composée en 1880, elle témoigne de la jeunesse et du talent précoce de Giacomo Puccini. Bien qu’elle soit ancrée dans la tradition sacrée italienne, elle annonce déjà le génie lyrique qui marquera ses opéras. L’œuvre regorge de mélodies puissantes, de contrastes dynamiques et de moments d’une intensité dramatique rare pour une messe. Les passages comme le « Gloria » ou le « Agnus Dei » révèlent un souffle théâtral qui dépasse le cadre purement liturgique. C’est une œuvre à la fois fervente et personnelle, qui démontre l’attachement de Puccini à la musique sacrée tout en pressentant son avenir dans le monde de l’opéra.
Parmi ses défis musicaux, une complexité vocale et chorale. Les parties chorales et solistes demandent une maîtrise technique et une grande expressivité pour rendre justice à la richesse des harmonies.
Elle demande également un équilibre orchestral : La relation entre les voix et l’orchestre est essentielle. Il faut veiller à ce que l’orchestre soutienne sans écraser, tout en exploitant pleinement les couleurs musicales de Puccini. Autre défi : la tonalité dramatique : capturer le souffle sacré de la messe tout en honorant la théâtralité de Puccini exige une direction sensible et équilibrée.
Diriger La Messa di Gloria est pour moi un privilège et une exploration fascinante. C’est une œuvre que j’ai dirigée plusieurs fois, j’en cite 5 fois : au Carnegie Hall à New York en 2015, au Beirut Chants en 2016 et en 2023 pour l’ouverture du centenaire de Puccini , en 2024 pour mon début en Albanie aux théâtres d’Opéra de Tirana et de Durrhes. Dans cette œuvre, j’y retrouve les racines du langage musical de Puccini, tout en plongeant dans une œuvre sacrée empreinte de ferveur et de lumière. C’est une expérience unique d’aligner la profondeur spirituelle avec la force dramatique de cette composition. Chaque répétition est une découverte, chaque concert, un moment de communion avec les musiciens et le public.
Un message aux lecteurs libanais en ces temps difficiles ?
Dans ces temps difficiles, la musique de Puccini – et en particulier cette œuvre sacrée – nous rappelle la résilience de l’esprit humain et la capacité de l’art à transcender les épreuves. Que La Messa di Gloria, avec ses éclats d’espoir et de foi, soit une source de réconfort et d’inspiration. Continuons à croire en la puissance de la culture pour unir, élever et guérir.
Vos projets à court et long terme, pour finir ?
L’automne 2024 a marqué des étapes importantes dans ma carrière, avec mes débuts au Théâtre national d’Opéra de Tirana et celui de Durrës en Albanie, suivis ce mois-ci de mon premier engagement au prestigieux Festival Puccini en Italie. Le 4 décembre, j’aurai l’honneur de diriger l’ouverture du festival Beirut Chants, un moment fort pour la scène musicale libanaise.
Pour 2025, de nombreux projets enthousiasmants se profilent dont un retour avec l’Orchestre de la Radio roumaine à Bucarest pour Così fan tutte (janvier 2025), des débuts au Teatro Goldoni à Livourne (mars 2025), un retour avec l’Orchestre philharmonique de Ploiești, en Roumanie (avril 2025) et enfin mon premier engagement en tant que chef invité au Festival d’Abou Dhabi (avril 2025).
À plus long terme, des discussions passionnantes sont en cours pour plusieurs collaborations en Amérique latine. Ces opportunités s’inscrivent dans un nouvel élan, soutenu par ma récente signature avec Artematriz, une agence d’artistes renommée basée au Brésil, qui assurera ma représentation exclusive dans cette région.
Parcours et responsabilités
Après des études approfondies en chant lyrique et en direction d’orchestre et musicologie, notamment en France et en Italie, Toufic Maatouk a débuté sa carrière comme chanteur avant de se consacrer pleinement à la direction musicale. Sa passion pour la musique sacrée et le répertoire classique et opératique l’a conduit à collaborer avec des ensembles et orchestres prestigieux, tout en explorant des œuvres allant du baroque au contemporain. En parallèle de ses fonctions, à la faculté de musique de l’Université Antonine et la chorale de l’université, et de direction artistique du festival Beirut Chants, il mène une carrière internationale, se produisant en Europe, au Moyen-Orient et au-delà. En tant que pédagogue, il a contribué également à former une nouvelle génération de musiciens au Liban, partageant son savoir et son amour pour l’art musical. « Mon parcours reflète une double mission : célébrer la musique comme un langage universel et la faire rayonner dans des contextes parfois marqués par des défis culturels ou politiques, en restant fidèle à l’idée que la musique a le pouvoir de rassembler et d’élever les âmes », affirme-t-il. Les responsabilités qu’il assume à présent sont celles de vice-directeur général du Festival d’Abou Dhabi (Émirats arabes unis) ; directeur musical de la chorale de l’Université Antonine ; directeur artistique du festival Beirut Chants ; membre du conseil académique du Global Leaders Institute (Washington) ; chef de département de chant au Conservatoire national supérieur de musique au Liban ; chef d’orchestre invité de l’Orchestre philharmonique du Liban, de l’orchestre de la Radio roumaine (Bucarest) et de l’orchestre de l’Opéra de Tirana (Albanie).