Quelques heures seulement après le début du cessez-le-feu conclu entre le Hezbollah et Israël et alors que le pays commence tout juste à se réveiller de deux mois d'horreur, de nombreux voyageurs, appartenant en majorité à la diaspora, contactent déjà leurs agences de voyages pour réserver des places pour se rendre au Liban pendant les fêtes de fin d’année ou pour se renseigner sur la reprise des compagnies aériennes étrangères qui avaient suspendu leurs vols à cause de la guerre.
Alors que la Middle East Airlines (MEA) a annoncé, dans un communiqué mercredi, que ses vols reprendraient leur rythme normal à partir du 12 décembre 2024 et que d’ici là, elle programmerait 32 vols supplémentaires entre le 28 novembre et le 3 décembre, avec une augmentation de la capacité de ses appareils sur plus de 30 destinations, le président de l’Association des agences de voyages et de tourisme au Liban (Attal), Jean Abboud, estime qu’« il faudra au moins attendre la semaine prochaine » pour connaître la réaction des autres acteurs.
« Beaucoup de clients se renseignent ou réservent, mais nous sommes loin de ce que nous pourrions appeler un rebond, vu que l’offre se réduit pour l’instant à celle que la MEA peut fournir », souligne le patron de l’agence We Reach The World, Raymond Wehbé, basé à Beyrouth. Toutes les compagnies ont suspendu leurs vols depuis fin septembre dernier. La compagnie nationale, qui n'a jamais interrompu sa liaison depuis, opère 12 appareils et peut en mobiliser une vingtaine au maximum. L’Aéroport international de Beyrouth (AIB) est la seule infrastructure du pays aux normes pour accueillir des vols commerciaux.
« Il n’y aura pas de nouvelles concrètes à ce niveau avant au moins lundi, et il ne faut pas s’attendre à ce que tous les transporteurs qui desservaient le Liban avant que la guerre n’éclate reviennent tout de suite », tempère-t-il, malgré tout réjoui par la mise en place du cessez-le-feu. Il estime que seule une poignée de compagnies, sur la soixantaine qui desservaient Beyrouth avant que les affrontements entre le Hezbollah et Israël ne dégénèrent en quasi-guerre totale à la fin de l’été, devraient rétablir leurs vols d’ici à la mi-décembre.
Frilosité des équipages
« Ce seront celles qui n’ont pas suspendu leurs vols sur une longue période, qui sont basées dans la région, et qui prévoyaient initialement de réévaluer la situation à court ou moyen terme. Les autres ont pris des décisions qui ont modifié durablement la réorganisation de leur flotte et ne peuvent pas tout chambouler du jour au lendemain », précise-t-il. Qatar Airways, Emirates, Egypt Air, Pegasus Airlines ou encore Cyprus Airways pourraient entrer dans cette catégorie, qui ne devrait pas dépasser « 7 ou 8 compagnies ». Si la décision dans ce sens est prise, il faudra attendre quelques jours pour que les premiers vols soient assurés. Ce sera plus compliqué pour les compagnies du groupe Lufthansa, qui ont été frileuses depuis le début de la guerre de Gaza le 7 octobre 2023. Auprès de l'agence Reuters aujourd'hui à la mi-journée, le porte-parole de la compagnie Air France annonçait maintenir la suspension de ses vols vers Beyrouth jusqu'au 5 janvier.
Selon une source au sein d’une agence de voyage en Europe qui connaît bien le marché libanais, deux facteurs pèsent particulièrement lourd dans cette équation. « Il y a les coûts d’assurances et la frilosité qui domine parmi les pilotes et le personnel de bord, peu enthousiastes à l’idée de redesservir l’AIB, compte tenu des images qui leur sont parvenues de la guerre », explique-t-il. De fait, si certaines frappes ont eu lieu près de la zone de l’aéroport, située dans la banlieue sud de Beyrouth, aucune ne l’a directement ciblé et aucun vol opéré par la MEA depuis fin septembre n’a été menacé par Israël ou le Hezbollah. Selon les informations qui nous sont parvenues pendant ces deux mois de guerre, l'infrastructure a bénéficié des pressions de l'étranger pour empêcher tout incident dans cette zone.
Raymond Wehbé précise en outre que depuis le début de la guerre, les agences de voyages ont vu leur activité se contracter de l’ordre de 70 % à 80 % sur les deux derniers mois et d’environ 20 % sur l’ensemble de l’année. Ces derniers temps, elles vivaient en grande partie sur les réservations et les annulations faites par les entreprises. « Cette catégorie de clients fait des réservations par paquet à l’avance, quitte à les annuler à la dernière minute. Mais ce dont le secteur a besoin maintenant, c’est d'une véritable reprise, poussée par le tourisme. Et pour cela, il est encore beaucoup trop tôt pour se réjouir », conclut-il.
Sur les dix premiers mois de 2024, le nombre de passagers transitant par l’AIB (arrivées, départs et transit) a chuté de près de 20 %, atteignant 5,1 millions, selon les chiffres officiels. Le nombre de réservations au début de la saison touristique estivale, essentiellement porté par la diaspora, avait été encourageant, malgré la précarité de la situation sécuritaire liée à la guerre de Gaza et aux affrontements encore sporadiques entre le Hezbollah et Israël.