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L’Indépendance sous les bombes : quand le Liban en guerre célébrait le « 22 Novembre »

Attentat, affrontements armés, boycott, annulation de dernière minute, scènes de liesse : en quinze ans de guerre civile, la fête de l’Indépendance en a vu de toutes les couleurs.

L’Indépendance sous les bombes : quand le Liban en guerre célébrait le « 22 Novembre »

Un « barrage de paix et d’amour ». Beyrouth, le 21 novembre 1983. Archives L’Orient-Le Jour

Quelques minutes à peine se sont écoulées depuis que René Mouawad a clos la cérémonie au Sérail gouvernemental. Le président de la République, en poste depuis dix-sept jours, quitte Sanayeh à bord d’un véhicule officiel. La Mercedes blindée est un cadeau de Rafic Hariri. Il n’en restera qu’un « amas de ferraille ». Une charge d’explosifs disposée sur la route emporte le chef de l’État et 14 personnes avec lui. Ce 22 novembre 1989, la fête nationale a tourné au massacre. « Comme si l’attentat visait l’idée même d’indépendance », déplore L’Orient-Le Jour.

Alors que le Liban célèbre ce vendredi le 81e anniversaire de sa naissance, le bruit des bombes continue de rythmer le quotidien. Certains, de plus en plus rares, continuent de croire à l’idée. Beaucoup moquent une indépendance en carton. Même durant les années les plus noires de la guerre civile, les autorités, parfois les Libanais eux-mêmes, mettaient un point d’honneur à commémorer l’évènement. Si des incidents ont entaché la fête, les cérémonies officielles ont rarement été annulées. Retour sur l’historique d’une fête endeuillée.

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L’année du règlement

1975. Le premier anniversaire sous les bombes est marqué par le choc et la sidération. Il y a un an encore, le Liban célébrait l’occasion en grande pompe. Le 22 novembre 1974, l’ombre de la guerre plane déjà sur le pays. « 44 agressions israéliennes en 7 jours », déplore L’OLJ. À Baabda, le bottin mondain local défile dans le salon du président devant un Sleiman Frangié résolu à faire de « la santé, de l’éducation et de la défense » ses priorités. Douze mois plus tard, le pays déchante. La guerre civile a pris tout le monde de court. Cette fois, le président « renonce in extremis » au traditionnel message de l’Indépendance ». Pour la première fois, le 22 novembre est passé sous silence.

Durant les années qui suivent, le pays croit dur comme fer à la fin prochaine de la guerre. L’élection du président Élias Sarkis, en septembre 1976, et l’arrivée de 30 000 Casques verts de la Force de dissuasion Arabe ont regonflé les espoirs. L’anniversaire revêt « une signification nouvelle, celle de la paix retrouvée », clame le nouveau président. Ce dernier invite les Libanais à s’unir pour « construire un nouveau Liban ». Un an plus tard, la déception est là. « Le pseudo passeport pour l’indépendance que l’on décroche sur les chantiers de la mort, nous l’avons finalement obtenu : des cadavres par milliers, des ruines, la destruction d’un pays qui n’est plus qu’une grande plaie ouverte », écrit Amine Abou Khaled dans L’OLJ le 22 novembre 1977. Malgré tout, la parenthèse de la paix n’est pas complètement refermée. La violence a baissé d’un cran. « Rien n'altérera notre détermination à rétablir la sécurité et la légalité sur l’ensemble du territoire », affirme Élias Sarkis.

« Décrépit avant terme »

Si l’optimisme est là, il ne survivra pas aux mois suivants. En 1978, la cérémonie qui se tient traditionnellement à Baabda est annulée « en raison des circonstances », au lendemain de la « guerre des 100 jours » qui met aux prises l'armée syrienne et les milices chrétiennes. Elle est remplacée par une autre, à Yarzé. « Décrépit avant terme, le Liban n’aura pas connu l’âge adulte. De la patrie auberge au pays otage, on nous a fait brûler les étapes. Les étapes et le reste », écrit Issa Goraieb dans L’OLJ. Capitaine d’un navire en plein naufrage, Élias Sarkis continue d’affirmer que « le compte à rebours vers le dénouement a commencé ». Mais de moins en moins de Libanais y croient.

La fête de l’Indépendance, elle, ne disparaît pas. Un étalage de patriotisme envahit le pays le 22 novembre 1982. L’armée israélienne, qui a envahi le Liban jusqu’à Beyrouth durant l’été, occupe la moitié sud du pays. La droite chrétienne, qui vient de perdre son leader providentiel en la personne de Bachir Gemayel, et la gauche arabe, qui vient d’essuyer une lourde défaite face à l’État hébreu, sont en deuil. Pourtant, le pays festoie. Drapeaux, défilés, riz, eau de rose… les célébrations enflamment les rues. Le même jour à Baalbeck néanmoins, un incident augure de nouveaux troubles à venir : 500 miliciens khomeynistes, dont une majorité d’Iraniens, envahissent le Sérail, déchirent le drapeau libanais et brûlent les portraits du chef de l’État. Afin d’empêcher les célébrations, les combattants sillonnent les rues de la ville en saccageant les décorations et en tirant en l’air.

« Martyr de l’Indépendance »

C’est le début d’une séquence noire. Le 22 novembre devient l’otage de la guerre. « Symbole de l’identité nationale pour les uns, d’un pouvoir sectaire pour les autres », écrit L’OLJ. Le 22 novembre 1985, un « accrochage » a lieu entre les miliciens du Parti socialiste progressiste et ceux du mouvement chiite Amal de Nabih Berry, aidé de brigades de l'armée qui lui sont acquises. Les deux camps échangent roquettes et obus pendant plus de deux heures devant les locaux de Télé-Liban à Beyrouth. L’incident n’est pas isolé. Dans le village de Kaytoulé, près de Jezzine, des habitants boycottent la cérémonie organisée par l’Armée du Liban-Sud, supplétif de l’armée israélienne. Même l’État semble divisé sur la question : alors que le commandant de l’armée Michel Aoun convie les députés au défilé militaire à Yarzé, le vice-président du Parlement, Mounir Abou Fadel, s’y oppose frontalement. « Comment pouvons-nous célébrer le 22 novembre alors que notre territoire est occupé, que notre souveraineté est spoliée et que des dizaines de milliers de nos fils sont déplacés ? » s’indigne-t-il. La violence atteint son apogée en 1989. Outre l’assassinat du « martyr de l’Indépendance », le président René Moawad, trois kilos de TNT déboulonnent la statue de Pierre Gemayel, fondateur du parti Kataëb, à Bikfaya.

Des drapeaux et des portraits du président Amine Gemayel, à Beyrouth, le 22 novembre 1983. Archives L’Orient-Le Jour

Si les accords de Taëf et la perspective de paix ont désamorcé les tensions, le 22 novembre 1990 est celui du rendez-vous manqué. Des célébrations ont lieu dans tout le Liban. Mais la sécurité n’a pas été rétablie, notamment dans le Grand Beyrouth, où des opérations sont encore en cours. « Les séquelles de quinze ans de crises successives », déplore le président Élias Hraoui. Le véritable « festival de la paix » devra attendre l’année suivante. En 1991, un grand rassemblement est organisé à Beyrouth. Mais dans un Liban désormais sous tutelle syrienne, Raymond Eddé, amid (doyen) du Bloc national, fustige à partir de son exil parisien la « fête de l’occupation ».

Quelques minutes à peine se sont écoulées depuis que René Mouawad a clos la cérémonie au Sérail gouvernemental. Le président de la République, en poste depuis dix-sept jours, quitte Sanayeh à bord d’un véhicule officiel. La Mercedes blindée est un cadeau de Rafic Hariri. Il n’en restera qu’un « amas de ferraille ». Une charge d’explosifs disposée sur la route emporte le chef de l’État et 14 personnes avec lui. Ce 22 novembre 1989, la fête nationale a tourné au massacre. « Comme si l’attentat visait l’idée même d’indépendance », déplore L’Orient-Le Jour.Alors que le Liban célèbre ce vendredi le 81e anniversaire de sa naissance, le bruit des bombes continue de rythmer le quotidien. Certains, de plus en plus rares, continuent de croire à l’idée. Beaucoup moquent une indépendance en carton....
commentaires (3)

On aurait mieux fait de rester sous mandat francais plutot que d’avoir une indépendance bidon pour se retrouver occupés par l’entité « Palestinienne » , puis sous tutelle Syrienne , pour etre de nos jours sous la coupe d’une bande de voyous fanatisés defoncés au captagon qui s’auto proclament « resistance » et nous ont embarqués dans toutes les guerres de la region de la syrie à gaza en passant par le yemen

JPF

22 h 50, le 22 novembre 2024

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Commentaires (3)

  • On aurait mieux fait de rester sous mandat francais plutot que d’avoir une indépendance bidon pour se retrouver occupés par l’entité « Palestinienne » , puis sous tutelle Syrienne , pour etre de nos jours sous la coupe d’une bande de voyous fanatisés defoncés au captagon qui s’auto proclament « resistance » et nous ont embarqués dans toutes les guerres de la region de la syrie à gaza en passant par le yemen

    JPF

    22 h 50, le 22 novembre 2024

  • Quelle indépendance….

    Eleni Caridopoulou

    07 h 05, le 22 novembre 2024

  • Nous n ‘aurions jamais du prendre notre independance sur des bases religieuses et tribales ; on paie le prix tres cher depuis 1958….

    Robert Moumdjian

    06 h 13, le 22 novembre 2024

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