« Nous n’avons pas perdu espoir. Nous reviendrons bâtir le Liban, une fois nos études terminées. » Ce cri lancé par Charbel Sayyah, étudiant en 1re année de droit à l’Université d’Orléans, trouve de plus en plus d’écho auprès des étudiants libanais contraints de quitter le pays pour poursuivre leurs études. « Attention à ne pas croire que nous avons fui le Liban et que nous avons émigré », insiste fougueusement ce militant et activiste socio-politique pour la cause libanaise de 21 ans. « Nous l’avons quitté pour étudier et certainement pas pour rester à l’étranger. » Originaire du village lourdement bombardé par Israël d’Alma el-Chaab au Liban-Sud, Charbel parle avec beaucoup d’émotion de « ses parents restés au village pour défendre leur maison et leurs terres agricoles, et qui subissent aujourd’hui de plus en plus de pressions pour quitter le village ».
« Et c’est cela le plus terrible pour tous ces gens attachés à leur terre, qui paient le prix d’une guerre qu’ils n’ont pas voulue », dit-il amèrement. Alors Charbel réagit. Dans un premier temps, il répond à l’appel lancé par Notre-Dame du Liban à Paris pour récolter des vivres et des dons, manifeste dans les rues de Paris, mais comprend que sa bataille se situe à un autre niveau. Il rejoint le Comité de coordination libano-française (CCLF), créé en 2022, composé de jeunes Libanais en France qui ne sont affiliés à aucun parti. Avec d’autres étudiants libanais, ils multiplient leurs passages sur les plateaux des chaînes de télévision françaises et arabes, se rendent au Sénat pour parler du véritable problème libanais, expliquent au gouvernement français l’avenir du Liban tel que le souhaite la jeunesse libanaise et dénoncent cette classe de dirigeants corrompus qui ont conduit le pays à la dérive. « C’est comme cela que nous militons », explique le jeune homme en racontant le combat que de plus en plus d’étudiants mènent pour faire entendre leurs voix. A-t-il encore espoir dans le pays ?
« Certainement, répond-il sans hésiter. C’est mon pays, ma terre, et personne ne pourra nous le prendre. La plupart des jeunes qui sont partis aspirent au même rêve : revenir bâtir le Liban. Et ils savent qu’ils vont y arriver. » À l’instar de Charbel, Marc Morcos, doctorant et chargé d’enseignement à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, fait également partie de ces jeunes activistes qui militent au sein du comité du CCLF et qui refusent de s’avouer vaincus. « Nous sommes tous des jeunes qui croient à la nécessité de fédérer le travail à la fois au Liban et à l’étranger », explique Marc. « Nous étions conscients depuis déjà quelques années qu’il fallait faire bouger les choses pour éviter le pire. Malheureusement, le pire est arrivé. Mais plus que jamais, nous continuerons à nous battre pour défendre les institutions, la prospérité et la souveraineté du pays », martèle-t-il fermement. Pour mener le combat, ils organisent des activités « ciblées, radicales, qui font mal, pas dans le sens de troubles ou d’échauffourées », précise Marc, mais plutôt « dans le sens d’une vraie prise de conscience et du vrai problème, auprès des autorités françaises certes, mais également auprès de la communauté libanaise et de l’opinion publique ». « Le
vivre-ensemble est inévitable, insiste-t-il. Nous savons que ce n’est pas un espoir qui se matérialisera dans les deux prochains mois, et que la politique n’est pas une fin en soi. » Si Marc admet que « tous ces jeunes sont certes très concernés parce qu’ils ont encore de la famille au Liban », il avoue « qu’ils sont surtout inquiets pour leur pays qui va à la dérive ». Et d’ajouter : « Ne croyez pas que si nous avions eu une opportunité de travailler et de vivre au Liban, nous aurions quitté notre famille, nos amis, nos racines et notre terre. Aucun ne l’a fait de son plein gré. Nous y avons été forcés pour étudier. Nous vivons dans l’espoir qu’un jour nous reviendrons dans notre pays pour l’aider à se relever et le reconstruire sur de nouvelles bases. Et nous sommes plus que jamais déterminés à le faire. »
Réagir face au chaos
Lorsque Anthony Trad parle de « ce pays qu’il aime par-dessus tout », sa voix est empreinte d’émotion. « Voir mon pays dans cet état ancre en moi une rage qui a besoin de se manifester », s’écrie le jeune homme de 21 ans, qui poursuit ses études en science politique à la London School of Economy à Londres. « Je suis certes dégoûté et découragé, comme beaucoup de Libanais aujourd’hui, mais je ne peux pas rester les bras croisés alors que mon pays et ma famille sombrent dans le chaos le plus total. » Membre de la Lebanese Society de son université, très connue à Londres, Anthony décide alors de réagir « non pas en manifestant dans les places et les rues comme le font beaucoup de jeunes », mais à travers des articles qu’il publie à l’université sur le Liban, qui sont porteurs de beaucoup d’espoir et mettent en avant la vraie histoire du Liban et de la région. Il donne également des discours au sein de son université, adressés à « tous ces jeunes, tristes, écœurés, qui se sentent impuissants et pensent qu’ils ne peuvent plus rien faire pour le Liban ». Il leur redonne espoir, les pousse à agir et leur montre que chacun, à sa façon, selon sa spécialisation et les connaissances qu’il a, peut encore changer les choses au Liban. « J’ai été très ému par tous ces jeunes qui étaient complètement découragés et qui, à la fin de mon discours, m’ont remercié parce que je leur avais montré que rien n’est perdu, et qu’ils peuvent agir. Je crois qu’ils avaient besoin d’entendre cela, parce qu’ils étaient au fond du gouffre, complètement désespérés. Aujourd’hui, ils ont repris espoir et c’est cela qui est formidable », confie-t-il. Le 28 novembre, Anthony sera le modérateur d’une conférence qu’il a lui-même organisée, dans le cadre de la Lebanese Society, avec l’ambassadeur du Liban à Londres, « sur la guerre, sur ce conflit, mais surtout sur ce que peuvent entreprendre les jeunes face à ce conflit ». « Avec tout ce qui se passe et l’ampleur des réseaux sociaux qui partagent sans cesse des images et des horreurs de pays qui subissent la guerre sans avoir rien demandé, il y a toute une génération de jeunes, ces décideurs de demain, choqués de voir tout ce qui se passe et révoltés de cette injustice envers leur peuple, qui vont grandir avec un terrible sentiment de révolte et d’injustice. Ce sont eux que l’on cherche à toucher pour les pousser à être des acteurs actifs et non pas passifs face à toutes ces injustices », conclut-il.
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Bravo! A un groupe de jeunes qui me demandait: "Y a-t-il encore un espoir pour le Liban?", j'avais répondu: "Oui! Bien sûr! Et cet espoir, c'est vous!".
08 h 25, le 21 novembre 2024