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Nos Lecteurs ont la Parole

Les enfants en danger : leçons tirées du conflit au Moyen-Orient !

Les enfants en danger : leçons tirées du conflit au Moyen-Orient !

À Mreijeh, dans la banlieue sud de Beyrouth, fin septembre. Anwar Amro/AFP

Nos enfants sont en danger, et le monde regarde. Chaque jour, des vies innocentes sont perdues ou gravement affectées parce que nous n’avons pas fait assez pour les protéger. Les enfants sont pris dans le feu croisé de guerres qu’ils n’ont pas commencées. Voici l’histoire de trois enfants vivant à proximité, séparés par une mince frontière, partageant le ciel bleu qui était autrefois paisible et infini, la terre de leurs ancêtres, la haine et l’horreur de leurs pairs.

Zahra, une petite fille, pas plus âgée que 7 ans, serrant fermement une poupée usée alors que le son des balles résonne à proximité. Ses yeux sont grands ouverts de peur, son petit corps tremble de froid et de faim. Elle ne comprend pas pourquoi son monde s’effondre, pourquoi les adultes autour d’elle ne peuvent pas la protéger. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle a peur. Elle a quitté son domicile avec sa famille, empruntant les rues vers une destination inconnue.

Omar n’avait que huit ans lorsque son monde a changé à jamais. Il se souvient des matins paisibles dans son village : l’odeur du pain frais que sa mère cuisinait, les rires de ses amis jouant au football dans les rues poussiéreuses et la chaleur de la voix de son père racontant des histoires de leurs ancêtres au coin du feu. La vie, bien que simple, semblait pleine d’amour et de sécurité. Mais tout a changé une nuit. « Omar, nous devons partir, maintenant ! » Tiré de son lit, il a rejoint sa famille dans une longue file de personnes se dirigeant vers un avenir incertain.

Zahra et Omar ont tous deux atteint un refuge bondé et bruyant, rempli de personnes ayant perdu leur foyer. Des abris privés des besoins élémentaires : pas d’électricité, pas d’eau, pas de toilettes, même pas de matelas, une scène catastrophique qui les a choqués, attendant en vain chaleur et assurance de leurs parents… « Je veux rentrer chez moi », ont-ils tous deux crié !

Aaron, 8 ans, a entendu pour la première fois une sirène d’alerte aérienne, qui est ensuite devenue une partie de sa vie. Il n’était pas sûr de quand la guerre avait commencé. Le cri soudain et fort l’a figé sur place. Son cœur s’est mis à battre la chamade et ses mains tremblaient. Sa mère est entrée dans la pièce, le prenant dans ses bras tout en appelant sa sœur à le rejoindre. Ils ont couru vers le refuge, la porte se fermant derrière eux. Le père d’Aaron, qui n’était pas à la maison, a appelé du travail pour s’assurer qu’ils étaient en sécurité. Mais même dans le refuge Aaron pouvait entendre les grondements lointains des roquettes qui frappaient le sol, parfois interceptées par le Dôme de fer, mais parfois non.

Cependant, malgré leur provenance de trois régions voisines, Zahra, Aaron et Omar exprimaient les mêmes sentiments.

Confusion : pourquoi la guerre se déroule-t-elle, et cette confusion ajoute à leur anxiété. Pourquoi cette cruauté entre des personnes qui partagent le même Dieu, pourquoi cette haine ancestrale qui dépasse les droits et la dignité de l’être humain ? Leurs croyances en une religion pacifique sont désormais remises en question ! Ils sont gravement ébranlés par ces événements.

Peur : en effet, la menace constante de la violence et l’incertitude de la vie les laissent craindre de perdre leurs familles, leurs amis et leur terre.

Solitude : malgré le fait d’être entourés d’autres enfants, ils se sentent isolés. Leur monde a été bouleversé, et ils ont l’impression que personne ne comprend vraiment la profondeur de leur douleur. Les visages familiers de leurs villages, villes, rues ont disparu, et même s’ils rencontrent de nouveaux amis, chacun lutte avec ses propres pertes.

Espoir : ils rêvent d’un avenir où ils peuvent rentrer chez eux, où ils peuvent revoir leurs familles, leurs amis, et où la guerre n’est qu’un lointain souvenir. Cet espoir est ce qui les pousse à avancer, même lorsque les jours semblent longs et lourds de tristesse.

Mais Zahra, Omar et Aaron ne sont pas conscients des effets délétères de cette guerre sur toute leur vie. Leur éducation est malheureusement perturbée par leur environnement. Maintenant, avec les phénomènes épigénétiques qui façonnent leur phénotype, ils pourraient se retrouver dans une situation préoccupante. Les impacts de la guerre s’étendent à leurs dimensions mentale, physique, sociale et économique, façonnant souvent le cours de leur vie et celui des générations futures. Même si les facteurs épigénétiques peuvent disparaître avec les grossesses à venir, il y a toujours une chance de transmettre certaines mauvaises comportements et cognitions de génération en génération.

Zahra, Omar et Aaron sont soumis à des effets délétères de la guerre.

1- Traumatismes psychologiques et santé mentale : l’un des effets les plus immédiats et dévastateurs de la guerre sur les enfants est le traumatisme psychologique résultant de l’exposition à la violence, à la mort et à la destruction, par exemple : le trouble de stress post-traumatique, l’anxiété, la dépression, les problèmes d’attachement et les retards de développement.

2- Perturbation de l’éducation : la guerre force souvent les enfants à abandonner leur éducation, entraînant un effet qui impacte leur avenir, comme par exemple la fermeture d’écoles, les interruptions de l’apprentissage, le manque de ressources éducatives...

3- Dommages physiques et problèmes de santé : la guerre expose les enfants à un danger physique, directement et indirectement, des blessures, la malnutrition, les maladies, sans oublier les enfants soldats.

4- Déplacement et crises des déplacés : la guerre oblige souvent les familles à fuir leurs foyers, entraînant des déplacements et des crises qui ont de graves conséquences pour les enfants, comme par exemple la perte de maison et de communauté, le manque d’accès aux besoins fondamentaux, isolement social…

5- Perte de la famille et des structures sociales : la guerre déchire souvent les familles et perturbe le tissu social dont les enfants dépendent pour la sécurité et l’orientation.

6- Impact économique et pauvreté : les conséquences économiques à long terme de la guerre peuvent piéger les enfants et les générations futures dans des cycles de pauvreté, comme par exemple la perte de moyens de subsistance, le travail des enfants...

7- Exposition à la violence et normalisation du conflit : les enfants qui grandissent dans des zones de guerre sont souvent désensibilisés à la violence, ce qui peut avoir des effets à long terme sur leur vision du monde et leur comportement, comme par exemple la normalisation de la violence, l’agressivité et des problèmes comportementaux.

8- Impact sur les générations futures : les effets de la guerre ne s’arrêtent pas aux enfants directement touchés ; ils se propagent aux générations futures.

S’attaquer à ces impacts nécessite non seulement une aide humanitaire immédiate, mais aussi des investissements à long terme dans la santé mentale, l’éducation et la construction de la paix pour garantir que les enfants et les générations futures disposent du soutien dont ils ont besoin pour guérir et se reconstruire.

Les leçons tirées de l’histoire de ces trois adorables enfants appellent à une action. Néanmoins, pouvons-nous balayer les griefs historiques profondément enracinés, et les conflits, le pouvoir politique, les régimes autoritaires, la politique interne, les intérêts économiques, le profit de la guerre, le contrôle des ressources, le pillage, les divisions ethniques, religieuses et idéologiques, l’implication internationale et la géopolitique, et tant d’autres facteurs qui sont malheureusement incontrôlables ? J’en doute vraiment !

Cependant, pour moi en tant que pédiatre, la guerre est une contradiction déchirante. D’une part, je suis poussé par un profond engagement à protéger et à prendre soin des enfants, à guérir les innocents. D’autre part, je suis confronté à la destruction écrasante de jeunes vies, à l’impuissance de ne pas pouvoir sauver tout le monde, et à la colère face à un monde qui permet une telle souffrance.

Pourtant, même au milieu de cette tragédie, nous, pédiatres, trouvons souvent des moments d’espoir et de résilience. Ce sont les petites victoires : une vie sauvée, un enfant réconforté, une famille réunie, qui nous motivent. À travers notre compassion, notre détermination et notre engagement indéfectible, nous rappelons que même dans les moments les plus sombres, il y a encore de l’humanité, de l’amour et la possibilité de guérir. Nous sommes ici pour assurer les droits et la dignité de chaque enfant, de tous les âges et partout. Continuons d’avancer sans abandonner. Le monde n’est pas sûr pour nos enfants, ensemble nous éclairerons le chemin vers un avenir meilleur.

Président élu de l’Association internationale de pédiatrie, Liban

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Nos enfants sont en danger, et le monde regarde. Chaque jour, des vies innocentes sont perdues ou gravement affectées parce que nous n’avons pas fait assez pour les protéger. Les enfants sont pris dans le feu croisé de guerres qu’ils n’ont pas commencées. Voici l’histoire de trois enfants vivant à proximité, séparés par une mince frontière, partageant le ciel bleu qui était...
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