Deux diplomates qui s’étaient succédé à la tête de l’ambassade du Liban au Qatar entre 2003 et 2019 ont fait l’objet d’un acte d’accusation rendu le 7 novembre par le juge d'instruction de Beyrouth, Assaad Bayram, dans une affaire de détournement de fonds au sein de l'ambassade. Le premier, Hassan Saad, est accusé de détournement de fonds publics et de négligence professionnelle, tandis que son successeur, Hassan Najm, est suspecté de cette dernière infraction.
Le détournement de fonds publics est passible de trois ans d’emprisonnement (article 359 du code pénal), tandis qu’un manquement aux obligations de la fonction est punissable de deux ans de prison ou d’une amende (article 373), ou des deux sanctions à la fois.
C’est dans le sillage de poursuites engagées en septembre 2019 par le procureur général financier, Ali Ibrahim, contre un ancien comptable de l’ambassade, Ahmad Fawaz, pour une affaire de détournement de deux millions de dollars et de faux, et usage de faux, que le juge Bayram a été chargé d’examiner les dossiers liés aux deux ambassadeurs.
Le trou financier était apparu après que le ministère des Affaires étrangères avait demandé à l'ambassade du Liban au Qatar de transférer la somme de 2 millions de dollars pour l'achat de bureaux à la mission permanente du Liban auprès des Nations Unies, à New York. Il s'était avéré que la somme n'était pas disponible, l’ambassadeur du Liban à Doha, Hassan Najm (en poste de 2013 à 2019), ayant signifié au ministère qu'Ahmad Fawaz lui avait avoué avoir détourné la somme de 2 millions. Le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Hani Chmaytelli, avait alors chargé une commission d’experts de mener au Qatar une enquête sur les comptes de la mission libanaise, à l’issue de laquelle le parquet financier avait lancé des poursuites à l’encontre de Fawaz. Ce dernier, qui est jugé actuellement devant la Cour criminelle de Beyrouth, avait fait l’objet d’investigations conduites par un autre juge d’instruction de Beyrouth, Georges Rizk, au cours desquelles le comptable avait mis en cause Hassan Saad, ambassadeur de 2003 à 2013. Il y a dix-huit mois, le ministère s’était adressé au département du Contentieux de l’État qui a alors présenté devant le juge Bayram une action directe contre le diplomate, mais aussi contre son successeur, sous le mandat duquel les montants détournés s’étaient avérés plus importants.
Le juge d’instruction avait alors mené une large enquête au cours de laquelle il a interrogé Ahmad Fawaz en tant que témoin et non suspect, car faisant l’objet d’un procès devant une autre instance. Il avait, en outre, entendu d’autres employés de l’ambassade, ainsi que Hassan Saad, mais aussi Hassan Najm. Actuellement à la retraite, ces deux derniers n’avaient pas manqué aux audiences, sachant que lorsque M. Saad était convoqué, il faisait le déplacement à partir des États-Unis où il réside.
Modus operandi
Selon une source judiciaire, l’enquête avait révélé qu’Ahmad Fawaz falsifiait des reçus émis au nom de l’ambassade du Liban à Doha, pour des sommes provenant de taxes consulaires. Après avoir déposé les chèques auprès de la banque traitante, il manipulait ainsi les relevés bancaires en y inscrivant des montants inférieurs. Ce sont ces copies truquées qu’il faisait signer à Hassan Saad, ce qui lui permettait de s’emparer de la différence entre les deux valeurs.
Le même modus operandi s’était poursuivi lorsque Hassan Najm avait accédé au poste d’ambassadeur, ce dernier approuvant, à son tour, les fausses sommes qui lui étaient soumises.
Ce sont ces manquements à l’obligation de vérifier la collecte des taxes consulaires et leur dépôt dans la banque traitante que le juge Bayram a qualifiés de négligence professionnelle. « La faute des deux ambassadeurs consiste à ne pas s’être assurés que les relevés bancaires qu’ils signaient étaient des originaux et non des copies », commente, via L’Orient-Le Jour, un juge souhaitant rester anonyme.
Outre sa négligence professionnelle présumée, Hassan Saad a soulevé les soupçons du juge Bayram du fait que durant son mandat, des comptes sous le nom « Ambassade du Liban - Diaspora libanaise » avaient été ouverts pour recevoir et utiliser des dons sans l'accord et le contrôle de l’administration centrale. Il est apparu que le diplomate couvrait des comptes déficitaires de l’ambassade avec des fonds provenant de ces comptes ou encore de ses comptes personnels. De tels agissements ont conduit le juge d’instruction à présumer que Hassan Saad avait détourné des fonds d’une valeur bien plus importante que les montants qu’il versait de ses propres deniers pour compenser les brèches dans les comptes de l’ambassade.
Selon l’acte d’accusation dont L’OLJ a consulté une copie, Hassan Saad a transféré, à la fin de son mandat (2013), des fonds d’une valeur de 678 928 dollars des comptes de l'Ambassade du Liban - Diaspora libanaise vers le compte d’une école libanaise, puis vers un compte privé.
Lors de ses interrogatoires, Hassan Saad avait nié les accusations portées contre lui. Hassan Najm avait fait de même, affirmant, toujours selon l’acte d’accusation, que « malgré le fait qu'il ait exercé ses fonctions en tant qu'ambassadeur, il avait refusé de signer le procès-verbal de remise et de réception, en raison de réserves concernant notamment les activités de l'ambassade ».
La décision du juge Bayram est susceptible d’appel devant la Chambre d’accusation de Beyrouth. Ce n’est que si cette instance rend un arrêt dans le même sens que les deux ambassadeurs mis en cause seraient déférés devant un des juges pénaux uniques de Beyrouth.
La justice libanaise...? La même qui refuse d'impliquer les propriétaires des banques, qui eux, dont les actes sont des faits constitués, ne sont en aucun cas inquiétés? Iniques et corrompus, le mot justice ne fait pas partie de leurs dictionnaire.
08 h 08, le 14 novembre 2024