Au cours de l’année écoulée, les appels à des sanctions internationales contre Israël se sont intensifiés en réponse aux violations continues dans la bande de Gaza et au Liban. Alors que les sanctions se posent de plus en plus comme un moyen de pression politique et juridique, une question cruciale se dessine : les sanctions internationales peuvent-elles vraiment responsabiliser Israël ? Quels obstacles juridiques et politiques entravent leur application ?
Ce texte explore les sanctions internationales à travers les résolutions du Conseil de sécurité, les avis de la Cour internationale de justice ainsi que les sanctions unilatérales et d’autres mécanismes de pression internationale visant Israël.
Comment les sanctions internationales pourraient-elles être imposées à Israël ?
Les sanctions internationales constituent des outils utilisés par des États ou des organisations internationales pour contraindre un État à respecter le droit international ou pour limiter les violations des droits humains. Elles peuvent inclure des embargos sur les armes, des gels d’avoirs ou des restrictions économiques et commerciales.
Une voie possible pour imposer des sanctions à Israël est celle du Conseil de sécurité des Nations unies, conformément aux chapitres VI ou VII de la Charte des Nations unies. Le chapitre VI, qui traite des règlements pacifiques des différends, permet d’isoler politiquement ou économiquement un État qui refuse de se conformer au droit international. Bien que ce chapitre n’autorise pas l’usage de la force militaire, il offre la possibilité d’une pression économique et diplomatique pouvant inciter Israël à cesser ses violations. Cependant, les défis politiques, notamment le double veto de membres permanents tels que les États-Unis, peuvent ralentir l’adoption de telles sanctions.
Le chapitre VII, en revanche, autorise l’usage de la force en cas de menace contre la paix et la sécurité internationales. Bien que ce recours semble improbable dans le contexte israélo-palestinien, la menace de sanctions économiques sévères pourrait exercer une pression significative, notamment si les violations atteignent le niveau de crimes internationaux, comme les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité.
L’Union européenne et d’autres organisations régionales peuvent-elles imposer des sanctions à Israël ?
Certaines organisations régionales, telles que l’Union européenne ou l’Union africaine, possèdent l’autorité d’imposer des sanctions indépendamment du Conseil de sécurité. Dans le cas de l’Union européenne, partenaire commercial majeur d’Israël, des sanctions économiques pourraient exercer une pression significative.
Les sanctions unilatérales, imposées individuellement par des États sans mandat du Conseil de sécurité, constituent également un outil puissant de pression politique et économique. L’Union européenne, par exemple, pourrait suspendre certains privilèges commerciaux ou limiter sa coopération militaire avec Israël.
Quant à la Cour internationale de justice (CIJ), elle joue un rôle essentiel dans la légitimation des actions internationales contre les États. Bien qu’elle ne puisse imposer elle-même de sanctions, la CIJ émet des avis consultatifs contraignants pour l’ONU. En 2004, par exemple, la CIJ a jugé illégale la construction par Israël du mur de séparation en Cisjordanie, sans que ce jugement soit suivi de sanctions. En juin 2024, la CIJ a rendu un avis historique ordonnant le démantèlement des colonies et le retour des Palestiniens déplacés vers les terres de 1967.
Par ailleurs, ces dernières années, les appels à la responsabilité des entreprises participant aux violations israéliennes se sont multipliés. Les entreprises fournissant des équipements ou des services permettant des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou même un génocide pourraient faire l’objet de sanctions. Les entreprises de télécommunications, de construction ou de logiciels renforçant le contrôle militaire sur les Palestiniens pourraient être sujettes à des poursuites et sanctions internationales.
Le principal obstacle à l’usage des sanctions contre Israël réside dans l’équilibre entre droit et politique. Juridiquement, les preuves de violations commises par Israël à Gaza et au Liban, comme les bombardements aveugles contre des civils, peuvent être qualifiées de crimes de guerre. Cependant, le soutien politique dont bénéficie Israël de la part de grandes puissances, notamment les États-Unis, rend l’application de sanctions internationales difficile.
La Cour pénale internationale (CPI) pourrait jouer un rôle central dans la responsabilisation d’Israël pour les crimes commis à Gaza et au Liban. En 2021, la CPI a ouvert une enquête sur les crimes de guerre dans les territoires palestiniens occupés, y compris Gaza. Cependant, en l’absence de soutien de certains États, la CPI rencontre des défis pour faire appliquer ses décisions. En mai 2024, le procureur de la CPI a même demandé des mandats d’arrêt internationaux contre Netanyahu et Gallant, mais des interventions politiques ont rapidement suivi.
Les sanctions peuvent-elles être efficaces ?
Historiquement, les sanctions internationales ont montré des résultats mitigés. Par exemple, les sanctions contre l’Iran et la Corée du Nord n’ont pas abouti à des changements politiques profonds, bien qu’elles aient affaibli leurs économies et accru leur isolement. Dans le cas d’Israël, la dépendance au commerce international et aux relations diplomatiques avec l’Occident pourrait amplifier l’impact de sanctions économiques.
De même, les sanctions internationales peuvent cibler des individus et non seulement des États. Le gel des avoirs et les interdictions de voyage sont des moyens de pression pour responsabiliser les responsables israéliens impliqués dans des décisions militaires ou politiques favorisant les violations des droits humains. Ces sanctions pourraient aussi s’étendre aux entreprises soutenant directement ou indirectement ces violations, renforçant ainsi l’impact de la pression internationale.
À la lumière des défis juridiques et politiques actuels, l’imposition de sanctions internationales contre Israël pourrait rencontrer des obstacles majeurs. Cependant, les sanctions demeurent un outil crucial pour rappeler l’importance du respect du droit international. La question reste ouverte : la communauté internationale saura-t-elle dépasser les calculs politiques pour appliquer des sanctions à Israël ? Ces sanctions suffiront-elles à limiter les violations à Gaza et au Liban ?
Ibrahim CHAHINE
Doctorant en droit et enseignant
Université Paris Panthéon-Assas
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