Le député Ibrahim Kanaan, président de la commission parlementaire des Finances et du Budget, a estimé mardi que le projet de budget de 2025, envoyé au Parlement par le Conseil des ministres et qui table sur une croissance pour 2024 et 2025, devait être revu du fait de l'offensive israélienne en cours au Liban, pays déjà en grave crise économique depuis 2019.
Dans un entretien accordé à la radio Voix du Liban, M. Kanaan, a indiqué que « nous n'avons pas encore été officiellement informés du contenu du projet de budget 2025 », bien qu’il ait été « approuvé par le Conseil des ministres et transmis dans les délais constitutionnels au Parlement ». Ce texte avait été approuvé le 23 septembre, après avoir été envoyé par le ministre sortant des Finances, Youssef Khalil, au Conseil des ministres, le 30 août.
Une fois transmis au Parlement, la commission des Finances et du Budget doit, en théorie, s’y pencher à partir du 15 octobre, soit dès le début de la session parlementaire d’octobre. Par la suite, une fois que la version définitive du projet de budget amendé par cette commission est prête, la présidence du Parlement convoque une ou plusieurs séances plénières pour le voter, article par article. Cela doit théoriquement être fait avant le 31 décembre. Les députés doivent aussi en principe voter au préalable les lois qui clôturent les comptes de l’année en cours, une obligation qui n’est plus respectée depuis des décennies.
Lors de ce même entretien, le député a relevé le fait que le budget de 2025 a été préparé avant l’intensification de l'offensive israélienne sur le Liban depuis le 23 septembre dernier, ce qui nécessite une révision des recettes et des dépenses, de façon à « prendre en compte les priorités du Liban après la guerre, dont les frais de déplacement, d'hospitalisation, des soins médicaux », entre autres. Ibrahim Kanaan a par la suite indiqué être en contact avec le président du Parlement, le Premier ministre sortant, le ministre sortant des Finances et le gouverneur de la Banque du Liban, afin que « le gouvernement apporte les changements nécessaires au budget 2025 » et pour éviter qu’il y ait un déséquilibre financier compte tenu des circonstances actuelles.
Le projet de budget approuvé par l’exécutif contient des chiffres légèrement différents de ceux présentés dans le projet de budget initial. Selon le préambule du texte, ce document table sur un équilibre financier avec 445 214 milliards de livres libanaises de recettes et de dépenses (plus de 4,97 milliards de dollars). Si le texte précédent affichait lui aussi un équilibre financier, il présentait des recettes et des dépenses équivalentes à près de 427 695 milliards de livres libanaises (soit plus de 4,77 milliards de dollars). Ce montant était déjà en hausse de 39 % par rapport aux 308 435 milliards de livres votés par les députés en 2024 (environ 3,83 milliards de dollars).
Croissances positives en 2024 et 2025
Le préambule, envoyé au Parlement le 31 octobre et dont L’Orient-Le Jour a pu consulter une copie, mise sur la stabilisation du taux de change de la monnaie nationale à 89 500 livres pour un dollar pour l’exercice 2025, et adopte cette parité dans ses calculs. En plus, ce texte note que le ministère des Finances s’attend à une inflation de 4,5 % pour 2025. Cela marque un net ralentissement comparé à trois années successives d’inflation à trois chiffres entre 2021 et 2023 (154,8 %, 171,2 %, et 221,3 % respectivement), et à une inflation qui devrait rester à deux chiffres en 2024, suite à la stabilisation du taux de change.
Parmi les autres indicateurs économiques mentionnés dans ce préambule, le ministère des Finances s’attend à une croissance positive du PIB de 1 % pour 2024 avec 26,47 milliards de dollars, et de 5 % pour 2025 avec un PIB de 27,8 milliards de dollars. Ces estimations contredisent toutefois celles formulées par certaines organisations mondiales. Si la Banque mondiale évite de se prononcer pour 2025, elle se contente de tabler une sur contraction de 1 % du PIB libanais en 2024 (une estimation valable à fin juin, avant l’intensification de la guerre israélienne au Liban). Il y a quelques semaines, l’Institut de la finance internationale, une organisation regroupant plusieurs centaines de grandes banques dans le monde, a publié un rapport tablant sur une contraction de 7 % en 2024 et d’au moins 10 % en 2025.
Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) est encore plus pessimiste. Dans sa première évaluation rapide de l'impact économique sur le Liban, publiée le 23 octobre, il prévoit une baisse de 9,2 % du PIB en 2024 si le conflit se poursuit jusqu'à la fin de l'année, alors que l'agence onusienne espérait une croissance de 3,6 % de l'économie libanaise en 2024, avant que la guerre n'éclate. En ce qui concerne les années à venir, le PNUD estime que même si le conflit prenait fin d'ici à la fin de l'année, l’économie libanaise pourrait souffrir de contractions de 2,28 % en 2025 et de 2,43 % en 2026, si le pays ne bénéficiait pas de soutien international important.
Cette estimation pour 2024 est aussi partagée par Jihad Azour, directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale au Fonds monétaire international (FMI), qui indiquait fin octobre à des journalistes à Dubaï que des estimations « conservatrices » font état d'une contraction de 9 à 10 % cette année. « L'impact (sur le Liban) sera sévère et dépendra de la durée du conflit », a-t-il aussi déclaré. À noter que le FMI n'a pas publié de prévision de croissance pour le Liban.