
Le panache de fumée noire émanant de la série de raids de l’aviation israélienne du 4 octobre à minuit, sur la banlieue sud de Beyrouth. Mohammad Yassine/L’OLJ
La plupart des Beyrouthins ont sans doute ce bruit sourd encore gravé dans leur mémoire. Deux semaines très exactement après la première salve ayant touché le bunker où se trouvait Hassan Nasrallah, l’aviation israélienne a largué vendredi à minuit pile sur la banlieue sud de Beyrouth une nouvelle cargaison de plusieurs dizaines de « bunker busters », des bombes conçues pour exploser après avoir pénétré profondément dans le sol.
Ces déflagrations saccadées, qui font trembler les murs à des kilomètres à la ronde, donnent également lieu à des panaches de fumée de grande ampleur témoignant de la puissance des explosifs employés. Selon l’armée israélienne, pas moins de « 80 tonnes » d’explosifs ont été larguées le 27 septembre par huit avions de type F-15 sur au moins quatre immeubles résidentiels d'au moins sept étages. Une opération sans précédent au Liban lancée dans le but d’assassiner le chef du Hezbollah, alors situé dans un bunker enfoui à près de 30 mètres de profondeur, faisant dans le même temps plus d’une centaine de victimes civiles, d’après les estimations du ministère libanais de la Santé.
Le précédent de Gaza
Il existe plusieurs sortes de « bunker busters », comme ces armes sont appelées dans le jargon militaire, et l’armée israélienne n’a pas communiqué officiellement sur le type de munitions employées. Toutefois, plusieurs éléments suggèrent que les bombes utilisées ce jour-là, et peut-être vendredi dernier, par l’aviation israélienne contiennent une petite charge radioactive : de l’uranium appauvri.
Alors que de sérieux doutes ont émergé ces derniers jours concernant une éventuelle radioactivité de ces bombardements israéliens, le professeur Raïf Reda, président de l’Association libanaise de médecine sociale, a appelé à « prélever des échantillons sur les sites de bombardement et à envoyer des rapports aux Nations unies afin que le monde puisse voir l’histoire criminelle et sanglante de l’ennemi sioniste », selon des propos rapportés par l’Agence nationale d’information (ANI).
Comme le précise le New York Times, une vidéo publiée par l’armée israélienne montrant le décollage de l’escadron chargé de mener ce raid du 27 septembre atteste que ces appareils étaient équipés chacun de six missiles de type « BLU-109 ». De fabrication américaine, ces munitions pèsent un peu moins d'une tonne (2000 livres) chacune selon l’article, et sont dotées d’un kit appelé « JDAM » (joint direct attack munitions), un système de guidage de précision qui se fixe sur les projectiles.
Sans confirmer le type de munitions utilisées, deux hauts responsables sécuritaires israéliens ont confirmé au journal américain que « plus de 80 bombes » avaient été larguées sur une période de quelques minutes pour tuer Hassan Nasrallah.
D’après un rapport de l’US Naval Institute, le type d’explosifs les plus courants contenus à l’intérieur de ces missiles sont des bombes répondant à l’appellation « GBU-31 ». Ces munitions guidées sont connues pour leur capacité à pénétrer des structures en béton ou en acier hautement renforcées grâce à une coque composée d’uranium appauvri (UA), utilisé en raison de sa forte densité qui permet de renforcer la résistance des bombes après l’impact au sol.
L’utilisation de cette sorte particulière d’armement à Beyrouth est d’autant plus crédible que l’armée israélienne a déjà été épinglée sur le sujet en juin dernier dans sa guerre dans la bande de Gaza. Dans un rapport remis à la Commission des droits de l’homme des Nations unies, les éléments recueillis documentent le largage de bombes de type GBU-31, GBU-32 et GBU-39 sur au moins six frappes distinctes menées par l’aviation israélienne sur des bâtiments résidentiels, une école, des camps de réfugiés et un marché, entre le 9 octobre et le 2 décembre 2023.
En mai, l'administration Biden avait annoncé avoir suspendu un envoi de ces bombes pesant près d'une tonne vers Israël en raison des « inquiétudes concernant la sécurité des civils à Gaza ».
Effets pathogènes et mortels
Bien que l’uranium appauvri ne soit pas aussi radioactif que son homologue enrichi utilisé dans les armes nucléaires, il reste légèrement radioactif et peut libérer des particules dangereuses au moment de l’impact, contaminant ainsi les populations et les sols exposés à ces faibles radiations. « Lorsque l’uranium est inhalé ou ingéré avec des aliments et des boissons, ses effets pathogènes et mortels se manifestent pleinement. Lorsqu’il pénètre dans l’organisme, il est absorbé par le sang, qui le transporte vers les organes (...) et peut entraîner des problèmes respiratoires et des risques pour les reins. Il peut aussi atteindre un enfant à naître via le placenta », détaille un rapport publié par l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW). Les caractéristiques de l’UA et ses conséquences pour la santé humaine et l’environnement sont plus largement documentées dans un rapport publié par la Commission européenne en 2010.
C’est pourquoi plusieurs résolutions appelant à l’adoption d’un moratoire sur l’utilisation des armes à l’uranium appauvri ont déjà été adoptées par l’Assemblée générale de l’ONU et le Parlement européen. La dernière en date remonte à 2022, alors que ce type d’armes est également utilisé dans la guerre en Ukraine, que ce soit par l’armée russe ou l’armée ukrainienne. Néanmoins, aucun traité réglementant – et encore moins interdisant – l’utilisation de ces armes à l’UA dans un cadre militaire n’existe à ce jour.
Celles-ci ont par ailleurs été employées lors de l’invasion américaine de l’Irak en 2003. D’après un rapport de l’US Air Force Central Command sur cette campagne militaire, les forces aériennes américaines avaient utilisé un total de 24 bombes GBU-24 et GBU-28, pesant 1,8 tonne chacune. Si l’on en croit les dires de l’armée israélienne, celle-ci aurait donc largué en une minute une charge explosive équivalente à près du double de celle lâchée par l’armée américaine sur toute sa campagne irakienne, qui a duré près d’un mois et demi.
Comme révélé par L’Orient-Le Jour en octobre 2023, l’armée israélienne s’était déjà rendue coupable à de multiples reprises de l’utilisation au Liban-Sud de bombes contenant du phosphore blanc, prohibées contre les civils ou les biens à caractère civil selon le droit international, depuis le début de la guerre le 8 octobre.
Une phrase La seule personne responsable de cette folie, a ete eliminer le 27 septembre 2024.
03 h 19, le 08 octobre 2024