Après deux jours d'opérations israéliennes ciblant les appareils de télécommunication du Hezbollah, faisant craindre une nouvelle escalade entre le parti chiite et l'État hébreu, la tension était également palpable le long de la Ligne bleue, et la journée de jeudi a été marquée par des tirs violents, de part et d'autre de la frontière, qui ont fait au moins deux morts du côté israélien.
Après avoir rapporté, dans la matinée, que des tirs de « roquettes anti-tank » et des attaques de drones du Hezbollah avaient fait au moins dix blessés dans le nord d'Israël, le quotidien israélien Haaretz, citant l'armée, a annoncé la mort de deux soldats israéliens, tués par « des tirs du Hezbollah ». Il s'agit du Major (réserviste) Nael Fwarsy, 43 ans, originaire de Maghar (nord), et du Sergent Tomer Keren, 20 ans, originaire de Haïfa, sur la côte. Le média ne mentionne pas où ils ont été tués, alors que le Hezbollah a revendiqué, dans la matinée, une série de frappes.
Drones kamikazes et pannes d'électricité
Le Hezbollah dit avoir mené une première frappe dès 7h45. Il a notamment visé un « point de rassemblement de soldats » israéliens, au niveau de la position d' « al-Marj », située face au village libanais de Markaba (caza de Marjeyoun) et dit avoir « fait des morts et des blessés ». Selon le Haaretz, « huit Israéliens » ont été blessés dans ces tirs de « roquettes anti-tank du Hezbollah ». Des vidéos circulant dans les médias israéliens indiquent que des roquettes du parti chiite sont tombées dans une zone proche de Margaliot, dans la région dite du « Doigt de Galilée, qui fait face à Markaba. L'armée israélienne affirme avoir riposté « vers la source de l'attaque ». Le média israélien précisait dans la matinée que huit soldats avaient été évacués à Safed (nord) et Haïfa, parmi lesquels deux dans un état grave.
Le Hezbollah a, en outre, revendiqué d'autres frappes « avec des drones kamikazes » contre l’artillerie israélienne et des positions militaires à Beit Hillel face au village libanais de Houla, et contre une position militaire à Ya’ara, face à la localité libanaise de Alma el-Chaab. Ces frappes « en riposte aux agressions » israéliennes dans le Sud, ont fait, selon le Haaretz, deux blessés, dont l'un se trouve dans un état grave, à Ya'ara. L'armée israélienne, citée par le média, affirme que des drones sont tombés près de Beit Hillel. Dans la soirée, le Haaretz a rapporté que les tirs du Hezbollah avaient également causé des coupures de courant dans plusieurs localités du Nord israélien.
Le parti chiite a revendiqué avoir frappé à 19h le site de Samaka, situé sur les collines contestées de Kfarchouba, dans le caza de Hasbaya. Dans la soirée, des habitants de la région ont rapporté qu'un drone israélien a survolé les localités de Kfour, Toul et d'autres villages de Nabatiyé. Selon eux, le drone diffusait un message : « Nasrallah appelle à davantage de destruction et de déplacements. »
Gallant : « Le Hezbollah paiera un prix de plus en plus élevé »
Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a rapidement réagi au discours de Hassan Nasrallah, prononcé à 17h. « Notre objectif est d'assurer le retour en toute sécurité des communautés du nord d'Israël dans leurs foyers. Avec le temps, le Hezbollah paiera un prix de plus en plus élevé », a-t-il déclaré.
De leur côté, les ministres des Affaires étrangères français et américain ont appelé à Paris l'ensemble des parties à« la désescalade au Proche-Orient », se disant « très préoccupés ». Ils ont également insisté sur la nécessité de trouver une solution diplomatique à la situation tendue à la frontière libano-israélienne.
Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, a pour sa part contacté le Premier ministre libanais sortant, Nagib Mikati, pour lui exprimer « sa profonde inquiétude face à l'escalade des tensions », tout en soulignant «la nécessité de rechercher une solution pour rétablir la stabilité et la sécurité le long de la Ligne bleue».
Le Hamas a publié un communiqué dans lequel il salue le discours du secrétaire général du Hezbollah, qui « a réaffirmé le soutien précieux à la résistance islamique au Liban, jusqu'à ce que cesse l'agression nazie et le génocide à Gaza ».
Frappe du Hezbollah sur le Golan occupé
Le parti chiite a encore revendiqué une série de frappes de moindre envergure, contre les sites notamment de «Ramia», à deux reprises contre une position militaire à Zar'it, et sur le site de Hanita. D'autres frappes ont également été lancées par le parti-milice pendant le discours de Hassan Nasrallah, dans des « ripostes aux frappes israéliennes sur le Liban-Sud ». Elles ont notamment visé, avec des salves de roquettes Katioucha, la caserne de «Mattat», celle de Shomera, et le siège du commandement de la 810 e brigade Harmoun 810, dans la caserne de Ma'ale, sur le plateau du Golan syrien occupé.
Et si plusieurs frappes ont été lancées par Israël contre le Liban-Sud, notamment au cours de la nuit de mercredi à jeudi, c'est surtout lors du discours de Nasrallah que l'État hébreu a sorti l'artillerie lourde. Le chef du Hezbollah venait à peine de commencer à s'exprimer, suite aux attaques aux bipeurs et talkies-walkies de mardi et mercredi, que l'aviation israélienne a mené une série de raids violents, tout le long de la frontière, du caza de Tyr, à l'ouest, jusqu'à celui de Hasbaya, à l'est, selon les sources locales contactées par notre correspondant Mountasser Abdallah.
Ces frappes ont notamment été dirigées contre Jennata, Deir Kanoun el-Nahr, Mjadel, Markaba, Qabrikha, Bani Hayan, Mansouri, Deir Amess, Haris, Deir Antar, Haniyé, Zebqine, Froun, et Rab el-Talatine. Les bombardements ont principalement visé des vallées et régions boisées, selon les sources de notre correspondant, qui précise que plusieurs des localités le sont pour la première fois depuis le 8 octobre 2023.
Poseurs de bombe
Par ailleurs, l'armée israélienne a affirmé avoir tué deux personnes qui « avaient tenté de poser une bombe » près d'un avant-poste militaire à la frontière libanaise, rapporte également le Haaretz. Selon le porte-parole de l'armée, ils ont été tués par des tirs de canons israéliens et des frappes aériennes. Aucune victime n'a encore été annoncée du côté libanais de la frontière.
Ces développements interviennent alors que le Pentagone s'est dit de plus en plus préoccupé par une éventuelle offensive terrestre israélienne dans le sud du Liban, selon le Wall Street Journal. À la suite des récentes attaques au Liban, Israël a déplacé une division de commandos et de parachutistes vers la frontière nord. Les autorités américaines ont toutefois indiqué ne pas voir de signes d'une invasion terrestre imminente. «Même si une décision est prise, il faudra des semaines avant que les forces israéliennes ne soient en mesure de lancer une offensive majeure», ont ajouté les responsables américains cités par le WSJ. Ils ont également averti qu'Israël pourrait toujours lancer une opération de moindre envergure sans déploiement militaire majeur.
En Israël même, des centaines d'habitants du Nord ont en outre reçu, selon plusieurs médias, de faux messages d'alerte les appelant à se réfugier dans les abris, et qui n'ont pas été envoyés par l'armée. Selon la chaîne KAN News, les autorités examinent la possibilité selon laquelle ces messages auraient pu être envoyés par l’Iran.