Encore une levée de boucliers chrétienne contre le gouvernement de Nagib Mikati. Réuni mercredi au Sérail, le Conseil des ministres a autorisé au ministère de l’Éducation d’émettre des attestations pour les élèves syriens ayant réussi les épreuves du baccalauréat technique officiel au Liban. Une démarche qui a permis à la directrice de l’enseignement technique au sein du ministère, Hanadi Berry, d’émettre une décision autorisant les élèves syriens sans documents officiels (fournis par la Sûreté générale libanaise) à s’inscrire pour l’année scolaire 2024-2025. Théoriquement, la décision gouvernementale est une réponse libanaise officielle aux obligations internationales du pays. Mais, comme d’habitude, la politique politicienne ne tarde pas à prendre le dessus. Le Courant patriotique libre et son rival chrétien, les Forces libanaises, qui font du retour chez eux des migrants et réfugiés syriens un cheval de bataille, ont (ironiquement) convergé sur la nécessité de faire face à ce qu’ils estiment être « un projet d’implantation des Syriens au Liban ». Un combat qu’ils qualifient d’« existentiel » et dans le cadre duquel ils se montrent disposés à jouer toutes leurs cartes, y compris celle de la rue.
Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour en août dernier, le ministre sortant de l’Éducation, Abbas Halabi, s’était montré très clair : « Le Liban est attaché à la charte des droits de l’enfance et le droit à l’éducation est sacré, quelle que soit la nationalité de l’enfant. Cela veut dire que nous enregistrons tous les enfants syriens à l’école, que leur situation soit légale ou pas, et adresserons ensuite les données à la Sûreté générale. » La décision prise mercredi par le cabinet traduit donc la volonté de M. Halabi de passer à l’acte. D’autant plus qu’une source au sein du ministère de l’Éducation indique à L’OLJ qu’une telle décision est prise chaque année avant la rentrée. « Mais nous n’allons plus accepter les élèves syriens sans documents officiels à partir de la prochaine année scolaire (2025-2026) », précise-t-elle. Un responsable gouvernemental haut placé indique, lui, que Nagib Mikati se réunira mardi avec Abbas Halabi pour mettre les points sur les « i ». Pas assez pour calmer les appréhensions des formations chrétiennes hostiles à la présence massive de migrants et réfugiés syriens au Liban.
Lors d'un point de presse tenu samedi, le chef du CPL, Gebran Bassil, a appelé Nagib Mikati à « revenir sur cette décision (qui a trait à une question) existentielle pour le Liban ». Affirmant une nouvelle fois que son parti « avait raison » de mener un combat politique pour le retour des Syriens présents au Liban, le leader du courant aouniste a exhorté « les (protagonistes qui se disent) souverainistes à se mobiliser » aux côtés du CPL. « Notre existence est menacée. Il faut tirer la sonnette d’alarme », a-t-il mis en garde. C’est pour cette raison que « la confrontation devrait passer à la vitesse supérieure et se traduire en actes. Nous nous mobiliserons, même si nous serons seuls (…) car nous sommes des soldats qui mènent une bataille existentielle », a encore dit le chef du CPL, faisant savoir que le conseil politique de sa formation se réunira mardi pour décider de la prochaine phase. « Nous aurons recours à tous les moyens pour interdire la scolarisation des enfants syriens », déclare sans ambages le vice-président du CPL pour les affaires extérieures, Nagi Hayek, sans exclure un probable recours à la rue.
La pique de Bassil aux Marada
Un point important est à relever sur ce plan : le cabinet a pris cette décision à l’heure où les ministres gravitant dans l’orbite du CPL boycottent, depuis décembre 2022, les séances gouvernementales en période de vacance présidentielle. Ils perdent ainsi l’opportunité de s’opposer aux décisions jugées « inappropriées ».
Pour remédier à cela, Gebran Bassil a renvoyé la balle dans le camp des ministres Marada et indépendants (principalement chrétiens). « Votre conscience vous permet-elle d’avaliser la décision d’implanter les Syriens dans nos écoles ? » a-t-il lancé. À ce sujet, une source ministérielle confie à L’OLJ que la séance s’est tenue en l’absence du ministre sortant des Télécoms, Johnny Corm (Marada), alors que son collègue de l’Information, Ziad Makari, s’est retiré de la réunion avant que la question des élèves syriens ne soit discutée, sachant qu’elle a été évoquée en dehors de l’ordre du jour de la réunion. Quoi qu’il en soit, les deux ministres concernés ont publié lundi, avec leur collègue de l’Industrie, Georges Bouchikian, un communiqué appelant le secrétariat général de la présidence du Conseil à réinclure ce point à l’ordre du jour de la prochaine réunion gouvernementale « pour qu’elle soit examinée calmement avant de prendre une décision ». Cette requête, Nagib Mikati devrait l’avaliser, prédit une source ministérielle, soulignant que le Premier ministre voudrait sans doute éviter toute secousse générée par une crise politique inopportune.
Sit-in mardi
De leur côté, les Forces libanaises – qui font du dossier de la présence syrienne au Liban une priorité, notamment depuis le meurtre imputé à un gang syrien de leur coordinateur pour la région de Jbeil, Pascal Sleiman, en avril dernier – s’apprêtent, elles aussi, à franchir un nouveau cap, surtout qu'elles avaient demandé à MM. Mikati et Halabi d'appliquer la loi en matière de scolarisation des enfants syriens au Liban. « Nous sommes contre la décision du gouvernement. Mais, à la différence du CPL, nous ne faisons pas partie de l’équipe ministérielle », rappelle Ghayath Yazbeck, député FL, accusant le parti de Gebran Bassil d’« instrumentaliser ce dossier à des fins populistes ». Et le parlementaire de faire valoir qu’aucune coordination n’existe entre les deux formations au sujet des Syriens. Les FL, mais aussi les Kataëb, ont d’ailleurs déjà appelé à un sit-in mardi à midi devant la direction de l’enseignement technique à Dekouané « pour protester contre les dernières décisions de l’Éducation », comme on peut lire dans un communiqué publié lundi par le département de l’éducation du parti de Samir Geagea.
Après tant d'années passées dans l'impuissance Libanaise de rapatriement des immigrés Syriens ( l'union Européenne et nombre d'ONG s'y opposent), il vaut beaucoup mieux enseigner ces enfants que d'en faire des délinquants. Le départ des Syriens n'est pas pour demain, ça tout le monde le sait. Assez de voir les enfants Syriens dans les rues, mendier. Ou d'en faire des criminels...
14 h 01, le 17 septembre 2024