Voilà bientôt onze mois que dure le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza et que le front du Liban-Sud, ouvert le 8 octobre par le Hezbollah en « soutien » à l’enclave palestinienne au lendemain de l’opération Déluge d’al-Aqsa du Hamas, menace d’enflammer le Liban et la région. L’occasion pour l’ambassadrice du Canada, Stefanie McCollum, d’inviter les Canadiens du Liban à quitter le Liban sans compter sur l’aide d’Ottawa, de rappeler l’engagement de son gouvernement en faveur de l’application complète de la résolution 1701 au Liban-Sud et de prôner la création d’un État palestinien si les conditions sont réunies. Rencontre.
Le Canada a appelé ses ressortissants à quitter le Liban au plus vite tant qu’ils le peuvent. Une évacuation est-elle prévue ?
Depuis le début du conflit à Gaza, nous conseillons aux Canadiens du Liban de partir tant que les moyens sont disponibles. Nous avons rediffusé cette recommandation en juin avec la recrudescence des violences et après le drame de Majdel Chams, fin juillet, et les assassinats qui ont suivi (du haut commandant du Hezbollah Fouad Chokor le 30 juillet dans la banlieue sud de Beyrouth et d’Ismaïl Haniyé, chef politique du Hamas, quelques heures plus tard en Iran, NDLR).
En revanche, nous n’offrons aucune évacuation pour l’instant. Cela reste une option de dernier recours, au cas où aucune autre option ne serait plus possible. Notre message aux ressortissants canadiens du Liban est qu’il n’y a pas de garantie que le gouvernement canadien sera en mesure d’organiser une évacuation. Ils ne doivent donc pas être dépendants de l’aide du Canada.
Nous estimons qu’entre 45 000 et 50 000 Canadiens et résidents permanents vivent au Liban (principalement binationaux) et entre 10 000 et 20 000 visitent le Liban chaque année en été pour les vacances.
Si des Canadiens du Liban ne peuvent pas partir pour une raison ou une autre, nous leur recommandons de rester en lieu sûr et de se doter des équipements d’urgence nécessaires, de nourriture, de médicaments suffisants. Au cas où ils n’auraient pas les moyens de consacrer les coûts nécessaires à leur départ, ils doivent essayer d’obtenir des prêts personnels. Et si cela reste impossible, un dernier recours est envisageable, sous forme de prêt disponible du gouvernement du Canada qui couvre les frais de rapatriement. Ce prêt répond toutefois à certains critères et doit être remboursé.
Pouvez-vous revenir sur l’annonce à Beyrouth en mai de la ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly qui affirmait que le Canada est prêt à reconnaître un État palestinien ?
Le Canada est prêt à le faire si les conditions sont en place. Il considère le Hamas comme une organisation terroriste. La gouvernance d’un État palestinien ne peut se faire avec une organisation terroriste, mais avec un gouvernement capable de gérer un État. Il faut aussi une solution durable qui assure la sécurité, la dignité et la coexistence pacifique entre les Israéliens et les Palestiniens. La solution à deux États permettrait cela. Nous espérons qu’elle deviendra prioritaire dès l’annonce d’un cessez-le-feu.
La priorité du Canada pour l’heure, c’est le cessez-le-feu. Les otages doivent être libérés. L’aide humanitaire doit entrer à Gaza. Et il faut mettre fin aux pertes de civils. Nous soutenons le plan proposé par le président américain, Joe Biden, approuvé par le Conseil de sécurité des Nations unies, et appuyons les efforts du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis dans les négociations en cours. Nous attendons d’en voir les résultats.
Qu’en est-il du Liban-Sud ?
Nous scrutons à plus long terme l’application complète de la résolution 1701 du Conseil de sécurité pour que la stabilité revienne au Liban-Sud, qu’un cessez-le-feu soit prononcé et que les familles puissent rentrer chez elles des deux côtés de la frontière, au Liban-Sud et dans le nord d’Israël.
Nous insistons sur l’application complète de la 1701 car, depuis 2006, nous observons des violations de part et d’autre de la frontière libano-israélienne rapportées par la Finul. (La résolution 1701 avait mis fin à la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah, NDLR).
Conformément à la 1701, la sécurité du Liban-Sud et de la frontière libano-israélienne doit être assurée exclusivement par le gouvernement libanais et l’armée libanaise, et non pas par le Hezbollah. Nous considérons le Hezbollah comme une organisation terroriste. Nous ne communiquons pas avec lui, mais avec le gouvernement du Liban et les Nations unies (Finul).
Le Canada a imposé une série de sanctions contre des colons israéliens qualifiés d’extrémistes. En quoi consistent-elles ?
Nous avons annoncé des sanctions en mai et juin contre des colons extrémistes et des entités qui commettent des violences à l’encontre de civils en Cisjordanie. Le Canada lance ainsi le message qu’il continue de s’opposer à l’expansion des colonies illégales en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et que ces colonies sont un obstacle à une paix et une stabilité durables pour les Palestiniens et les Israéliens.
Les sanctions prennent la forme de mesures économiques et spéciales. Les individus visés ne sont pas autorisés à entrer au Canada et s’ils détiennent des comptes bancaires au Canada, des mesures économiques sont prises à leur encontre.
Sur un autre plan, les Libano-Canadiens sont concernés par la loi de nationalité canadienne qui empêche les parents canadiens nés à l’étranger de transmettre leur nationalité à leurs enfants nés à l’étranger. Un amendement de cette loi est-il envisageable ?
En décembre 2023, la Cour suprême de justice de l’Ontario a déclaré que la restriction à la première génération pour les personnes nées à l’étranger est inconstitutionnelle. Le gouvernement a déposé un projet de loi (C-71) au printemps dernier amendant la loi actuelle.
Ce projet, s’il est adopté par le Parlement, permettrait à un parent canadien né à l’étranger de transmettre la citoyenneté à son enfant né à l’étranger s’il réussit à démontrer des liens significatifs avec le Canada, autrement dit, une résidence d’un minimum de 1 095 jours (3 ans à peu près) avant la naissance de son enfant à l’étranger.
La décision de la Cour suprême de l’Ontario doit être adoptée par le Parlement avant le 19 décembre 2024. Si l’amendement est officialisé, le Canada communiquera sur la question et avertira les citoyens canadiens au Liban et partout dans le monde. Si des personnes pensent qu’elles sont éligibles, elles seront invitées à contacter l’ambassade pour être informées du processus à suivre pour récupérer la citoyenneté canadienne.