Une nouvelle proposition de loi sur la nationalité libanaise devrait bientôt être soumise au Parlement. L’initiative vient de l’association Ruwad el-Houkouk, qui a présenté le texte vendredi lors d’une conférence de presse suivie d’une table ronde à Beyrouth, placée sous le thème de la nécessité de moderniser la législation sur la nationalité plus de cent ans après la création du Liban. Cette proposition de loi, élaborée et revue par des experts, sera portée par la députée Halima Kaakour (Chouf, contestation).
La loi sur la nationalité au Liban est notoirement vague en plusieurs points et prive notamment la femme du droit d’octroyer sa nationalité à son mari étranger et ses enfants nés d’une telle union – une cause défendue par de nombreux activistes depuis des années. Toutefois, selon Berna Habib, responsable des campagnes dans Ruwad el-Houkouk, il ne s’agit pas du seul point que ce texte visera à éclaircir.
« La loi libanaise sur la nationalité (datant de 1925, NDLR) comporte de nombreuses zones d’ombre, et nous en avons constaté les multiples répercussions depuis que nous travaillons sur ce sujet », dit-elle à L’OLJ. Voilà pourquoi, selon elle, cette nouvelle proposition vise à apporter une réponse globale à tous les problèmes rencontrés dans ce domaine.
« La proposition de loi prévoit des conditions strictes et des garde-fous dans les trois cas de la transmission de la nationalité, par les liens de sang, le droit de la terre et le droit lié aux origines », explique-t-elle, ajoutant que ce texte consacre de toute évidence le droit de la femme de transmettre sa nationalité. Mais il ne se limite pas à cela puisqu’il vise à durcir les conditions de transmission au conjoint étranger dans tous les cas. « En vertu de la loi actuelle, l’homme libanais peut transmettre la nationalité à sa femme étrangère en un an, et la Libanaise en est privée. Or nous suggérons que les deux aient le même droit, mais dans un délai de cinq ans de mariage, et sous certaines conditions », dit-elle.
Le nouveau texte précise aussi le cadre dans lequel des étrangers peuvent aspirer à la naturalisation au Liban. « Il ne suffira pas seulement que le candidat ait vécu au Liban, il faudra qu’il s’y trouve depuis un certain nombre d’années, qu’il y paie des impôts et qu’il soit soumis à des tests qui évalueront sa connaissance de la langue et de la culture du pays, tout comme ses motivations pour devenir libanais, avec une vérification de son passé et de son casier judiciaire », poursuit Berna Habib.
À de nombreuses reprises au Liban, des décrets de naturalisation, qui sont entre autres une prérogative du président de la République, ont alimenté des polémiques liées au choix des personnes qui en ont bénéficié. La proposition de loi s’attaque entre autres aux cas où l’État libanais aurait la latitude de déposséder quelqu’un de sa nationalité. « Tout en gardant ce droit à l’État, le texte prévoit là aussi un durcissement des conditions et des garde-fous supplémentaires, pour s’assurer que les droits du concerné sont préservés », souligne-t-elle.
Une loi qui consacre l’égalité et l’appartenance
Ce texte a été élaboré, sous l’égide de l’association, par des experts en droit de la nationalité, en état civil et en droit constitutionnel et administratif. « Proposer une loi sur la nationalité est un devoir à un moment où notre pays est confronté à un effondrement total à tous les niveaux, qui découle de nombreuses questions irrésolues et de problèmes accumulés, dont beaucoup sont liés aux principes d'appartenance, de citoyenneté, de loyauté et d'unité nationale, découlant tous du concept de nationalité », a expliqué Samira Trad, présidente de l’association, au cours de l’événement. « Nous avons besoin de toute urgence d'une loi sur la nationalité qui consacre ces valeurs et les traduise en dispositions juridiques applicables », a-t-elle ajouté.
Interrogée par L’OLJ sur les nombreuses autres propositions de loi sur la nationalité qui se trouvent dans les tiroirs du Parlement, Berna Habib assure que son ONG en est bien consciente. « Nous avons consulté toutes ces propositions, dont la majorité écrasante se focalise sur l’octroi du droit de transmission de la nationalité à la Libanaise », souligne-t-elle. Elle affirme que l’équipe d’experts a pris tous ces textes précédents en compte, mais que la proposition actuelle se veut plus globale pour s’attaquer à tous les problèmes résultant du flou de la loi actuelle.
« Nous comptons, une fois ce texte mis sur les rails et parvenu au Parlement, contacter tous les acteurs de la société civile qui ont travaillé sur le sujet et créer un front afin de faire parvenir cette réforme », insiste-t-elle.
Ces différents acteurs se sont justement heurtés à des obstacles infranchissables sur plus de vingt ans, liés à l’immobilisme préconisé par la classe politique pour des considérations d’ordre démographique (peur du déséquilibre confessionnel) ou liées à la crainte de la naturalisation de vastes populations de réfugiés par le biais du mariage. Comment cette nouvelle campagne compte-t-elle se démarquer à ces niveaux ?
« Nous savons que la bataille est très difficile et nous nous y préparons », répond Berna Habib. Mais, ajoute-t-elle, « l’idée que nous cherchons à véhiculer, c’est que la nationalité libanaise est précieuse et que son obtention doit être méritée, dans quelque circonstance que ce soit ». Pour l’instant, donc, le texte est adopté par Halima Kaakour qui, selon Berna Habib, a commencé ses contacts avec ses pairs pour constituer un groupe capable de le défendre dans l’hémicycle.
Le probléme de l'octroi de la nationalité est lié à des considérations sociales, et ce dans tous les pays. Mme Kaakour et toutes les ONG de la terre peuvent se prévaloir de tous les droits de (l'homme) ça ne changera rien. Pour le Liban, une modification de la loi ne peut se faire que dans le cadre d'une refonte complète du système politique avec des régions qui chacune aura la liberté de l'appliquer ou pas. Retour à la case départ Mme Kaakour: Changez le système politique et tout pourrait se faire
11 h 12, le 31 août 2024