Le 22 août, lorsqu’il se connecte sur l’appli de rencontres par géolocalisation Tinder, un journaliste américain vivant à Beyrouth tombe sur une publicité qui semble provenir de l’armée de son propre pays.
Seamus Malekafzali voit s’afficher un message qui l’avertit de « ne pas prendre les armes contre les États-Unis et leurs partenaires », explique-t-il à L’Orient Today. Le message, écrit en arabe, disait : « Les États-Unis protégeront leurs partenaires face aux menaces du régime iranien et de ses agents. » Il était accompagné d’images d’avions de guerre et du logo du Centcom, le commandement militaire américain qui supervise le Moyen-Orient et l’Asie centrale.
Opened Tinder in Lebanon. Was greeted by an ad from Centcom saying in Arabic, "Do not take arms against the US and its partners", that F-16s and A-10s are already prepared, and that the US will "protect its partners in the face of threats from the Iranian regime and its agents." pic.twitter.com/Z6xIsQY5Gr
— Séamus Malekafzali (@Seamus_Malek) August 22, 2024
Lorsqu’il balaie l’image vers la droite (l’option « swipe right » sur Tinder pour valider une proposition, NDLR), le journaliste est renvoyé vers l’annonce originale du Centcom sur le réseau X, datant du 15 août. « Ne prenez pas les armes contre les États-Unis ou leurs partenaires », disait l’annonce. « Le Centcom est parfaitement préparé, avec des F-16 Fighting Falcons et des A-10 Thunderbolts supersoniques présents actuellement dans la région ». Il semble que l’auteur de l’annonce ait confondu les deux, car si les chasseurs F-16 sont supersoniques, les A-10 ne le sont pas.
Des chasseurs F-16 et A-10 sont présents dans la région depuis octobre 2023 et, lundi, le Pentagone a prolongé le déploiement du porte-avions Theodore Roosevelt et du groupe d’intervention qui l’accompagne, sur fond de guerre à Gaza et au Liban-Sud.
Une publicité du Centcom ?
« Je pense que cela montre à quel point les États-Unis continuent de gesticuler dans leur communication sur la guerre contre Gaza, estime M. Malekafzali, et ils ne semblent pas savoir qui ils devraient convaincre et comment. »
Tinder a retiré l’annonce après que le Washington Post l’a contactée jeudi. Philip Fry, porte-parole de l’entreprise, a déclaré que l’annonce « violait les politiques » concernant les contenus violents et politiques. Contactée par L’Orient Today, l’ambassade américaine à Beyrouth a renvoyé notre publication au Centcom, qui n’a pas pu être joint pour un commentaire.
Tinder ne dispose pas de sa propre plateforme pour lancer des publicités sur son application, mais des publicités peuvent être achetées via Google, Facebook et d’autres plateformes publicitaires et affichées sur Tinder. Selon l’agence de marketing numérique WebFX, des pubs via Google Ads peuvent coûter entre 100 et 10 000 dollars par mois.
Selon un responsable américain cité par le Washington Post, la publicité en question sur Tinder « appartient au Centcom » et pourrait faire partie d’une stratégie d’opérations psychologiques plus large dans la région, pas nécessairement spécifique au Liban. Un autre responsable US n’écarte pas le fait qu’il puisse s’agir simplement d’une erreur.
« À ce jour, le Centcom n’a pas confirmé que cette publicité était bien la sienne, et il est peu probable que nous recevions une réponse définitive », explique Ralph Beydoun, directeur de la société de recherche et de communication stratégique InflueAnswers, dans des propos à L’Orient Today. « La création d’une annonce sur Tinder est relativement simple. L’application a supprimé la pub en question une fois qu’il s’est avéré qu’elle avait violé les règles de la plateforme. Je trouve improbable que le Centcom enfreigne ouvertement les règles d’une plateforme américaine en affichant son logo de manière flagrante », estime M. Beydoun.
« Imposer la puissance américaine »
Un rapport publié en 2022 par The Intercept a révélé que le Centcom avait reçu « l’approbation directe et la protection interne » de Twitter alors qu’il gérait secrètement des comptes visant à influencer l’opinion publique dans la région, en publiant des messages en arabe et en ciblant spécifiquement les Yéménites, les Irakiens et les Syriens. Mais la situation au Liban est différente. « Les États-Unis disposent d’une ambassade active au Liban et d’une influence significative en matière de soft power », rappelle M. Beydoun. « Ils n’ont pas besoin des messages fermes du Centcom pour faire connaître leurs positions, qui peuvent être communiquées efficacement par l’intermédiaire des acteurs locaux et des diplomates. »
L’expert pense que la publicité a été conçue et achetée par une tierce partie (qu’il ne nomme pas, NDLR) désireuse d’imposer la puissance américaine. « Ce scénario m’apparaît comme une possible opération sous fausse bannière, peut-être destinée à tendre davantage les relations entre le public libanais et les Américains dans la région », ajoute M. Beydoun.
Le quotidien libanais pro-Hezbollah al-Akhbar a noté que l’annonce avait suscité des réactions sarcastiques parmi les Libanais, certains affirmant qu’une telle démarche était « un signe de faiblesse » et que le résultat escompté se retournerait probablement contre les États-Unis.
Kassem Kassir, un analyste réputé proche du Hezbollah, affirme à L’Orient Today qu’il s’agit « peut-être » d’une tactique des Américains pour intimider l’Iran et ses alliés, une tactique qu’il juge inefficace.
On créé une montagne pour rien. Quel scandale… Tout le monde se mobilise pour ceci? A force de réagir, de liker, de noter, commenter etc.. sur internet, les gens réagissent, désormais, sur tout et n’importe quoi en prenant des postures de scandalisés!!!! Et alors? Une bêtise a été faite … et même si c’est voulu, on tourne le dos et on laisse tomber ces imbécilités .
12 h 49, le 29 août 2024