
Un avion de chasse israélien survolant la zone frontalière avec le Liban, le 4 mars 2024. Photo d’archives Jalaa Marey/AFP
« Avez-vous entendu quelque chose ? » La question se pose à chaque fois que l’aviation militaire israélienne brise le mur du son au-dessus du Liban, depuis le début du conflit en octobre dernier, dans le sillage de la guerre à Gaza.
Une forte détonation retentit. Les vitres vibrent, se brisent parfois. Des bibelots tremblent. Les regards inquiets se cherchent. Les enfants crient, se bouchent les oreilles. La réponse vient rapidement. Un second bang résonne. Encore plus fort, mais rassurant toutefois. Ce n’est finalement que le mur du son, pas un bombardement.
Au Liban, la scène est devenue familière depuis des années, en fonction de l’intensité des tensions avec Israël. Un phénomène qui revient en force ces dernière semaines et qui provoque souvent la panique au sein de la population, occasionnant parfois des blessés et des dégâts.
Mais ces derniers jours, certains ont décidé de brandir l’arme du rire et de la dérision face aux violations israéliennes. Depuis le 13 août, le site jidarsot.com (« mur du son») leur donne la parole, les invitant à signaler les bangs supersoniques israéliens, à les noter et les commenter. « Smaato chi ? » (« Avez-vous entendu quelque chose ? ») demande en arabe et en anglais le site aux internautes. « Les critiques prendront probablement la forme de blagues, mais les attaques psychologiques continues contre le peuple libanais n’en sont pas », souligne la plateforme en tête de page. « Signaler un mur du son aide à apporter de la visibilité à ces crimes, veuillez donc utiliser ce site web de manière responsable », poursuit-elle.
C’est quoi ce boum ?
Le ton est donné. Les internautes se lâchent. « Avez-vous entendu des bombardements dans le Sud ? » demande l’un d’entre eux. « Elle est bonne, pas mal du tout », répond un autre de Nabatiyé. « C’est routinier », réagit un troisième du Mont-Liban. « Je lui donnerai quand même la note de 8/10, parce que je sursaute encore », lâche-t-il. « Je lui donne un 5/10, mais la pression m’a fait mal aux oreilles », confie un habitant de Nabatiyé. « C’est quoi ce boum ? J’ai entendu ici à Beyrouth comme une explosion. Ça suffit, on n’en peut plus, s’il vous plaît », supplie un cinquième. « Je m’excuse, mon Dieu, pour avoir blasphémé », regrette un autre du Mont-Liban.
Il y a ceux qui dédramatisent, manient la blague, la dérision, quitte à friser la vulgarité, l’insulte même. « Pas de mur (du son), ces derniers jours. N’en valons-nous pas la peine ? » ironise un commentateur de Baalbeck. « Le pet de mon chat est plus fort », s’amuse un internaute de Beyrouth. « L’écouter en plein air, à la plage, allongé sur le dos, retentit toujours mieux qu’entre des portes closes », écrit un utilisateur du Sud. « Vous ne m’avez même pas réveillé, saleté de mur du son. Faites mieux ! » se moque un habitant de la capitale. « Ils fonctionnent au diesel maintenant », se gausse un autre du Mont-Liban. « Remboursez ! » lance l’un des commentateurs.
Qui se cache derrière jidarsot.com ?
La mission permanente du Liban à l’ONU a déposé le 19 août une plainte auprès du Conseil de sécurité à New York dénonçant les violations régulières de l’espace aérien libanais par les avions de chasse israéliens, qui provoquent des bangs supersoniques et constituent une atteinte à résolution 1701 du Conseil de sécurité. Ces bangs, qui ont parfois fait des blessés et causé des dégâts matériels, semblent faire partie de la guerre psychologique menée par Israël contre le Liban.
Mais qui se cache derrière jidarsot.com ? Le domaine jidarsot.com a été enregistré très récemment, le 12 août 2024. Le site ne dispose pas de mentions légales permettant d’en identifier l’administrateur et a payé afin de protéger son anonymat. La seule information disponible est la région de résidence indiquée par l’administrateur : l’Occitanie, dans le sud de la France.
Sur le réseau X, certains accusent Israël d’être derrière cette plateforme. « Les amis, ce site web est créé par les Israéliens. Vos téléphones sont infiltrés lorsque vous réagissez sur ce site », met en garde un commentateur de Beyrouth. « C’est vrai ? » demande un internaute du Sud. « LOL », réagit un troisième du Mont-Liban.
Et vous, avez-vous entendu quelque chose ?
Mon coeur balance entre jidar el saout et saout el bomba... j'opterais sûrement pour le premier étant donné les souffrances que ma Patrie à endurer par ces bombes assassines qui ont pris amis et grands hommes du pays
14 h 39, le 28 août 2024