Dix morts dans un raid israélien près de Nabatiyé, un combattant du Hezbollah tué dans un raid au nord de Tyr

Après deux journées relativement calmes à la frontière libano-israélienne, la tension est de nouveau montée d'un cran dans la nuit de vendredi à samedi. Dix personnes ont été tuées par une frappe israélienne nocturne sur un bâtiment habité par des familles syriennes, à quelques kilomètres à l'ouest de Nabatiyé au Liban-Sud, selon un bilan du ministère libanais de la Santé. Il s'agit de la frappe ayant fait le plus de victimes depuis le début du conflit entre le Hezbollah et l'armée israélienne, le 8 octobre dernier, dans le sillage de la guerre de Gaza.

La frappe aérienne, qui a eu lieu après 1h samedi, a touché un immeuble d'une zone industrielle entre les localités de Kfour et Toul, qui a été totalement détruit. La déflagration qui a suivi le bombardement a endommagé des maisons avoisinantes, précise notre correspondant Mountasser Abdallah. 

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« La scène, parmi les décombres et les morceaux de corps, est effrayante », a affirmé à notre correspondant un des volontaires de la Défense civile libanaise présent sur les lieux pendant la nuit. Il a également fait état de « cris de détresse provenant des décombres ». Vers 8h30, les recherches dans les ruines étaient quasiment terminées, selon les secouristes sur place. 

Selon un proche d'une famille syrienne tuée dans la frappe (une femme, son mari et leurs deux enfants), la mère avait fui Homs en 2012 à cause de la guerre et s'était mariée au Liban. Ses enfants étaient âgés de quatre ans et d'un an et demi, a-t-il confié à notre journaliste Lyana Alameddine.

« 100 % civil »

À l'hôpital Cheikh Ragheb de Nabatiyé, la consternation et la colère se mêlaient aux pleurs des proches des victimes, pour beaucoup des femmes inconsolables vêtues de noir. « Deux des enfants de ma sœur ont été tués, un autre est en soins intensifs et mon autre neveu y est également », raconte Hussein al-Hussein à l'AFP, en énumérant les membres de sa famille tués ou blessés pendant qu'« ils dormaient ».

« C'étaient de jeunes ouvriers, et l'armée de l'air israélienne les a pris pour cible », accuse-t-il. « Ils n'avaient rien à voir avec la guerre (...), ils étaient venus ici pour gagner leur vie », abonde Omar al-Chahoud, un employé de l'usine. Dans une pièce voisine, des proches pleuraient une famille de quatre personnes : le concierge, sa femme et leurs deux enfants, indique un proche à l'AFP. Leurs corps ont été enveloppés dans draps rouges ornés de fleurs.

Sur le site de la frappe, il ne restait que des débris de béton, des morceaux de métal et quelques vêtements et chaussures d'enfants. Debout devant l'usine, son propriétaire, Hussein Tahmaz, affirme que le site était « 100 % civil ». « C'est ici que nous avions l'habitude de charger nos marchandises », dit-il en montrant l'épave d'un camion.

Le bâtiment était une annexe d'un entrepôt de deux étages où habitaient le concierge, sa famille, ainsi que des ouvriers, dit à l'AFP le maire Khodr Saad : « Qu'ont fait ces enfants pour mériter cela ? Ils ont fui leur pays pour échapper à la mort, et c'est ici qu'ils la trouvent ».

L'armée israélienne a elle affirmé avoir frappé dans la nuit « un entrepôt d'armes du Hezbollah » à Nabatiyé, ainsi que « des structures militaires » du parti chiite dans les régions de Hanine et de Maroun el-Ras, au Liban-Sud près de la frontière israélienne.

Depuis le 8 octobre et le début de la guerre au Liban-Sud, le nombre de ressortissants syriens ayant été tués au Liban s'élève désormais à 19, sans compter les blessés. De quoi faire porter au total le nombre de morts au Liban à 572, dont 106 civils, selon notre décompte.

Un mois plus tôt jour pour jour, trois enfants syriens avaient été tués dans une frappe israélienne ayant visé des terres agricoles situées dans la localité d’Oum el-Tout, près du village frontalier de Boustane (caza de Tyr), alors qu'ils jouaient à proximité de la zone ciblée.

Riposte du Hezbollah

Réagissant à la frappe sur Kfour, le Hezbollah a touché un nouveau site en Israël. Dans un communiqué, il a affirmé avoir « tiré des salves de roquettes Katioucha sur Ayelet HaShahar en riposte aux agressions de l'ennemi israélien, notamment celle qui a coûté la vie à des civils syriens » à Nabatiyé. 

Le parti chiite a également tiré samedi des salves de roquettes Katioucha sur une localité du nord d'Israël et revendiqué une série d'attaques contre des sites israéliens. Les sirènes d'alerte aux roquettes ont retenti à Ayelet HaShahar et « environ 55 projectiles ont été identifiés en provenance du Liban, dont certains tombés dans des terrains vagues », a dit l'armée israélienne dans un communiqué. Aucune victime n'a été signalée. Mais des incendies ont éclaté dans le secteur, que les secours s'emploient à éteindre, a-t-elle précisé. 

L'édito de Issa GORAIEB

Moissons de guerre

Un combattant du Hezbollah a par ailleurs été tué samedi dans une frappe de drone israélien sur une moto à Kadmous, au nord de Tyr, rapporte notre correspondant. Le Hezbollah a annoncé dans un communiqué la mort de Hussein Ibrahim Kassab, né en 1989 et originaire de Tayr Debba au Liban-Sud. L'armée israélienne a affirmé avoir éliminé cet homme, affirmant qu'il était commandant au sein de la force al-Radouane, unité d'élite du Hezbollah.

Plus tôt dans la journée, deux soldats israéliens ont été blessés dont l'un grièvement dans la chute d'une roquette tirée depuis le Liban sur la région de Misgav Am, à la frontière-nord de l’État hébreu, selon l'armée israélienne.

Les échanges de tirs transfrontaliers entre le Hezbollah et Israël, quasi quotidiens depuis le 8 octobre, se sont intensifiés après la mort le 30 juillet du chef militaire du Hezbollah Fouad Chokor, tué dans une frappe israélienne à Beyrouth, la veille de l'assassinat à Téhéran du chef du Hamas, Ismaïl Haniyé, imputé à Israël par l'Iran et ses alliés. Téhéran et le Hezbollah ont menacé Israël de représailles, faisant craindre une escalade militaire régionale que la diplomatie internationale s'efforce d'empêcher en redoublant d'efforts pour un cessez-le-feu à Gaza.