La monnaie est un outil, basé sur la confiance, qui facilite les échanges, la capitalisation et la thésaurisation, et qui permet de donner une valeur à de nombreuses choses, mais non à tout, car il y a bien sûr des choses qui ne s’achètent pas car « elles n’ont pas de prix ». La monnaie est un bon serviteur, mais aussi un mauvais maître.
Lorsque cet outil, comme l’argent et plus particulièrement l’or, par sa rareté, sa commodité de circulation, sa sécabilité, sa facilité à être stocké et conservé (inoxydable à l’air et à l’eau), son esthétique, compte tenu des métiers d’art qui lui sont dédiés, acquiert une valeur intrinsèque, universelle et intemporelle, il devient monnaie, et même monnaie ultime. Cela a toujours été le cas de l’or, que ce soit avant le système du franc germinal de Napoléon Ier, répandu par Napoléon III sur la moitié de la planète, et des concurrents de celui-ci sur l’autre moitié, ou après, et ce jusqu’au 15 août 1971, lorsque les États-Unis ont été contraints d’abandonner la parité fixe de 35 dollars pour une once de Troyes d’or (31,1 grammes). Depuis, la monnaie ultime est le dollar, dont les billets sont les seuls au monde à pouvoir être échangés partout, quelle que soit leur date d’émission. Le dollar depuis les années 1970 ne repose que sur lui-même, malgré le fait qu’il a perdu 99 % de sa valeur par rapport à l’or depuis l’abandon du système de Bretton Woods. Les planches à billets du dollar tournent à plein régime, lorsque l’on suppose que les quantités d’or dans le monde seraient, elles, définies puisqu’il n’y aurait, paraît-il, aucun espoir de découvrir de nouvelles mines d’or dont les réserves seraient significatives. De plus, les coûts additionnés de l’extraction de l’or, de son traitement, de sa commercialisation atteignent quasiment les cours actuels officiels de l’or ; raison supplémentaire pour laquelle les cours de l’or ne pourront plus durablement baisser, malgré les manipulations des cours de l’or grâce à certains instruments financiers, et avec la complicité de certaines banques centrales qui profitent de la manipulation des cours à la baisse pour augmenter leurs réserves d’or, afin de garantir la valeur de leur monnaie, ou leur avenir.
Il y aurait ainsi 150 000 tonnes d’or en tout dans le monde aujourd’hui, dont 30 000 tonnes détenues par les banques centrales, soit 20 % du total. La Banque du Liban possède d’ailleurs les deuxièmes réserves d’or du Moyen-Orient, soit 286 tonnes d’or sous forme de lingots et de pièces (dont quelques-unes, extrêmement rares, n’ont pas été comptabilisées à leur réelle valeur numismatique), dont 40 % sont conservées aux États-Unis, qui eux détiennent les plus importantes réserves d’or au monde, soit 8 100 tonnes. Pour comparaison, viennent ensuite la Chine et l’Allemagne avec chacune 3 000 tonnes, puis la France, l’Italie et la Russie avec 2 500 tonnes.
En 2010, l’audition d’un cadre dirigeant de la banque JP Morgan devant une commission révélait qu’il y aurait 100 fois plus d’or papier que d’or physique sur lesquel étaient hypothéqués des instruments financiers extrêmement spéculatifs, les « trackers » ; la plupart des banques centrales « loueraient » leur or à ces fonds spéculatifs, qui ne les possèdent donc même pas. Si demain les détenteurs d’or papier souhaitaient disposer d’or physique, cela leur serait impossible, et provoquerait des faillites en cascade en même temps qu’une envolée des cours de l’or physique. Les cours de l’or sont manipulés ; la valeur intrinsèque de cette monnaie ultime est en réalité supérieure à 2 000 dollars l’once, valeur affichée sur les marchés. C’est dire la valeur réelle du dollar par rapport à l’or.
Il en est ainsi d’ailleurs des actifs bancaires dont les engagements des principales banques privées mondiales sont 100 fois supérieurs à leurs actifs respectifs, en tenant compte de leur hors-bilan. Et que dire de la valeur de nos billets de banque qui ne sont en réalité qu’une dette détenue par son possesseur à l’égard de l’État émetteur ; une dette soumise à l’inflation, à la dévaluation, ou même à la banqueroute, ne reposant que sur la confiance, une confiance dévoyée par la peur du château de cartes qui s’écroule ?
La République libanaise aurait une dette d’environ 100 milliards de dollars détenue à 63 % par la BDL, 17 % par les banques commerciales libanaises et 20 % par le reste. Pour des réserves d’or évaluées au bas mot à 20 milliards de dollars environ aujourd’hui. 20 % de l’or détenu par la BDL couvre le montant de la dette en dollars. Ainsi, les États-Unis ont une dette de 33 442 milliards de dollars pour 8 100 tonnes de réserves d’or, évalués au cours d’aujourd’hui à environ 500 milliards de dollars, soit 1,5 % seulement de l’endettement de l’État fédéral. Qui est le meilleur élève ? Eh bien ! c’est celui qui imprime la monnaie de référence, même si c’est le cancre de la classe. Mais jusqu’à quand ?
Si nous envisageons que la valeur de l’or est 100 fois supérieure à celle officielle, alors les États ne seraient pas si surendettés que cela, au contraire même. Ce sont les détenteurs de monnaie fiduciaire, de monnaie scripturale (inscrite sur nos comptes bancaires), les billets de banque, et même la quasi-totalité de nos placements financiers, actions et obligations, particulièrement les obligations d’État, c’est-à-dire les dettes des États détenues par les particuliers (dans une forte proportion par les résidents) ou les « zinzins » (les investisseurs institutionnels, dont les fonds de placement, fonds de pension, banques, assurances...), qui ont en puissance une valeur ridiculement faible, puisque tous ces placements et liquidités sont libellés en devise, et non en or. Comme nous évoluons dans un système globalisé, ce serait de nouvelles monnaies étalonnées sur l’or qui seraient créées où les avoirs comme les dettes détenus seraient divisés par 100 par rapport à l’or.
Tout pourrait être divisé par 100, les revenus comme la valeur de chaque chose, sauf la valeur du support ultime, l’or (si l’or devient l’étalon). Les États auraient alors le loisir de rembourser leurs dettes à moindres frais, puisque leurs banques centrales sont suffisamment pourvues en métal précieux.
Quel serait l’impact psychologique ? Sans doute négligeable si la situation économique des nations devenait intenable par leur endettement comme par l’inflation. Il y a parfois du bon dans le pire. Et ce ne serait pas la première fois que nous devrions revenir à la réalité d’une monnaie réelle en remplaçant une monnaie usée jusqu’au moindre centime de crédibilité.
Le système de l’étalon-or, qui est une monnaie en contrepartie or, permet de résister mécaniquement à l’expansion du crédit, résistance qui est précisément décriée par les usuriers comme étant aussi un frein aux idoles tyranniques de « la croissance », PIB (dans son mode de calcul), et des ratios arbitraires, lunaires et décorrélés de la réalité économique trop souvent ; le système de l’étalon-or est réputé limiter la dette et l’inflation, et lève toute incertitude sur la pérennité de la monnaie, ce qui permet sans doute de prêter plus « justement », en restant collé à une économie réelle et profitable au plus grand nombre. Nos monnaies fiduciaires deviennent au fil des décennies des instruments de spéculation qui nous échappent et dont l’intelligence artificielle semble s’imposer en arbitre chaque jour un peu plus avec quelques fonds de gestion à la dimension démentielle prêts à tout avaler et asservir, et dont les noms sont à eux seuls un sombre programme, tel par exemple « BlackRock ».
Sans un étalon neutre et universel, la domination est assurée par celui qui peut émettre une monnaie universelle sans limites ; le dollar ne repose sur rien d’autre que sur le dollar. Un monde multipolaire remettra l’or à sa place d’étalon, de monnaie ultime et universelle. C’est d’ailleurs ce à quoi s’emploient déjà les Brics ?
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La croissance, la confiance méritée par l'état de droit et la visibilité politique contre le marasme mais soi-disant garanti par l'étalon-or destiné à rassurer des épargnants épouvantés par le risque de flambée inflationniste que seul l'or serait susceptible d'éteindre. Ah bon? Et pour quelle raison à part justement un report supposé de la confiance soi-disant perdue sur cette croyance ?
03 h 25, le 15 août 2024