Le combat n’aura duré que 46 secondes sur le ring, mais les prolongations entamées sur la toile n’en finissent plus d’agiter des Jeux qui, malgré leur succès populaire, n’en finissent plus d’être rattrapés par les polémiques.
Après un direct du droit reçu en plein visage, jeudi, au début de son duel face à l’Algérienne Imane Khelif comptant pour les 8es de finale du tournoi olympique féminin de boxe, dans la catégorie des moins de 66 kg, Angela Carini lève soudainement le bras. Elle se retourne vers son coin pour demander un temps mort, puis signifie qu'elle souhaite abandonner. Au moment où l’arbitre déclare l'Algérienne vainqueure, l’Italienne s’époumone : « Ce n’est pas juste ! » avant de quitter le ring sans saluer son adversaire et de se diriger, en pleurs, vers les caméras des journalistes : « Je ne me suis pas rendue. Un coup de poing m'a fait trop mal et j'ai dit : ça suffit », a-t-elle déclaré en expliquant que son geste avait été motivé par sa volonté de « préserver sa vie ».
« Gifle à l’éthique du sport »
La séquence ne tarde pas à enflammer les réseaux sociaux, en premier lieu du côté de l’Italie, où Matteo Salvini, ancien ministre de l’Intérieur d’extrême droite, est le premier à allumer la mèche en s’insurgeant contre ce qu’il qualifie de « gifle à l’éthique du sport et à la crédibilité » des Jeux olympiques tout en désignant Imane Khelif de «boxeuse trans». Une rhétorique reprise par d’autres personnalités politiques ultraconservatrices, dont la cheffe du gouvernement italien en personne, Giorgia Meloni, Donald Trump, Elon Musk, ou encore l’autrice d’Harry Potter, J.K. Rowling, connue pour ses prises de position controversées sur les questions de genre : « Expliquez pourquoi vous acceptez qu'un homme batte une femme en public pour votre divertissement ».
Malgré les excuses d’Angela Carini vendredi, qui s’est dit « attristée » par cette polémique et « désolée » pour son adversaire, avant d’ajouter que « si le Comité olympique dit qu’elle (Imane Khelif) peut combattre, je respecte cette décision » pour tenter d’éteindre l’incendie, l’affaire ne risque pas de s’arrêter là. Le comité olympique hongrois s’en est à son tour pris à l’Algérienne alors qu’Anna Luca Hamori, une boxeuse hongroise, doit croiser sa route en quarts de finale ce samedi. « Seules les concurrentes présentant des caractéristiques biologiques exclusivement féminines » doivent être « autorisées à concourir dans la catégorie femme », a déclaré le comité vendredi dans un communiqué, disant vouloir « protéger les intérêts des athlètes hongrois » et « le droit des femmes à une concurrence loyale ».
Toutes ces critiques ont été d’autant plus alimentées par le précédent créé par la Fédération internationale de boxe (IBA), qui avait décidé d’écarter Imane Khelif ainsi qu’une autre boxeuse en lice dans ces JO-2024, la Taïwanaise Lin Yu-ting (-57 kg), des Mondiaux-2022 à Istanbul et 2023 à New Delhi après des « tests d'éligibilité » pour établir leur genre. « Des tests ADN ont révélé qu’[elles] tentaient de tromper leurs collègues en se faisant passer pour des femmes, comme l'attestent leurs chromosomes XY », avait déclaré le président russe de l'IBA, Umar Kremlev, réputé proche de Vladimir Poutine, à l'agence de presse Tass, en mars 2023.
Des accusations infondées
Or, aucune autre source fiable n'a confirmé ces allégations. Contactée par l’AFP, l'IBA n'a pas précisé la nature et le détail de ces tests qu'elle aurait réalisés sur les deux boxeuses. À noter que cette fédération n'est plus reconnue depuis juin 2023 par le Comité international olympique (CIO) pour mauvaise gouvernance, et s’est ainsi vu retirer l'organisation des tournois olympiques.
Cette démarche de l’IBA visant à exclure l’Algérienne et la Taïwanaise sur la base de ces tests a été fustigée par le CIO, qui a, quant à lui, validé sans broncher leur participation avant de venir à leur secours en plein cœur de la polémique. « Elle (Imane Khelif) est née femme, enregistrée comme femme, vit sa vie en tant que femme, boxe en tant que femme », a martelé vendredi le porte-parole du CIO Mark Adams. « Ce n'est pas un cas transgenre. […] Le test de testostérone n'est pas un test parfait. Les femmes peuvent avoir avoir un taux de testostérone égal à celui des hommes, tout en étant des femmes », a-t-il ajouté.
En effet, cette hormone est produite tant par les hommes que par les femmes, même si la quantité diffère. Lorsque les taux sont supérieurs à la moyenne, il est possible de parler de cas « d'hyperandrogénie ». Le cas le plus emblématique est celui de l'athlète sud-africaine Caster Semenya, la double championne olympique du 800 mètres, privée depuis 2018 de compétition en raison d'une décision de la Fédération internationale d’athlétisme, World Athletics, l’obligeant à prendre un traitement hormonal pour diminuer son « taux élevé de testostérone ». Chose à laquelle Caster Semenya refuse de se soumettre. Elle mène depuis un long combat judiciaire l’ayant conduit en mai dernier devant la Cour européenne des droits de l’homme. La procédure est toujours en cours.
« Battue par neuf boxeuses »
En l'absence de détails de la part de l'IBA et des principales conernées, il n'est pas possible de dire dans quel cas se situent ces deux boxeuses, également qualifiées, sans preuves, de personnes dites « intersexes » dans plusieurs articles. Cette catégorie de personnes, atteintes d’une anomalie congénitale empêchant de les catégoriser biologiquement en tant que « homme » ou « femme », représente environ 1,7% de la population générale, selon la communauté scientifique.
Outre la virulente campagne de dénigrement qu’elle subit ces derniers jours, Imane Khelif a également reçu une large vague de soutien, en premier lieu d’Algérie. « En avant Imane, toute l’Algérie, gouvernement et peuple, est derrière toi », a déclaré Abderrahmane Hammad, le ministre algérien des Sports. Ismaël Bennacer, footballeur au Milan AC, a dénoncé, quant à lui, une « vague de haine injustifiée » : « Sa présence aux Jeux olympiques est tout simplement le fruit de son talent et de son travail acharné », a-t-il estimé.
Mais la boxeuse de 25 ans, qui retournera sur le ring ce samedi pour disputer son quart de finale, a également reçu un autre appui de poids : celui de l'Irlandaise Amy Broadhurst, qui a dominé Imane Khelif à deux reprises dans sa carrière, notamment aux précédents Jeux de Tokyo en 2021. « Je ne pense pas qu'elle ait fait quoi ce soit pour tricher. Elle est née comme ça et ce n'est pas quelque chose qu'elle contrôle. Le fait qu'elle ait été battue par neuf boxeuses en dit long », a-t-elle écrit sur X.
"… Giorgia Meloni, Donald Trump, Elon Musk, ou encore l’autrice d’Harry Potter, J.K. Rowling, connue pour ses prises de position controversées sur les questions de genre : « Expliquez pourquoi vous acceptez qu'un homme batte une femme en public pour votre divertissement » …" - et moi je leur demande à ces m’sieur-dames pourquoi ils ne sont pas choqués par le fait que l’armée israélienne s’attaque en public à des femmes et des enfants à Gaza…
21 h 07, le 03 août 2024