Fin du feuilleton. Pour la première fois depuis les Jeux d’Atlanta en 1996, aucun Libanais ne foulera les pistes d’athlétisme des Jeux Olympiques. Cette bien triste première au XXIe siècle n’est certes pas le problème le plus grave auquel le pays du Cèdre doit faire face ces dernières semaines, mais le monde de l’athlétisme libanais s’en serait bien passé. Tout comme le commandant en chef de l’armée libanaise, Joseph Aoun, qui recevait ce mercredi 31 juillet, au lendemain de la frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth visant un haut-gradé du Hezbollah, une délégation de la Fédération libanaise d’athlétisme (FLA) venue plaider la cause de son seul et unique candidat pour participer aux Jeux de Paris 2024, Noureddine Hadid.
Joseph Aoun vs la FLA
« Nous essaierons jusqu’au dernier moment ». Fidèle jusqu’au bout à son credo et à celui qui l’avait représentée lors de la précédente olympiade de Tokyo il y a trois ans, l’instance dirigeante de l’athlétisme libanais a donc essayé par tous les moyens d’obtenir gain de cause et de convaincre l’institution militaire de laisser le sprinteur de 31 ans quitter le territoire libanais pour courir, ce samedi 3 août, les séries du 100 mètres au Stade de France.
Malgré la « raison d’État » invoquée par la FLA, l’armée est restée intransigeante et campée sur une position qu’elle lui avait pourtant fait savoir depuis plusieurs mois par l’envoi de courriers indiquant son refus de permettre à un « déserteur » de « représenter le pays en compétition internationale ». Une mise en garde rapportée par une source sécuritaire à L’OLJ peu après le début de l’affaire, le 4 juillet dernier, lorsque Noureddine Hadid était arrêté à l’aéroport de Beyrouth à l’arrivée d’un vol en provenance de la France, près de neuf mois après son départ du Liban à la mi-octobre 2023.
« Un déserteur ne peut se soustraire aux mesures prévues à son encontre », affirmait alors la source précitée qui ajoute qu’« aucun accord avec le général n’a été trouvé (cette semaine) pour laisser Noureddine Hadid repartir », lui qui est désormais soumis à une interdiction de quitter le territoire après avoir purgé deux semaines de prison après son arrestation.
Sauf que cette fois-ci, la sentence était irrévocable : « Nous avons essayé d’expliquer la situation au général et de trouver une solution, mais il ne l'a pas autorisé à participer », confirme un membre de la FLA. Si, à trois jours de l’échéance, l’option consistant à dépêcher un autre coureur à la dernière minute en remplacement relevait quasiment de la mission impossible, celle-ci était de toute façon écartée depuis le départ par la FLA : « Malheureusement personne ne participera, conclut la source de la FLA. Le plus légitime à courir le 100m était Noureddine, et si cela n’est pas possible, alors nous préférons en rester là ».
Aziza Sbaity et Marc-Anthony Ibrahim
Noureddine Hadid n’était pourtant pas le seul coureur libanais à pouvoir prétendre à la « place d’universalité », réservée aux athlètes des nations sous-représentées aux Jeux olympiques ayant manqué de peu leur qualification, au moment où celle-ci avait été octroyée au Liban par la fédération internationale d’athlétisme, World Athletics, en 100m, 800m ou en marathon.
Les noms d'Aziza Sbaity et de Marc-Anthony Ibrahim, tous deux détenteurs de records nationaux dans leurs disciplines respectives, ont été successivement proposés par le Comité olympique libanais (COL) pour tenter de sortir de l’impasse dans laquelle l’athlétisme s’est progressivement engouffrée. À force de tergiverser, le Liban n’avait plus d’autre choix que de s’aligner sur le 100 m masculin, les autres courses (100m féminin, 800m et marathon) ayant déjà été pourvues.
« Cette semaine encore, nous négocions jusqu’au bout avec World athletics (la Fédération internationale d'athlétisme, Ndlr) pour trouver une solution malgré le retard accumulé pour officialiser un nom », confie un membre du comité, souhaitant rester anonyme. Initialement fixée au 7 juillet, cette « date butoir » avait été exceptionnellement décalée jusqu’au dimanche 28 juillet par World Athletics. Mais alors que tout semblait réglé pour que Marc-Anthony Ibrahim soit nommé en dernier recours, la FAL a de nouveau refusé de changer de braquet dans le temps imparti.
« Sans l’aval de la fédération nationale, la fédération internationale ne peut pas changer le nom du participant qui lui a été transmis, celui de Noureddine Hadid. C’est pourquoi Marc-Anthony Ibrahim ne courra pas non plus », déplore-t-il. Était-il de tout façon souhaitable qu’un coureur de 400 et de 800m se retrouve à courir sur une distance dont il n’est pas spécialiste ? « Cela aurait été mieux que rien », suppose-t-il. Et de conclure : « Tout ça pour ça... »
Déliquescence dégoûtante.
08 h 32, le 03 août 2024