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Culture - Lecture à la p(l)age

Vincent Lemire compile une bande dessinée historique « sur les routes de Jérusalem »

En cours de traduction dans une dizaine de langues, « Histoire de Jérusalem » relève le défi de résumer 4000 ans d'histoire en quelque 250 pages, quitte à en négliger les 76 dernières années.

Vincent Lemire compile une bande dessinée historique « sur les routes de Jérusalem »

L’historien français Vincent Lemire, auteur de la bande dessinée « Histoire de Jérusalem ». Ronaldo Schemidt/AFP

Lire Histoire de Jérusalem à Beyrouth, cet été 2024, c’est chercher, malgré soi, à comprendre comment on en est arrivés là. Dans un Liban aux portes de la guerre totale avec Israël, qui risquerait d’embraser tout le Moyen-Orient, chaque tournure des quelque 250 planches de cette bande dessinée revient à espérer que l’une des vignettes, dessinées par Christophe Gaultier et colorisées par Marie Galopin, ou l’une des bulles, compilées par l’historien Vincent Lemire à partir de plus de 200 sources historiques, contienne une réponse claire à l’énigme de l’œuf et de la poule dans le conflit israélo-palestinien.

Soixante-seize ans d’(ho)erreurs pour quatre mille ans d’histoire, le ver doit bien se trouver quelque part. Serait-il à Jérusalem ? Là est toute la question puisque, de l’expression même de l’auteur, la Ville trois fois sainte n’est autre que « le nombril du monde ». Alors qui des Égyptiens, des Perses, des Juifs, des Grecs, des Romains, des Byzantins, des Arabes, des croisés, des Mamelouks, des Ottomans, des Anglais, des Jordaniens, des Palestiniens et des Israéliens, qui ont foulé cette terre ou s’en sont emparés, a semé la graine de la discorde ?

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« Au commencement il n’y avait rien », rappelle Vincent Lemire à l’entame de son récit. Le bon temps, sans doute. Rien, si ce n’est justement une graine, celle d’une olive, crachée par « un berger qui passait par là ». Quarante siècles plus tard, c’est de cette graine que le narrateur du récit est issu : un olivier noueux qui, du haut du mont qui portera plus tard son nom, aura tout vu et tout vécu. Derrière lui, le désert et la mer Morte. Devant lui, une « bourgade isolée, perchée sur une ligne de crête entre la Méditerranée et le désert ». Celle-là même dont le destin sera de devenir « la capitale spirituelle pour plus de la moitié de l’humanité », note dans sa présentation la maison d’édition parisienne Les Arènes.

Publiée fin octobre 2022, la bande dessinée s’était bien écoulée. Elle trône désormais dans le top 5 des meilleures ventes en France depuis sa réimpression post-7 octobre 2023. Car la guerre de Gaza a, pour ainsi dire, enflammé les passions du monde à la recherche de sens face à ce regain d’ho(e)rreurs. Mais, en réalité, si tous les regards sont tournés vers l’enclave palestinienne depuis dix mois, la région ne serait-elle pas en train de retenir son souffle aux bruits de bottes « sur la route de Jérusalem » ? 

Le Liban n’est pas sorti de l’auberge

Et des bottes, ou autres protège-pieds selon les époques, marchant vers (sur) cette ville, il y en a eu au fil des millénaires qui se sont écoulés. En dix chapitres égaux, chacun d’une demi-heure de lecture environ, Vincent Lemire raconte Nabuchodonosor, Alexandre le Grand, Hérode, Constantin, Godefroy de Bouillon, Saladin, Soliman, Djemal Pacha, le général Allenby, David Ben Gourion, Yasser Arafat. Le tout narré à partir d’archives historiques : du Cantique des cantiques au Journal de Theodor Herzl, en passant par l’Histoire du monde de Yaqoubi et les Notes de voyages de Gustave Flaubert.

Ce travail titanesque pour l’historien, scénariste de la bande dessinée, aura duré plus de six ans. Au dessin, on remarque l’effort de simplicité, voire de pédagogie, de Christophe Gaultier dans son trait de crayon, au risque toutefois d’en devenir caricatural, notamment dans la représentation des figures religieuses, à l’allure de méchants sorciers. Un écueil volontaire peut-être, à la fois pour attirer la jeunesse et pallier la densité de l’information ?

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Car Histoire de Jérusalem est loin de n’être qu’une bande dessinée. Il s’agit plutôt d’une encyclopédie illustrée, à ajouter sur la liste des manuels scolaires des établissements du monde entier, ou du moins de ceux qui pensent que Jérusalem est le nombril de leur monde. En cours de traduction dans une dizaine de langues, dont l’arabe et l’hébreu, il reste à voir comment elle pourra être enseignée sans biais selon l’histoire de chacun. Un exercice périlleux, c’est certain, qu’auraient anticipé les auteurs en passant (beaucoup trop) rapidement sur les 76 dernières années ?

Intitulé « L’impossible capitale » et démarrant en 1947, le dernier chapitre survole le conflit israélo-palestinien en n’en citant que les principaux événements. Les trois dernières décennies s’illustrent ainsi sur une planche de six vignettes : de la représentation officieuse de l’Organisation de libération de la Palestine en 1993 par Fayçal Husseini à l’évocation des affrontements entre juifs et musulmans sur l’esplanade des Mosquées en mai 2021, qui avaient conduit à une guerre entre Israël et le mouvement Hamas, en passant par un Ariel Sharon sur cette même esplanade en 2000, déclenchant la deuxième intifada, et un Donald Trump reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël en décembre 2017. On en aurait voulu plus, mais « je vous avoue que je suis un peu fatigué… » confesse l’olivier.

Et, en réalité, nous aussi. Car pour raconter l’histoire de Jérusalem depuis la création de l’État d’Israël en 1948, il faudrait sans doute un deuxième tome, tant ces 76 dernières années donnent l’impression de peser autant que les 4 000 précédentes. Si elle n’offre pas de réponse à nos questionnements sur l’origine du conflit israélo-palestinien, presque devenus existentiels au XXIe siècle pour une partie du monde, cette Histoire de Jérusalem sème ici et là quelques indices pour en résoudre l’énigme, ou en tout cas laisser libre cours à l’interprétation de chacun pour y donner un semblant de réponse. En refermant cette bande dessinée à Beyrouth cet été 2024, une chose paraît toutefois évidente : si tous les chemins mènent vraiment à Jérusalem, le Liban n’est pas sorti de l’auberge. 

Lire Histoire de Jérusalem à Beyrouth, cet été 2024, c’est chercher, malgré soi, à comprendre comment on en est arrivés là. Dans un Liban aux portes de la guerre totale avec Israël, qui risquerait d’embraser tout le Moyen-Orient, chaque tournure des quelque 250 planches de cette bande dessinée revient à espérer que l’une des vignettes, dessinées par Christophe...
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Etonnant de ne pas se baser sur le Pavée de Marc Twain " The innocents Abroad" de 1869 pas traduit complètement en français. De Pierre Loti sur Jérusalem

Dorfler lazare

01 h 14, le 06 août 2024

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Commentaires (1)

  • Etonnant de ne pas se baser sur le Pavée de Marc Twain " The innocents Abroad" de 1869 pas traduit complètement en français. De Pierre Loti sur Jérusalem

    Dorfler lazare

    01 h 14, le 06 août 2024

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