À 86 ans passés, Jean-Claude Alfa dirige toujours sa cuisine d'une main de fer. Après avoir démarré sa carrière loin des fourneaux, et plus précisément dans la mode, il se lance dans la restauration. En 2010, inspiré par les grands maîtres de la gastronomie, Paul Bocuse, Michel Guérard, Alain Ducasse, Joël Robuchon ou encore Daniel Boulud, Jean-Claude choisit de créer un lieu où seront servies des spécialités « haut de gamme ». Ce bistrot baptisé « Chez Jean-Claude », situé à la rue Gabriel Khabbaz, se trouve contraint de déménager en raison des dégâts subis lors de la double explosion du 4-Août. Après un arrêt ponctuel au plateau de Bakish, c’est à Beyrouth, et plus précisément à la rue Khalil Abou Hamad, là où se trouvait Breakfast Barn, que « Chez Jean-Claude » devient « Jean-Claude », et que les prix sont révisés à la baisse.
La décoration
Ce nouvel espace, à la fois confortable et chaleureux, peut accueillir une vingtaine de personnes. Le cadre, intime, dispose d'une petite terrasse qui accueille huit personnes. Dans ce bistrot haut de gamme, en dépit de la simplicité d’un décor – avec la présence de photos encadrées et de livres – conçu pour que l’on se sente chez soi, les plats servis sont à chacune de nos visites, savoureux. Un peu chers, certes, mais ils valent bien le détour.
Dans vos assiettes
Impossible de se rendre chez Jean-Claude sans commander d’abord les incontournables Lentilles vertes du Puy avec foie gras. Une généreuse portion de lentilles vertes, cuites à la perfection, accompagnent de délicieux morceaux de foie gras délicatement disposés à côté, garnis de feuilles d'iceberg et de tomates cerises qui donnent ce qu’il faut de couleur à l’assiette pour la rendre quelque peu attirante. Le contraste en bouche entre le croquant des lentilles et l'onctuosité du foie gras est parfait. Ce mélange harmonieux de textures et de saveurs illustre à sa manière l'élégance et le raffinement de la cuisine française. Il manquait toutefois, pour frôler la perfection, de fines tranches de brioche grillées réunissant tous ces goûts dans une même bouchée. De plus, le foie gras aurait gagné à être poêlé juste avant d’être servi pour qu'il arrive à table chaud. Petites erreurs vite pardonnées, le plat était quand même exquis...
Le Tartare de saumon mi-fumé était notre deuxième – bon – choix. À la fois léger et délicat, il associe la consistance fraîche et crue du tartare traditionnel avec l’arôme subtil et fumé du saumon, créant ainsi une belle expérience gustative. Le processus de demi-fumage aidant, car il permet une subtile saveur fumée qui n’étouffe pas le goût naturel du saumon.
Les Ravioles aux cèpes sauce morilles sont très bonnes, à consommer en entrée ou en plat principal. Ce plat français gourmand est servi avec une riche sauce aux morilles, recouvrant généreusement les pâtes, et du fromage parmigiani saupoudré sur l’ensemble. Les raviolis étaient cuits al dente, juste ce qu’il fallait pour en garder la sensation et la saveur, parfaitement associée à la sauce crémeuse.
Le best of
En plat principal, ne manquez surtout pas le Filet de bœuf au poivre de Jean-Claude, tendre et juteux à souhait, agrémenté d'une puissante sauce aux grains de poivre entiers, cuit à la perfection et, comme nous l’avions commandé, saignant. Saisi à feu vif, il permet d’obtenir une croûte caramélisée tout en conservant le cœur juteux et tendre de la viande. La sauce, relevée avec justesse, les pommes de terre rissolées avec un extérieur croustillant et doré font de ce plat un choix réussi.
Le Filet de veau aux morilles, également exquis, est servi avec les mêmes pommes de terre rissolées croustillantes que celles qui accompagnent le filet de bœuf au poivre. Le veau, avec une cuisson « à peine rosée » qui lui conserve moelleux et finesse, est servi avec une sauce aux morilles qui ajoute une saveur profonde et terreuse à ce plat gastronomique. Les sublimes couteaux de Laguiole sont proposés avec les viandes, ajoutant ainsi une touche d'élégance à l'expérience. Seul bémol, la présentation de ces plats qui n’était pas à la hauteur de leur qualité et de leurs saveurs. Pour nous consoler, un verre de Château de Paillet-Quancard qui se mariait bien avec notre repas…
Pour les gourmets carnivores, le Confit de canard est également à déguster. Une cuisse de canard longuement macérée et cuite dans sa propre graisse jusqu'à obtention d’une peau dorée et craquante, servie sur un lit de pommes de terre rôties coupées en fines tranches, qui ajoutent une nouvelle saveur au plat. Le canard est accompagné d'une salade de roquette sauvage fraîche et de tomates cerises tranchées, qui insufflent une fraîcheur et un équilibre à la richesse du canard et des pommes de terre.
Oui, mais...
Notre grande déception fut le Loup de mer, qui nous a paru extrêmement fade : un léger filet de sauce au beurre citronné ou une simple huile d'olive infusée aux herbes aurait donné plus de saveur et d'élégance au plat, sans étouffer les saveurs délicates du poisson. En outre, la purée de pommes de terre était trop épaisse. Crémeuse et onctueuse, elle aurait constitué une base parfaite pour ce poisson délicat.
En ce qui concerne les desserts, la Tarte fine aux pommes n'a pas été à la hauteur de nos attentes non plus ; les pommes non-caramélisées, on voyait encore le sucre tel quel au lieu d'être caramélisé et de donner aux pommes leur teinte brune. Déception encore plus grande car il s'agit là du dessert « signature » de Jean-Claude, et que nous l’avions commandé en début de repas. Sans la caramélisation souhaitée, ce dessert n'a pas achevé, comme on s’y attendait, l’expérience quasi-parfaite de notre repas. Au lieu de cela, la glace d'Oslo a, elle, sauvé la mise…
Si Jean-Claude propose toujours des plats « hauts de gamme », le service a malheureusement perdu de sa qualité, ce qui est vraiment regrettable. Sa charmante épouse, Sophie, décédée en 2019, avait l'habitude de passer à chaque table pour s'assurer que tous les convives étaient satisfaits. Sa présence manque cruellement, à tous les niveaux, et le personnel actuel a clairement besoin d'être guidé et formé : personne ne porte de filet à cheveux en cuisine, les livraisons se font devant les clients à l'intérieur du restaurant (des poissons frais aux bouteilles d'eau).
Plus grave encore, le serveur a commis de nombreuses maladresses répétées qui ne servent pas à la réputation du bistro : il nous a servi du beurre sans nous fournir de couteaux, a fait de nombreuses entrées et sorties de la cuisine sans raisons apparentes, est sorti fréquemment du restaurant pour fumer, a servi le plat suivant avant que nous ayons terminé le précédent, et n'a pas nettoyé la table entre les repas.
Autre grand bémol, la cigarette est permise à l’intérieur, ce qui affecte considérablement l'expérience culinaire. De plus, la présence d'un bar improvisé entre les quelques tables de la petite salle à manger est pour le moins encombrant. Enfin, la présentation laisse souvent à désirer et l'attrait visuel manque de finesse. Jean-Claude n'est pas un chef cuisinier de formation, mais la cuisine est sa passion. S'il excelle dans les recettes, en proposant des plats simples mais bons, son manque de formation se ressent dans la présentation et parfois dans la créativité de l'assiette.
Notre dernière remarque concerne les quatre genres de poissons proposés sur le menu, sans aucune indication de prix. Pour connaître le poisson du jour et les tarifs, et ne pas avoir de mauvaises surprises au moment de l’addition, les clients doivent à chaque fois se renseigner auprès du serveur. Ainsi, le loup de mer que nous avions commandé lors d'une de nos visites était facturé, à notre grand étonnement, 70 dollars, et la portion était trop petite pour ce prix-là.
Les prix doivent être affichés clairement pour éviter ce genre de problèmes, surtout lorsque le coût peut s’avérer être le double ou le triple de celui d'autres plats qui sont sur le menu.
Pour ce repas excellent, en dépit des hics, notre ticket moyen s'élevait à environ 80 dollars, vin inclus. Ces faiblesses expliquent sans doute pourquoi le restaurant n'est pas toujours aussi plein qu'il le mériterait, vu la grande qualité des repas proposés.
Adresse : Rue Khalil Abou Hamad, Achrafieh
Tél : 03/286378
DATA
Son : niveau maximum = 92,5 dB, TWA = 37,8 dB
Qualité de l'air : 84/100 (bien), COV 0,27 ppm, Humidité 41%, Température +23,6°C.
NOTES
Son : 3/5
Décoration : 3/5
Personnel : 2/5
Plats : 3.5/5
Propreté : 3.5/5
Avis : bon
Prix : élevé.
En résumé...
On aime bien : Lentilles Vertes du Puy avec Foie Gras, Ravioles aux Cèpes Sauce Morilles, Filet de Bœuf au Poivre, Filet de Veau aux Morilles, Confit de Canard
On aime moins : Loup de Mer, Tarte Fine aux Pommes, la présentation des plats
Le conseil : Si Jean-Claude propose des plats de qualité aux saveurs exceptionnelles, il faut s'attendre à quelques faiblesses dans le service et à une présentation inégale. Demandez le prix des plats de poisson pour éviter les surprises, et profitez de l'ambiance charmante de ce bistrot de quartier. Malgré ces quelques problèmes, l'expérience culinaire vaut la peine pour ceux qui apprécient la cuisine française raffinée dans un cadre intime et chaleureux.
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12 h 04, le 03 août 2024