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Produits illégalement, des billets en circulation dans l'Est libyen poussent à la dévaluation du dinar

Un homme montrant des billets de dinars libyens dans une bijouterie de la vieille ville de Tripoli en Libye, le 26 octobre 2017. Photo REUTERS/Ismaïl Zitouny

Des billets de banque libyens imprimés illégalement sont en circulation dans l'est de la Libye et ont contribué à la dévaluation du dinar, ont rapporté à l'agence Reuters trois sources au fait de la question, ajoutant que certains billets ont été imprimés en Russie tandis que d'autres ont été fabriqués à l'intérieur-même du pays.

Ces nouveaux billets ont été qualifiés de faux par la Banque centrale de Libye (BCL) à Tripoli, mais ils sont échangés en devises fortes sur le marché noir ou par l'intermédiaire de banques locales, selon une source du gouvernement de l'est de la Libye, une source bancaire libyenne et une source diplomatique. L'argent a été utilisé pour financer des projets d'infrastructure dans l'est du pays à la suite des inondations dévastatrices de l'année dernière, a-t-on affirmé de sources proches du gouvernement de l'Est et bancaires. L'argent pourrait également servir à financer les activités des mercenaires russes en Libye et au Sahel, selon la source diplomatique.

La Libye est divisée depuis 2014 entre des factions en guerre, basées dans l'ouest et l'est du pays. L'Est est contrôlé par Khalifa Haftar. Malgré une trêve en 2020 et des efforts pour réunifier formellement les institutions, une solution politique s'est avérée jusque là inatteignable et de nouvelles tensions refont régulièrement surface.

Les dinars importés entre 2016 et 2020 ont été officiellement émis par la branche orientale de la Banque centrale de Libye à Benghazi (dans l'Est) et portaient la signature de son gouverneur Ali al-Hibri. Leur émission a aggravé les divisions économiques à l'intérieur du pays, en raison des taux de change différents dans les différentes régions. Après le cessez-le-feu et les efforts de réunification bancaire, la principale succursale de la BCL à Tripoli, dirigée par le gouverneur Sadiq al-Kabir, a accepté les billets imprimés en Russie et émis par M. Hibri comme monnaie légale.

Une « menace sérieuse » pour le système bancaire

M. Hibri a été remplacé en 2022. M. Kabir a ensuite déclaré que les nouveaux billets ne devraient plus être utilisés, mais les autorités de l'est de la Libye ont insisté sur le fait que toute institution qui les écoule serait punie. Aucune des deux branches de la BCL n'ont répondu aux demandes de commentaires de Reuters. Le rôle de la Russie dans l'injection de nouveaux billets de banque en Libye a été signalé à l'agence par The Sentry, un groupe international d'investigation et d'orientation axé sur la corruption et les crimes de guerre.

L'Armée nationale libyenne, qui contrôle l'est de la Libye, n'a pas répondu dans l'immédiat à une demande de commentaire. L'imprimerie nationale russe Goznak n'a pas non plus donné suite. Le département d'État américain avait sanctionné en juin Goznak pour avoir imprimé plus d'un milliard de dollars de fausse monnaie libyenne, sans préciser où ni quand les billets ont été fabriqués ou livrés. La Russie a fourni aux autorités de l'Est plusieurs milliards de dinars de 2016 jusqu'au cessez-le-feu de 2020, aidant ainsi le commandant allié de l'Est, Khalifa Haftar, et le gouvernement qu'il soutenait à Benghazi. La fourniture de nouveaux billets de banque cette année n'était pas connue auparavant.

Commentant cette affaire, le chef d'investigation de The Sentry, Charles Cater, a estimé que « le contrôle hégémonique de la famille Haftar sur l'est de la Libye constitue une menace sérieuse pour la totalité du système bancaire ».

Des billets de 50 dinars

La majeure partie de la monnaie non-officielle est constituée de billets de 50 dinars. La BCL a publié une déclaration au début de l'année identifiant quatre types de billets de 50 dinars : ceux imprimés officiellement pour la banque centrale, ceux imprimés dans le passé par Goznak pour la branche orientale de la BCL sous la direction de M. Hibri, et deux nouvelles émissions qu'elle a qualifiées de « contrefaites ». La source diplomatique a indiqué que l'une de ces émissions était de meilleure qualité et qu'elle avait été imprimée en Russie et importée. Les autres billets, moins sophistiqués, semblent avoir été imprimés en Libye. La source bancaire libyenne et la source du gouvernement de l'Est ont toutes deux affirmé qu'une opération illicite d'impression de dinars avait lieu dans l'est de la Libye.

Les dinars sont convertis en devises fortes soit par l'intermédiaire de changeurs du marché noir, soit par des dépôts effectués dans des banques de l'Est par des sociétés écrans qui utilisent des lettres de crédit à l'importation pour envoyer des dollars américains de la banque centrale à des entreprises à l'étranger, ont déclaré à Reuters les trois sources au courant de l'affaire. L' « exportateur » est en fait une société écran contrôlée par les mêmes personnes que celles qui sont à l'origine de l'impression. Aucune marchandise n'est expédiée et les dollars sont empochés par le réseau criminel, a déclaré M. Cater. La BCL avait brièvement cessé d'émettre des lettres de crédit par le passé, suite à des allégations selon lesquelles certains importateurs les utilisaient pour obtenir des dollars à bon marché.

Pour contrer l'impact des faux billets, la BCL a annoncé en avril qu'elle retirerait tous les billets de 50 dinars de la circulation d'ici la fin du mois d'août. Le dinar libyen a commencé à chuter l'année dernière, mais a glissé plus rapidement au début de 2024, une chute que la source diplomatique et la source bancaire ont attribuée à l'injection de nouveaux billets dans l'est du pays. La source diplomatique a confié qu'il était « très préoccupant » de savoir que les Russes impriment des dinars, lesquels sont convertis sur le marché noir en devises fortes, ce qui a un impact sur le dinar finalement utilisé pour payer les dettes liées à Wagner ou pour le Corps africain - le nom de la présence militaire russe en Afrique qui a succédé au groupe Wagner depuis la mort du fondateur de Wagner, Evgeni Prigojine, en 2023.


Cet article est une traduction, réalisée par L'Orient-Le Jour, d'un rapport publié en anglais par l'agence Reuters. 

Des billets de banque libyens imprimés illégalement sont en circulation dans l'est de la Libye et ont contribué à la dévaluation du dinar, ont rapporté à l'agence Reuters trois sources au fait de la question, ajoutant que certains billets ont été imprimés en Russie tandis que d'autres ont été fabriqués à l'intérieur-même du pays.Ces nouveaux billets ont été qualifiés de faux par la Banque centrale de Libye (BCL) à Tripoli, mais ils sont échangés en devises fortes sur le marché noir ou par l'intermédiaire de banques locales, selon une source du gouvernement de l'est de la Libye, une source bancaire libyenne et une source diplomatique. L'argent a été utilisé pour financer des projets d'infrastructure dans l'est du pays à la suite des inondations dévastatrices de l'année dernière, a-t-on affirmé...